jeu 15 mai 2025 - 00:05

Dignité et respect de l’autre

Il nous a paru à propos d’évoquer sur 450fm ce que certains choisiront d’appeler humanisme et que, pour éviter toute référence civilisationnelle, culturelle ou spirituelle particulière, nous appellerons valeurs de l’humain.
Nous nous proposons en effet d’aborder les valeurs essentielles de l’humain, celle de la dignité, et du respect dû à chacun.

Cette question nous concerne tous, hommes et femmes soucieux de l’éthique et de ce que l’on a coutume d’appeler l’humanisme. Elle présente des dimensions multiples, d’ordre philosophique, religieux, spirituel et juridique, et à ce titre elle est au cœur de toute réflexion, comme elle mérite d’être l’inspiratrice de toute action.

Il y a deux siècles et demi, Kant énonçait que la dignité est le fait qu’une personne humaine ne doit jamais être traitée seulement comme un moyen, mais toujours aussi comme une fin en soi. On pourrait dire aussi qu’aucune personne humaine ne doit jamais être traitée comme un objet, mais seulement comme un sujet.  De là découle naturellement le respect que chacun lui doit, en même temps que la responsabilité qui revient à chaque être humain, en tant qu’être pensant, et ce, d’autant plus qu’il est libre de ses pensées, quand bien même il ne le serait pas de ses actes.

Quelle que soit sa naissance, quel que soit son parcours, toute personne a droit au respect absolu de sa dignité. C’est ce qu’exprimait, beaucoup plus près de nous, le philosophe Paul Ricœur lorsqu’il écrivait, en 1988 : «quelque chose est dû à l’être humain du fait qu’il est humain».

Le respect dû par chacun de nous à toute personne humaine est inconditionnel, quels que soient l’âge, le sexe, la santé physique ou mentale, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle, la religion, la condition sociale ou l’origine de l’individu en question. 

Naturellement, certains diront, avec juste raison, qu’il convient de respecter non seulement tout être humain, mais aussi toute créature vivante, tout animal sauvage que l’on ne saurait tuer par plaisir, autrement que s’il est menaçant, non plus qu’un animal d’élevage, qui ne doit aucunement être maltraité. Et nous prêtons la même attention à ceux qui font justement remarquer que c’est la nature tout entière qu’il nous faut respecter, car l’homme n’est qu’un élément d’un écosystème global, auquel les végétaux, les montagnes, les mers et les rivières appartiennent tout autant que nous, et à dire vrai depuis bien plus longtemps que nous.

Mais faisons le choix de concentrer notre propos sur la dignité de l’être humain en ce qu’elle a d’intangible, et sur le respect absolu qui est dû à chacun en cette qualité.

Et s’il fallait justifier cette focalisation, disons que seul semble-t-il l’homme tue, violente, dégrade et maltraite son prochain par cruauté, malice, plaisir ou désœuvrement, pour l’exploiter, voire au nom d’une idéologie extrémiste qui rejette l’autre simplement parce qu’il est l’autre, simplement parce qu’il est différent.

On sait que les Francs-Maçons se définissent volontiers comme humanistes. L’humanisme est une attitude philosophique qui revendique pour chaque humain la possibilité d’épanouir librement son humanité, ses facultés proprement humaines.  Selon le Dictionnaire de l’Académie française, l’humanisme vise à l’épanouissement de la personne humaine et au respect de sa dignité. 

La relation entre humanisme et dignité humaine est manifeste, immédiate. Répondant à un journaliste, Alain-Noël Dubart, qui fût Grand Maître de la Grande Loge de France, a eu cette formule explicite : C’est le respect de la dignité humaine dans la droite ligne de la pensée de Kant. Notre humanisme est celui de la Renaissance revisité par les Lumières ».

Un demi-siècle avant que la République en fasse sa devise, les Francs-maçons avaient adopté ce triptyque que nous connaissons tous : Liberté – Égalité – Fraternité que l’on peut envisager comme bases du respect de la dignité humaine.

La liberté dont il est question ici doit être comprise dans toutes les acceptions du terme.

  • Nul ne doit être asservi, être l’esclave d’autrui, sous quelque forme que ce soit.
  • Nul ne peut être contraint dans sa pensée, sa croyance, son expression. Naturellement, cette liberté que chaque être humain peut revendiquer pour lui-même, chaque être humain doit la reconnaître à autrui.

Chacun est libre de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer, d’aimer – ou d’ailleurs de ne pas aimer – qui il veut, d’avoir telle opinion ou telle préférence politique ou spirituelle, et si l’un de nous revendique ces libertés pour lui-même, il doit évidemment les consentir à autrui.

La liberté impose donc la réciprocité, la pluralité et donc la tolérance. Il est donc déjà question ici du respect d’autrui.

On pourrait, diront certains, faire preuve de tolérance. Ils n’ont naturellement pas tort, mais la tolérance n’est que la première étape du chemin qui conduit à la pleine acceptation de l’autre. Tolérer, c’est ne pas rejeter, c’est laisser se produire ou subsister une chose qu’on aurait le droit ou la possibilité d’empêcher, c’est aussi supporter avec patience ce qu’on trouve.

L’égalité, le second terme du triptyque, est reliée au premier.

Dire que l’autre et moi sommes égaux, cela signifie en particulier que le point de vue de l’autre a la même valeur que le mien, même si je ne le partage absolument pas et même si je le considère infondé.

On peut combattre le point de vue de l’autre s’il exprime une idée que l’on juge dangereuse, ou malfaisante ; cela ne doit pas nous empêcher de le respecter en tant que tel, et pour cette raison, de laisser l’autre l’exprimer.

Encore une fois, la réciprocité suppose simplement que l’on puisse – et même que l’on doive – exprimer à notre tour notre point de vue et le faire valoir.

Chacun connaît la formule prêtée à Voltaire, bien qu’il ne l’ait en réalité jamais prononcée : « Je ne partage pas vos idées mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer ». Peu importe que le sage de Ferney ait jamais tenu ou écrit ces paroles, nous pouvons en faire nôtre le sens ultime : le droit de l’autre à exprimer son point de vue est égal au nôtre. Et c’est cette égalité qu’il m’importe de défendre.

Notre Frère Christian Roblin, qui préside aux activités du Collège Maçonnique, a trouvé une jolie formule pour exprimer l’idée que je vous propose de méditer : « la tolérance nous modère, le respect nous modèle, c’est-à-dire qu’il nous donne une forme qui nous érige en modèle d’humanité. » Et d’ajouter, parce que respecter l’autre c’est entendre ce qu’il a à dire, c’est le laisser s’exprimer, quitte à lui porter la contradiction après l’avoir écouté : « L’écoute de l’autre…sans l’interrompre, quelle que soit son opinion, son origine, ses croyances ou non, C’est un préalable à un dialogue constructif où chacun a le droit à la parole et s’enrichit de celle de l’autre. »

Cette notion de dialogue respectueux de l’autre résume en fait un des engagements essentiels de toute Franc-Maçonne, de tout Franc-Maçon.

La liberté de pensée, la liberté qui doit être reconnue à chacun de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer, doit nous conduire à favoriser le dialogue entre laïcité, religions et spiritualités, sans a priori, sans exclusion d’aucune sorte. En France, plus encore qu’ailleurs, la plupart des obédiences sont à l’image de cette société, plurielle, accueillante à des adeptes de toutes les religions, catholiques, protestants, musulmans, juifs, … mais aussi de toutes les formes de spiritualité, comme le bouddhisme ou le taoïsme, tout autant qu’ouvertes à des agnostiques ou des athées.

France, Somme (80), Crécy-en-Ponthieu, Forêt de Crécy, Ecorce d’arbre // France, Somme (80), Crécy-en-Ponthieu, Crécy forest, Tree bark

Penser à la périphérie, c’est tourner son regard vers les expériences du monde actuelles et passées. Les arbres ne croissent pas à partir du centre mais de l’écorce. C’est une confrontation pacifique qui envisage ce que la Franc-maçonnerie doit à ses rencontres avec les autres spiritualités pour être elle-même.

