mar 23 avril 2024 - 09:04

Le voyage symphonique des symboles

Quelle drôle d’idée que cet assemblage de mots : Voyage, Symphonique et Symboles. Pourtant leur lien étymologique coule de source.

Le voyage est à la base de notre Initiation. Son origine latine « viaticus » nous fait entendre très clairement la racine « via », qui signifie voie. Or l’initiation est bien le début de la voie, ou si vous préférez du chemin. Puis, souvenons-nous qu’un voyage ne devient complet que lorsqu’on a effectué un aller et un retour. Il s’agit donc bien là, de l’accomplissement intégral d’un cycle.

Parlons maintenant de Symphonie et de Symboles. Vous l’avez remarqué, leur racine grecque est commune : « Sym ». Elle signifie « ensemble », « rassembler », « unir » !

La Symphonie représente le rassemblement phonique, l’union des sons et des vibrations.

Le « Symbolon » quant à lui, représente le rassemblement de deux morceaux de poterie volontairement brisés pour preuve d’une entente entre deux personnes.

Le son de la Symphonie nous fait naturellement penser au fameux verbe créateur, la vibration initiale, l’origine de toutes choses et de tous êtres dans notre Univers ?

Quant à l’harmonie qui résulte d’un contrat entre deux êtres, par le « Symbolon », elle se nomme précisément « entente ». Quelle coïncidence que d’associer le sens de l’ouïe pour représenter un lien contractuel entre des humains.

Nous n’en sommes qu’à la première minute de ce travail, pourtant les neurones dansent. Elles s’agitent déjà et s’échauffent par la percussion des mots et des idées.

Ma proposition est de vous inviter à un voyage aller-retour dans la Loge au travers de ses symboles. Car si elle est ornée de tous ces objets chargés de notre culture, c’est uniquement pour composer une symphonie, destinée à nous faire retrouver la vibration initiale de notre univers. Ce son pur que nous tentons désespérément par des agitations stériles de retrouver pour vivre l’harmonie et sentir l’Amour inconditionnel.

Dans le fond, le but de tout notre travail en Loge, c’est de sentir en écho notre propre musique intérieure. Ce rythme universel synchronisé, qui nous berce depuis tellement longtemps que nous avons fini par l’occulter. La conscience dont il est question dans  notre Rituel, lorsqu’il est dit «  C’est par la conscience que l’Homme est relié au divin », ne serait-ce pas précisément cette harmonie musicale qui rend juste et parfaite la matière qui nous entoure et qui n’est en réalité, que de l’énergie en action, vibrant à une fréquence plus basse, tel un instrument plus rapide que les autres.

Certains considèrent que pour accomplir ce voyage, nous pouvons régulièrement faire des escales en nous égarant, nous séparant, sur des sujets de div…ertissement donc de div… ersion qui nous conduisent en définitif sur le chemin de la div…ision.

Le maçon qui veut retrouver son unité symbolique n’a pas d’autre choix que de rester attaché au mat et ne surtout pas succomber au chant des sirènes. Le mat représente d’ailleurs le centre en mouvement et les sirènes autours la division que nous retrouvons dans l’opposition de la Lumière et des Ténèbres.

Si la Franc-maçonnerie s’est développée durant les trois derniers siècles, c’est parce que son rythme, ou son mouvement (tiens, encore deux mots issus de la musique) étaient plus rapides que celui de notre société conservatrice de l’époque. Elle s’est donc positionnée devant comme un chef d’orchestre. Elle conduisait la société selon un principe d’attraction, comme une locomotive.

