Au cœur de la tradition hindoue, la Bhagavad-Gītā (Chant du Seigneur), souvent abrégée en Gītā, occupe une place centrale comme l’un des textes philosophiques et spirituels les plus influents de l’histoire. Datant approximativement du IIe siècle avant J.-C. au Ve siècle après J.-C., selon les estimations des chercheurs, ce poème épique de 700 versets est inséré dans le grand récit du Mahābhārata, spécifiquement dans son sixième livre, le Bhīṣma Parva.

Explorons en détail ce chef-d’œuvre spirituel, son contexte, ses enseignements et ses surprenantes résonances avec la franc-maçonnerie, une fraternité philosophique née bien plus tard mais partageant des idéaux universels.
Contexte historique et littéraire
La Bhagavad-Gītā se déroule sur le champ de bataille de Kurukshetra, où le prince Arjuna, confronté à la guerre imminente contre ses propres cousins, les Kauravas, hésite à combattre. Son charriotier, Krishna, se révèle être une incarnation divine (avatar) de Vishnou et lui dispense un enseignement profond sur le devoir (dharma), la dévotion (bhakti), la connaissance (jnana) et l’action désintéressée (karma yoga).
Ce dialogue, structuré en 18 chapitres, transcende le cadre guerrier pour devenir une méditation universelle sur la vie, la mort et l’âme.

Le texte, rédigé en sanskrit, est attribué à Vyāsa, bien que sa composition ait probablement évolué sur plusieurs siècles. Il synthétise diverses écoles de pensée hindoues : le védisme, le yoga, le sankhya et le vedānta. Les manuscrits les plus anciens, comme ceux retrouvés dans les grottes d’Ajanta, datent du IVe siècle après J.-C., mais des fragments oraux plus anciens sont supposés exister. Traduite pour la première fois en Europe par Charles Wilkins en 1785 sous le patronage de la Compagnie des Indes orientales, la Gītā a influencé des penseurs comme Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau et, plus tard, Mahatma Gandhi, qui y voyait un guide pour la non-violence et la résistance spirituelle.
Structure et enseignements principaux
La Bhagavad-Gītā est divisée en 18 chapitres, chacun abordant un aspect de la quête spirituelle. Voici les thèmes majeurs :

- Le dilemme d’Arjuna (chapitre 1) : Arjuna exprime son désarroi face à la guerre fratricide, posant les bases de la réflexion éthique.
- La voie du devoir (chapitres 2-3) : Krishna enseigne le karma yoga, l’action sans attachement aux fruits, et insiste sur le dharma personnel, le devoir conforme à sa nature.
- La connaissance et la discipline (chapitres 4-6) : Le jnana yoga (voie de la connaissance) et le dhyana yoga (méditation) sont présentés comme des moyens de transcender l’ego.
- La dévotion (chapitres 7-12) : Le bhakti yoga, amour et dévotion envers Dieu, est exalté comme une voie accessible à tous.
- La cosmologie et l’éternité (chapitres 13-15) : Krishna révèle sa nature divine et l’immortalité de l’âme (atman), distincte du corps périssable.
- La renonciation et la libération (chapitres 16-18) : Le texte conclut sur la nécessité de renoncer aux désirs égoïstes pour atteindre la moksha (libération).
Un verset emblématique, 2.47 (« Tu as droit à l’action, mais non à ses fruits »), résume l’éthique du détachement, tandis que la vision cosmique de Krishna au chapitre 11, où il se manifeste sous sa forme universelle, illustre la transcendance divine. Le texte oscille entre monisme (l’âme et le divin sont une) et théisme (dévotion à un dieu personnel), reflétant sa richesse philosophique.
Influence culturelle et spirituelle

La Bhagavad-Gītā a transcendé l’Inde pour devenir un texte universel. En Occident, elle a inspiré le mouvement transcendantaliste américain et les philosophies New Age. Gandhi l’a utilisée comme un manuel de résistance passive pendant la lutte pour l’indépendance indienne, interprétant le champ de bataille comme une métaphore de la lutte intérieure. Des études modernes, comme celles de l’Indologist Georg Feuerstein, soulignent son impact sur la psychologie, notamment via la gestion des conflits internes et la quête de sens.
Similitudes avec la franc-maçonnerie : une quête commune de lumière
La franc-maçonnerie, née au 18e siècle avec la Grande Loge de Londres, partage avec la Bhagavad-Gītā des thèmes profonds, malgré leurs origines et contextes distincts. Examinons deux aspects clés de cette convergence.
1. L’initiation et la transformation personnelle

Dans la Gītā, l’initiation d’Arjuna par Krishna symbolise un passage d’un état de doute à une compréhension éclairée. De même, la franc-maçonnerie structure son parcours initiatique en trois grades – Apprenti, Compagnon, Maître – où le candidat progresse par des rituels et des symboles pour atteindre une « lumière intérieure ». Le temple maçonnique, comme le champ de Kurukshetra, devient un espace métaphorique où l’individu affronte ses propres conflits. Les outils des maçons (équerre, compas) évoquent les disciplines yogiques de la Gītā (contrôle du corps, de l’esprit), visant à aligner l’âme sur un ordre supérieur.
2. Le devoir et l’universalité des valeurs

Krishna insiste sur le dharma d’Arjuna, un devoir adapté à sa caste et à sa situation, tout en prônant une éthique universelle de justice et de détachement. La franc-maçonnerie, avec ses idéaux de fraternité, d’égalité et de vérité, transcende les frontières sociales et religieuses, un écho à l’universalisme de la Gītā. Les francs-maçons, comme Arjuna guidé par Krishna, cherchent à harmoniser leur action personnelle avec un bien collectif, souvent à travers des œuvres philanthropiques, parallèles à la notion hindoue de seva (service désintéressé).
Différences et complémentarités
Malgré ces parallèles, des divergences existent. La Bhagavad-Gītā est ancrée dans une cosmologie hindoue avec des concepts comme la réincarnation, absents de la maçonnerie, qui s’inspire davantage des traditions judéo-chrétiennes et des Lumières. Tandis que la Gītā propose une voie spirituelle explicite vers la moksha, la franc-maçonnerie se concentre sur une amélioration morale et sociale, laissant la métaphysique à l’interprétation personnelle. Cependant, ces différences enrichissent leur dialogue : la Gītā offre une profondeur spirituelle que la maçonnerie peut intégrer, tandis que cette dernière apporte une structure fraternelle à l’individualisme de la quête hindoue.
Un héritage vivant

En ce 18 juillet 2025, la Bhagavad-Gītā reste un texte vivant, étudié par des millions de personnes à travers le monde, de l’Inde aux cercles philosophiques occidentaux. Ses enseignements sur le devoir, la dévotion et la libération résonnent avec les aspirations humaines universelles, trouvant un écho inattendu dans la franc-maçonnerie.
Ensemble, ils illustrent une quête intemporelle de lumière et de sens, reliant des traditions séparées par des millénaires mais unies par une même recherche de vérité. Que ce soit sur les champs de Kurukshetra ou dans les temples maçonniques, l’humanité continue de puiser dans ces sagesses pour façonner son destin.
Bjr Erwan
Est ce que ton Ajurna est le même Nagajurna, référence des moines bouddhistes tibétains et que la mention des Sankyas fait référence aux Sakya ( dt je suis) , branche ancestrale du bouddhiste tibétain toujours ? Je n’y connais rien en hindouisme…
Merci de ta réponse