Chacun de nous croit connaître (est sensé connaître) les termes de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Pourtant, nous n’en faisons qu’une citation incomplète, tronquée : tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits.

Restons-en là un instant, c’est-à-dire à l’égalité des droits reconnus à chacun.

Les instructions données aux policiers et aux gendarmes du RAID ou du GIGN sont de tout faire pour appréhender les criminels, meurtriers et autres terroristes, afin qu’ils soient remis à la justice et bénéficient, quelle que soit la gravité ou la barbarie de leurs crimes, d’un procès équitable, sans qu’il soit porté atteinte à leur dignité d’être humain, non plus qu’à l’intégrité de leur personne.

Et naturellement, on comprend bien que cette réciprocité, cette reconnaissance de l’autre comme une personne, nous amène à la notion de fraternité.  

La fraternité, c’est dire que l’autre est notre frère, notre frère ou notre sœur en humanité.  

Platon disait que le mot primordial pour la communauté est loi; quant à Aristote, il pensait que c’est Philia. Les deux pourraient avoir raison. Ce qui maintient une communauté ensemble, c’est la loi au-dessus des êtres. Mais ce qui crée une communauté, c’est la fraternité qui vit dans ces êtres.

Les francs-maçons se reconnaissent entre eux pour frères ou sœurs et se nomment mutuellement ainsi (au Rite forestier ils se nomment cousins, cousines).

La fraternité maçonnique n’est pas que théorique, elle est ressentie sincèrement par tous. La fraternité se distingue de l’amitié car elle n’est pas une affinité ; sa recherche constitue un devoir pour le maçon. Il doit l’étendre à tous les membres de l’humanité ; ce qu’Emmanuel Lévinas qualifiait de passage du «dévisagement à l’envisagement».

Le thème de la fraternité sert souvent à démontrer le rôle de la violence, la nécessité de poser son identité, de comprendre l’identité de l’autre, de lui faire confiance, d’avoir une attitude dialogale. Il y a sublimation de faire monter en valeur morale toute relation humaine. Comme l’écrivait Joseph Uriot en 1744  dans Le Secret des francs-Maçons mis en évidence:  «Lorsque nous sommes rassemblés, nous devenons tous frères ; le reste de l’univers nous est étranger : le prince et le sujet, le gentilhomme et l’artisan, le riche et le pauvre y sont confondus, rien ne les distingue, rien ne les sépare ; la vertu les rend égaux : elle a son trône dans nos loges, nos cœurs sont ses sujets, et nos actions le seul encens qu’elle y reçoive avec complaisance».

Cette notion de la valeur de l’autre, quel qu’il soit, est pour nous fondamentale.

Souvenons-nous de l’excellent film de Ridley Scott inspiré d’un roman d’Andy Veir Seul sur Mars, avec Matt Damon. Comme souvent dans les œuvres de science-fiction, le synopsis peut nous amener à un constat qui vaut autant pour l’humanité que nous connaissons que pour d’hypothétiques temps futurs.

L’histoire, donc, est celle d’une première mission sur Mars, au cours de laquelle un astronaute est laissé pour mort par ses co-équipiers, une tempête les ayant obligés à décoller en urgence. Mais en fait, cet astronaute a survécu et il est désormais seul, sans moyen de repartir, sur une planète hostile. Il va devoir faire appel à son intelligence et son ingéniosité pour tenter de survivre et trouver un moyen de contacter la Terre.  Pendant qu’on s’active à la NASA pour tenter de le sauver, ses co-équipiers, mis au courant qu’il est vivant, vont faire demi-tour malgré le veto formel de la Nasa pour le récupérer, au péril de leurs vies.
Trois constats sont à faire sur ce que suggère ce film, les trois reliés entre eux :
Premier constat : Nous sommes là face à un triple questionnement : Techniques, technologies, valeurs de l’humain. Le progrès technique a permis d’envoyer des humains vers la planète rouge. La technologie permet d’annoncer l’imminence de la tempête, même si elle ne peut l’éviter. Et l’équipage n’est pas constitué de robots, programmés pour obéir aux instructions reçues, mais d’humains, capables de transgresser ces instructions, au point de mettre leur vie en danger pour sauver une autre vie, un autre humain.
Deuxième constat : même s’il dispose de moyens et de technologies qui lui permettent de survivre, de se nourrir, de boire, de se protéger du froid glacial ou de la chaleur extrême, un humain cherche avant tout à communiquer, à échanger avec d’autres humains, à partager ses craintes comme ses espoirs. On se souvient ici des aventures de Robinson Crusoé.
Troisième constat : pour un humain normalement constitué, la vie d’un autre être humain, surtout s’il le connaît ou si simplement il peut le voir et l’entendre, a une valeur sacrée qui peut aller jusqu’à justifier qu’il se sacrifie pour lui. Pensons par exemple aux volontaires de la société de secours en mer, ou à nos sapeurs-pompiers.