Mais depuis le siècle dernier, pour nous affranchir de la mort, pour nous donner une illusion d’immortalité, nous sommes devenus des apprentis sorciers de la technologie. Si celle-ci permet d’ajouter des années supplémentaires à la vie, elle ne donne pas pour autant plus de vie aux années. En revanche, nos sciences modernes accélèrent bien le tempo de notre quotidien de manière totalement frénétique. Les humains pensent ainsi qu’ils doivent s’adapter et courir à côté de leurs machines affolées. L’humain du XXIème siècle, n’a jamais vécu aussi vieux. Il n’a jamais vécu dans un monde aussi pacifique, aussi harmonieux et solidaire, quoi qu’en disent les média dont le fonds de commerce est de singer Cassandre en portant les mauvaises nouvelles et en les fabriquant au besoin si leur noirceur est insuffisante. Pourtant, l’Humain de ce siècle a peur. Il est muré dans sa grotte où il croit voir la vraie Lumière au travers de ses écrans de pseudo-contrôles… au déni du rythme vibratoire réel qui l’obligerait à sortir. Et il bouge, il s’agite jusqu’à tomber, jusqu’à s’oublier. Il gesticule sans même entendre les musiques extérieures, il a sombré dans la folie.

La Franc-maçonnerie n’échappe évidemment pas à cette démence. Quelques grandes maisons maçonniques montrent même l’exemple. Elles entrent dans cette transe et accélèrent le tempo de nos travaux ou nous distraient avec des sujets divertissants. Tels des jardiniers qui tireraient frénétiquement sur leur bien-aimée plante pour la faire pousser plus vite. En résumé, pour masquer notre trouille de la mort, nous nous agitons avec le mental. Là où la sagesse devrait précisément nous conduire à nous pondérer, notre peur nous entraine hors du rythme naturel pour se caler sur cette danse arythmique qui nous éloigne de notre rectitude. Nous éloigne de nous-même, tout simplement.

Le dictionnaire nous enseigne qu’une symphonie est une composition instrumentale savante de proportions, comprenant plusieurs mouvements, et faisant appel aux ressources de l’orchestre. C’est généralement une opposition entre la musique vocale et la musique instrumentale au profit de cette dernière. En somme, l’ensemble des symboles de la Loge représente une composition géométrique instrumentale.

Le Serbe Nikola Tesla  avait affirmé en son temps «  Si vous voulez trouver les secrets de l’univers, pensez en termes d’énergie : fréquence et vibration. ». Quant à Albert Einstein, son propos était le suivant : «  Ce que nous avons appelé matière est l’énergie, dont la vibration a été hautement réduite afin d’être perceptible par les sens. Il n’y a pas de matière. »

Ecoutons maintenant comment cet ensemble génère sa création vibratoire, pour ensuite influencer le maçon et le ramener à sa musique primordiale.

Commençons par le collège des officiers. D’après Plutarque, chaque note est en relation avec une planète. Ainsi, il existe une musique des sphères, tel que l’ont découvert ensuite l’astronome Johannes Kepler,  puis le philosophe Isaac Newton au XVIIème siècle.

Vénérable Jupiter – Jeudi SOL
Premier Surveillant Mars – Mardi FA
Second Surveillant Vénus – Vendredi RE
Orateur Soleil – Dimanche MI
Secrétaire Lune – Lundi SI
Expert Saturne – Samedi LA
Maître des Cérémonies Mercure – Mercredi DO

Quittons maintenant toutes ces considérations intellectuelles, pour entamer le voyage symphonique que je vous avais promis. Maestro musique…

Quelle est la première phrase que nous avons tous entendu lors de notre Initiation ? : « Qui frappe à la porte du temple en profane ? ». Le V:.M:. confirme par ces mots, que les trois coups de notre batterie, sur la porte du temple, constituent  la première musique entendue, n’est-ce-pas ?

Maintenant, si vous observez ce son de la batterie. C’est un rythme composé d’une forme géométrique que je vais détailler. Que vous travaillez au Rite Français ou aux Rites Egyptiens, vous savez que les trois Lumières de la loge (VM et les deux Surv:.) forment un triangle isocèle. Le 1er et le Sec:. Surv:. sont proches et le V:.M:. plus éloigné. Par conséquent la batterie ressemble à ce triangle. Deux points rapprochés, un point éloigné. Si vous étiez au Rite Ecossais Ancien et Accepté, vous travailleriez avec un Sec:. Surv:. qui serait au milieu de la colonne du midi et vous obtiendriez alors un triangle équilatéral. La batterie au REAA est justement composée de 3 coups d’égale distance. Cette vibration initiale qui vous a créé, reçu et constitué n’a pas cessé ensuite de vous pénétrer physiquement sous plusieurs formes.

Reprenons dès l’entrée, votre premier voyage en Loge a bien été ordonné par un coup de maillet du V:.M:.. Ce coup constitue le principe géométrique du point ! Puis vous avez longé la colonne du midi en formant avec vos pieds une ligne droite, c’est-à-dire, une suite de points alignés, semblable à la règle qui se trouve actuellement sur le Naos. Votre expert vous a ensuite fait réaliser le demi-cercle devant l’Orient pour représenter le compas, puis la planche dans son moment de bascule vous a bien imprégné d’une sensation de changement de plan de l’horizontale à la verticale, telle une équerre. Ca y est, vous avez maintenant imprimé en vous de manière vibratoire, dans votre chair : « les trois joyaux de la Loge ». Ce que vos cellules ont ressenti, c’est le reflet de ce qui rayonne au centre de la Loge. Mais telle une onde qui s’étend sur l’eau de manière concentrique, je vous invite maintenant à écouter notre orchestre reprendre ce SOL issu du V :.M :. symbolisant la Sagesse qui nous créé, ce RE issu du 1er Surv symbolisant la Force qui nous constitue et ce FA issu du Sec :. Surv :. symbolisant la beauté qui nous a reçu !

D’ailleurs, ce refrain triangulaire sera de nouveau rejoué quelques minutes plus tard avec le maillet et l’épée flamboyante sur la forme du triangle. Lorsque le V:.M:. rejouera sa batterie, avec son épée, posée à 90° sur le sommet du crâne, renvoyant ainsi une vibration musicale dans la terre, afin qu’elle vienne tous nous toucher, réactivant ainsi celle que nous avions reçu lors de notre propre cérémonie. Créant un lien entre le temps et l’espace.

Est-ce encore un hasard de la musique, si le « constitue » et « reçois » qui viennent ensuite, sont frappés sur ce que nous nommons des clavicules, qui dans son origine étymologique signifie « petite clé », serait-ce d’ailleurs une clé de sol ou une clé de ciel ? Décidemment, la Franc-maçonnerie est harmonieusement symphonique. Mais puisque nous parlons de musique, rappelons que dans son sens premier, la musique était ce qui appartenait aux Muses ou en dépendait. Or les Muses sont les neuf filles de Zeus et de Mnémosyné.  Si Zeus est le dieu suprême de la mythologie grecque, Mnémosyné est quant à elle la fille de la Terre et du Ciel, une sorte d’enfant du compas et de l’équerre. Elle est aussi la déesse de la Mémoire.

Vous souvenez-vous lors de votre initiation des mots que le V:.M :. a prononcé à ce propos : « Tout à l’heure vous avez bu le breuvage de l’oubli, destiné à vous dépersonnaliser, à vous enlever tout volonté propre. Voici une seconde coupe, celle du breuvage de mémoire, l’eau de mnémosyné. ». Nous retrouvons ainsi notre déesse de la Mémoire.

La musique serait donc liée à la mémoire ? Mais qu’avons-nous donc si peur d’oublier (ou de nous souvenir ?), pour qu’il faille boire un breuvage en écoutant le son des Muses ?  La réponse est : « La Vérité ! » or ce terme en Grec se dit Alètheia. Il pourrait se traduire de la manière suivante : « Lever le voile sur ce qu’on a oublié ». Ainsi, nous tournons en rond. Nous recherchons quelque chose que nous avons oublié en buvant une boisson qui nous ramène cette mémoire et en écoutant une production Mus… icale complémentaire à ce traitement amnésique.

