jeu 21 novembre 2024 - 18:11

L’humour en Franc-maçonnerie

Tout bon gélotologue* vous le dira, Nietzsche avait raison lorsqu’il déclarait que « L’homme souffre si profondément qu’il a dû inventer le rire ». A en juger par le très haut degré d’humour qui règne dans nos ateliers, j’en conclus que la souffrance n’a pas pu passer l’épreuve du tuilage. Les bons mots de semestre était-ils trop austères ou périmés ?

Devons-nous en conclure que nous avons tous atteint un tel niveau de félicité et de zénitude que l’humour maçonnique n’a plus d’utilité durant nos travaux ?

Devons-nous plutôt constater que nous avons instauré un concept d’austérité en Loge, ceci afin de nous prémunir contre la migraine et autres maux ?

En résumé, il apparaît clairement qu’aucune affliction n’est tolérée en Loge et que le rire n’est donc plus utile !

Avant d’aller plus loin, j’invite les profanes et les apprentis à se bander les yeux afin de ne pas déflorer certains secrets. Les propos qui vont suivre concernent l’humour au deuxième degré et parfois au troisième degré. Chacun le sait, il convient de respecter son grade, surtout avec l’humour. D’autant que comme le disait un humoriste aujourd’hui disparu : « Il faut se méfier des comiques, parce que quelquefois ils disent des choses pour plaisanter. »

Alors, faute de réponse claire à mon questionnement sur l’humour en Franc-maçonnerie, je suis allé chercher dans le passé. J’ai bien trouvé un certain Gabriel Jogand-Pagès qui durant un certain temps essaya de faire rire ses Frères de Loge. Les vieux maçons connaissent mieux ce farceur sous le nom de Léo Taxil. Bon, il faut avouer qu’au final, il n’était pas très drôle ce garçon avec son canular débile qui continue à nous faire passer auprès du clergé pour des tueurs de chats et des égorgeurs de vierges le vendredi soir. Il se dit même dans certaines Loges que des maçons sont morts de rire, mais il se dit tellement de choses sous la voute étoilée.

J’ai alors repris ma canne de Maître de Cérémonie et me suis remis en chemin pour trouver un autre ambassadeur de l’humour maçonnique. On m’a susurré le nom d’un certain André Isaac qui semble-t-il avait été très drôle en son temps. Ce dernier avait réécrit un rituel égrillard sous le pseudo de Pierre Dac. Dans son chef d’œuvre littéraire, il était question de taulier et de matons…

Renseignement pris, cet illustre Frère avait probablement reçu quelque aide, car selon certains anciens, j’appris que son grade de Compagnon au moment de son départ de la Loge ne lui avait certainement pas permis de rédiger seul son célèbre opuscule. Il m’avait toutefois enseigné « La différence entre tolérance et fraternité. Selon lui, la tolérance, c’est d’accepter qu’il y ait quelques imbéciles en maçonnerie. La fraternité consiste à ne pas donner les noms ! »

Il me fallait alors investiguer sur l’existence d’autres rituels capables de décrisper le zygomatique initiatique. Quelle ne fut pas ma surprise d’en débusquer un nid complet. Les noms évocateurs attiseront très certainement votre curiosité : Le Franc Glouton, Rituel des Voyous (Pierre Dac), Rituel du Milieu, Rituel d’ouverture du bar, Ordre des Mopses, Tuilage selon Beru (tous ces rituels sont visibles sur cette page : http://tinyurl.com/riteshumour), enfin la quête du Graal allait-elle prendre un sens ?

Décidément, tout cela ne répondait pas totalement à mes attentes. J’entrepris donc de chercher encore. C’est alors qu’un bouquin parlant de voyage initiatique écrit par un Frère qui prétendait s’appeler Daniel Berezniack informait le lecteur par ces mots : “Ainsi, le refus de toutes les certitudes, de toutes les définitions closes, donne naissance à l’humour, au rire. Le rire est le moyen par lequel l’esprit assume le paradoxe. C’est pourquoi il permet aux initiés de communier et de communiquer leur savoir-non-savoir.

Voila qui commençait à me plaire. J’avais beaucoup voyagé. J’avais trainé mes gants sur tous les plateaux et tous les offices. Mes tabliers s’étaient collés contre tous les tabliers des Sœurs et des Frères de tous les rites et pourtant j’avais clairement constaTé que le T de riTe gardait ses aiRs pour ne pas éclaTer et se Transformer en riRe.

Mais à propos, pourquoi ne pas imaginer une Loge où le Vénérable remplacerait la triple Batterie par un triple éclat de rire. Cette manifestation de bonheur ne serait-elle pas une saine activité symbolique pour reprendre nos travaux suspendus ? Pourquoi le tuilage ne serait-il pas remplacé par quelques chatouilles qui nous mettraient de bonne humeur. Un ancien Président gaulois portant le même prénom que l’actuel nous appelait bien « les frères la gratouille », pourquoi pas nous baptiser désormais « les frères la chatouille », car au moins, nous pourrions en rire.

Toutes ces questions commençaient à me transmettre « l’amie graine ». C’est une façon comme une autre « d’en saigner » vous me direz.

Comme je souhaite éviter à tous prix de donner raison à Pouchkine lorsqu’il disait : « Ce qui manque aux orateurs en profondeur, ils vous le donnent en longueur… » je vais donc finir ici ma prose avant de vous fatiguer définitivement !

* Gélotologue : chercheurs en science du rire

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Franck Fouqueray
Franck Fouqueray
Fondateur du Journal 450.fm - Président des Éditions LOL - Auteur de nombreux ouvrages maçonniques. Parmi ses nombreuses activités, on peut noter qu'il est fondateur du réseau social maçonnique On Va Rentrer qui regroupe plusieurs milliers de Frères et Soeurs. Il est aussi le créateur du premier Festival d'humour maçonnique de Paris. Il a présidé de 2017 à 2022, la Fraternelle des écrivains maçonniques.

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES