mar 23 avril 2024 - 13:04

Du perfectionnement de l’homme au perfectionnement de l’humanité (1)

L’homme est un être fini, relatif qui tend vers l’infini, l’absolu. Régis Debray l’affirme : « Si l’individu est finitude, rien de ce qui est humain n’est jamais fini, ni même défini ». Son imperfection lui révèle sa perfectibilité. S’il n’est pas achevé, c’est pour qu’il réalise lui-même son propre achèvement. Il donne du sens au monde parce qu’il y est, parce qu’il le pense, par ce qu’il y fait. L’activité qu’il exerce sur son milieu le transforme – et il se transforme.

Oui, mais dans quel sens ? Quel sens donner à sa vie ? Sur quoi la fonder ? Qu’est-ce qui la guide ? En un mot, qu’est-ce qui donne du sens au sens[1] ?

Si, pour le Chrétien le Christ fait sens puisqu’il est « la Voie, la Vérité et la Vie », pour l’agnostique c’est le sens qui donne une voie à la vérité de sa vie. En lui indiquant une direction, elle lui montre un chemin de vie, elle oriente son destin. C’est donc bien l’être qui donne un sens à sa vie. Mais sans la vie, il n’y aurait pas d’être. Elle donne aussi son sens à l’être. Ainsi n’y a-t-il d’être de sens que parce qu’il y a d’abord un sens à la vie.

Toute vie est un combat pour le sens ; un combat que le Franc-maçon entreprend. Sa démarche commence par la maîtrise de ses sens. Elle se poursuit par la quête spirituelle d’un sens. Elle s’achève par l’accession à son essence – la lumière de son être intime. « Deviens ce que tu es », conseille Nietzsche. Par cette sentence, il recommande de passer d’une vie subie à une vie choisie. Comment ? En se donnant un sens à vivre – encore et toujours.

La Franc-maçonnerie se fait un devoir d’accompagner ses membres dans leur démarche en leur proposant une méthode. Cette méthode leur présente des archétypes de vies exemplaires[2] pour que, sur leurs modèles, ils puissent adopter un mode d’existence ; à charge pour eux de l’adapter à ce qu’ils sont, à ce qu’ils veulent, à ce qu’il font. Donner un sens à sa vie, c’est donner un sens aux actes de son existence ; c’est concevoir des projets, les soutenir et les réaliser. C’est en se perfectionnant que l’homme progresse vers l’idéal qu’il s’est fixé. Et de proche en proche, d’initié à initié, la Franc-maçonnerie s’assigne ainsi pour but « le perfectionnement de l’humanité ». Pour elle, chaque homme a son rôle à jouer sur terre. Il a sa pierre à tailler pour la faire entrer dans l’édifice de l’humanité…

Mais comment passe-t-on du perfectionnement de l’homme à celui de l’humanité ? C’est Montaigne qui répond en rappelant que « chaque homme porte [en lui] la forme entière de l’humaine condition. » Cette définition est celle de l’humanisme, qui fait de l’homme une fin et non un moyen.

Soit. Mais alors comme fin, comment valorise-t-il sa vie ? En lui ajoutant de la valeur, en lui conférant une valeur ajoutée. La vie ne vaut que par les valeurs qu’on y inscrit. Les valeurs sont donc ce quelque chose qui s’ajoute à la vie pour lui donner un sens ; et l’axiologie est l’étude (« logos ») de ce que vaut (« axios ») ce quelque chose qui s’ajoute à la vie. Ces valeurs lui montrent la direction du sens à prendre (ou de la voie à suivre) : celle de son monde intérieur (ésotérique). Il va y chercher sa pierre de vérité pour la faire briller dans le monde extérieur (exotérique). Seulement, le temps lui manque. La mort l’aspire et il passe ; il ne se dépasse que si des valeurs l’inspirent. Elles trans-figure(nt) celui qui se les approprie. Le sage clarifie : « Les qualités de l’un me serviront de modèle, les défauts de l’autre d’avertissement. » Fuir le vice et pratiquer la vertu est l’un des premiers enseignements de l’apprenti. La Franc-maçonnerie ajoute le principe qui en découle : « Fais aux autres tout le bien que tu voudrais qu’ils te fissent à toi-même. »

La conscience morale en tant que démarche sociale à l’égard de ses semblables est donc le moyen de valoriser sa vie. Et Alain en déduit que « toute conscience est d’ordre moral, puisqu’elle oppose toujours ce qui devrait être à ce qui est ». Dans ses « Constitutions » de 1723, Anderson approuve : « Un Maçon est obligé par sa tenure d’obéir à la loi morale ». L’homme est responsable de ses actes devant lui-même et devant les autres.[3]

Pierre PELLE LE CROISA, le 27 avril 2015

[1] Voir l’article précédent « Faut-il donner un sens à sa vie ? » dans la rubrique « Des clés pour hier et aujourd’hui ».

[2] Voir l’article « La Franc-maçonnerie : Exemplarité ? Valeurs ? « Grands initiés » ? » dans la rubrique : « La Franc-maçonnerie actuelle et de demain éclairée par celle d’hier ».

[3] Voir la suite dans l’article « Du perfectionnement de l’homme au perfectionnement de l’humanité »(2), rubrique : « Des clés pour hier et aujourd’hui ».

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