En résumé mes Bien Aimées SS :. et FF :. nous sommes tous là pour retrouver la mémoire. Mais le souvenir de quoi en fait ? Pour conclure ce travail, je ne vous donnerai pas Ma réponse, car cela voudrait dire que j’ai fini mon chemin, or je n’aurais pas cette outrecuidance. J’aimerais juste vous proposer une réflexion et vous inviter à reprendre notre échange dans quelques temps à la Lumière de ces réflexions futures.

Ma proposition est la suivante : « Le secret de la Franc-maçonnerie, que nous avons oublié, est peut-être tout simplement le sens de l’Amour de nous-même, sans aucune condition, action ou attente. Nous aimer comme une mère peut aimer son enfant ». Cette idée de l’amour de nous-même nous terrorise tant, que nous passons tout notre temps sur terre à inventer des machines pour retarder le moment de la rencontre avec nos forces créatrices. Nous voulons devenir immortels afin d’oublier que nous ne vivons pas, nous survivons. Et je ne parle pas des paradis futurs que nous inventons parfois pour éloigner l’horizon.

Nous savons tous intuitivement, au fond de notre cœur, que nous nous mentons. Nous savons tous que ce fameux pêché originel n’est certainement pas celui d’avoir voulu manger le fruit de la connaissance. Cela est faux, mensonger et manipulatoire. Notre seul pêché originel est d’avoir douté de nous et de notre propre amour. Nous recherchons sans cesse au dehors ce qui se trouve là ; dans l’attente de notre retour à la maison. Nos besoins élémentaires étant désormais comblés, nos guerres destructrices s’éloignant elles aussi, le travail maçonnique du XXIème siècle pourrait justement être une merveilleuse occasion pour enfin travailler le pardon à nous même.

Ce pardon qui vient du latin dono, are et du préfixe per qui renforce l’action, signifie « être quitte de », ne plus être en dette, ne plus devoir. Dans ces conditions, nous parlons bien de libération, si nous prenons conscience que la seule dette qui vaille la peine, est celle que nous avons envers nous-même. Alors dans ce cas, et seulement dans ce cas, le maçon devient un maçon libre, un freemason. Car si la liberté avec les autres est un lien, la dette envers soi-même est une chaine… et je vous assure que celle-ci n’est certainement pas une chaine d’union. Pour ma part, je n’ai pas encore fini de me pardonner, mais il y a une chose dont je ne doute pas, Guillaume d’Orange l’a exprimé avant moi au XVIème siècle : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». En somme, je marche vers une destination que j’ai choisi en conscience. Chaque pas contient en lui-même le voyage intégral. Car celui-ci est universel, l’intérieur et l’extérieur n’existent que dans notre tête. Lorsque je prends conscience que celui que je vois face à moi, mon Frère, ma Sœur, n’est qu’un reflet perceptible de ma propre personne, alors je comprends enfin que le miroir de mon initiation était la première note de ma symphonie, mais aussi la dernière.

VM J’ai dit

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Franck Fouqueray
Franck Fouquerayhttps://450.fm/
Il est le fondateur du Journal 450.fm. Il effectue sa première demande d’entrée en maçonnerie en 1988, il est ensuite initié au début du XXIe siècle. Il est membre de la Grande Loge Mixte de France. Fort d’une expérience de trois mandats de Vénérable Maître, il est auteur de 11 ouvrages dont 10 maçonniques. Il donne régulièrement des conférences. Parmi ses nombreuses activités, on peut noter qu'il est fondateur du réseau social maçonnique On Va Rentrer qui regroupe plusieurs milliers de Frères et Sœurs. Il est aussi le créateur du premier Festival d'humour maçonnique de Paris. De 2017 à 2022, il préside la Fraternelle des écrivains maçonniques. En 2021, il lance le journal maçonnique www.450.fm

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