On pourrait ajouter qu’aux deux âges extrêmes de la vie, aucun humain ne peut venir au monde ni survivre seul.

La valeur première intangible sur laquelle nous pouvons nous accorder est la valeur de l’autre.

Et puisque nous sommes conduits à vivre ensemble, il faut comprendre cette injonction comme « vivre tous ensemble ». Cela signifie agir en faveur de ce qui participe à accueillir, intégrer, inclure. Cela signifie respecter en toutes circonstances la dignité de l’autre, quelle que soit sa différence, et même, s’il y a lieu, quelle que soit sa déviance.

Max de Haan, un franc-maçon néerlandais qui fût professeur de philosophie et recteur de l’Université de La Haye a écrit que la franc-maçonnerie recherche constamment ce qui unit les hommes et veut ignorer ce qui les sépare.

Citons deux courts extraits de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies et finalisée par le frère René Cassin, Prix Nobel de la Paix. Mais, comprenons bien au préalable le préambule de ce texte  :
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ()
Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, et qu’ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,

Puis relisons l’article premier, celui que nous croyons connaître mais dont nous omettons en général deux éléments pourtant essentiels :
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Car la liberté, l’égalité en dignité et en droits de tous les êtres humains ne sont que la conséquence du fait qu’ils sont tous doués de raison, tous dotés d’une conscience.


appartenant tous à la famille humaine, les humains ne sauraient agir entre eux que dans un esprit de fraternité.

C’est sur ce fondement qu’a été rédigé il y a fort longtemps le premier paragraphe de la Constitution de la Grande Loge de France : La Franc-maçonnerie est un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur la Fraternité et constitue une alliance d’hommes libres, de toutes origines, de toutes nationalités et de toutes croyances ayant pour but le perfectionnement de l’Humanité.

Mais surtout, comme l’écrit Solange Sudarskis dans son Dictionnaire vagabond en franc-maçonnerie, le chantier est le lieu de la fraternité sans laquelle le franc-maçon ne peut se prévaloir de progrès initiatiques. En remontant aux Anciens Devoirs de la Maçonnerie, on découvre, insérée de façon plus ou moins voilée dans les règles normatives qui y sont énumérées, une indication précieuse, notamment, pour les recherches du compagnon : il y est affirmé que «l’amour fraternel constitue la pierre de fondation et la clef de voûte, le ciment et la gloire de cette antique Fraternité», méthode qui vise au dépassement des barrières limitatives qui entourent le moi vis-à-vis des autres : «Recherche pour ton Frère soixante-dix excuses et, si tu ne les trouves pas, reviens vers ton âme avec suspicion et dis-lui : ce que tu vois en ton Frère, c’est ce qui est caché en toi !»

Les Francs-maçons, quelle que soit leur obédience ou le rite qu’ils pratiquent, savent qu’il est un temps pour la réflexion, et savent que la fraternité doit présider à toute construction, à toute action. Mais ils savent aussi que la conception doit être au service de l’action, et que celle-ci doit être poursuivie avec force, c’est-à-dire avec persévérance et détermination.

Ne faisons pas preuve d’angélisme ni de naïveté : pour promouvoir la fraternité avec la reconnaissance de la dignité et du respect de chaque être humain, le chantier est à l’évidence encore immense, qu’il s’agisse de lutter contre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination.

Chacun de nous, dans sa vie propre, à l’échelle de sa famille, de son quartier, de son administration ou de son entreprise, peut – et en fait doit – aussi promouvoir des valeurs actives comme la tolérance, la bienveillance et la fraternité pour cimenter ce socle commun que constitue l’idée d’humanisme, ou plus simplement celle « d’humanité ». 

Il y a quelques années un Grand Maître de la GLDF, Marc Henry, s’adressant à des étudiants et à des élèves des grandes écoles, avait déclaré : « l’appartenance à une loge de la Grande Loge ne saurait se limiter à la production de discours touchant à la solidarité, l’humanisme, la dignité, etc., aussi élevés soient-ils, mais bel et bien par la réalisation de projets concrets portés par le ou les frères dans le cadre des structures de la société qui est la nôtre. »

Là est l’essentiel. La réflexion n’a de sens que si elle est au service de l’action.

La Franc-maçonnerie d’aujourd’hui est dite « spéculative », par opposition à la Franc-maçonnerie « opérative » des bâtisseurs de cathédrales. Mais nous sommes nous aussi engagés sur un chantier exigeant.

Nous sommes en effet engagés à construire une humanité plus éclairée, plus juste, plus solidaire. Une société plus respectueuse de chacun.

La Franc-maçonnerie est discrète, même si elle n’est pas une société secrète.
Mais cela n’empêche pas les Maçonnes et les Maçons d’agir dans leur entourage, dans la cité, non pas selon des mots d’ordre qui leur seraient donnés, mais au nom des valeurs, des principes et des vertus qu’ils perfectionnent en loge.

Si ce thème est celui du respect que l’on doit à l’autre, on ne saurait ignorer celui que l’on doit aussi à soi-même.

On pourrait ne voir là que narcissisme, auto-satisfaction et complaisance, mais c’est un peu court. La fierté, l’amour-propre, une juste estime de soi, ne sont pas méprisables, au contraire.

Le personnage que je vois dans le miroir est-il digne de mon estime, voire de mon respect, tandis que je suis le seul à pouvoir le juger en réelle connaissance de cause ? Suis-je digne de ma propre estime ? Est-ce que je mérite la dignité à laquelle je prétends ? Chacun peut tromper son entourage, les autres. On peut aussi se tromper soi-même.
Mais si nous savons être honnête et sincère ne serait-ce que face à notre miroir, sommes-nous vraiment digne de nous respecter nous-même, avant d’être respectable pour autrui ?   

Il est donc essentiel de se respecter soi-même, à sa juste valeur, à son juste mérite et en assumant ses propres insuffisances, ses propres marges de progression. Car il va de soi que nous ne sommes pas parfaits. Nous cherchons seulement à nous perfectionner, à progresser plutôt qu’à régresser…  

La plupart des grandes obédiences maçonniques françaises ne s’autorisent à alerter l’opinion publique que si de graves atteintes sont portées aux libertés fondamentales, à la dignité et aux Droits de l’Homme. On voit donc l’importance qu’ont à nos yeux ces thématiques essentielles.

La dignité de l’autre est pour chacun de nous une valeur sacrée, sur laquelle on ne saurait transiger. Respecter, faire respecter la dignité de chaque être vivant est un devoir absolu, un impératif catégorique.

Il n’est pas de sujet sans un autre qui le reconnaisse comme tel dans sa différence.

La première étape dans la reconnaissance de l’autre comme un être humain respectable en tant que tel, au-delà de l’humanisme en tant que doctrine, en tant que principe philosophique, c’est de s’efforcer de le comprendre, et à tout le moins de le connaître.

Reconnaître, c’est tenir pour véritable. Comment pourrait-on totalement reconnaître l’autre comme l’un de ses semblables sans avoir cherché à le connaître, à le comprendre, à savoir ce qu’est son histoire, ce qu’est son référentiel, ce que sont ses valeurs, ses principes ?

Connaître l’autre, c’est la première étape vers accepter l’autre, le respecter pour ce qu’il est, parce qu’il est. 

Quelle que soit sa foi ou sa croyance, chacun connaît le commandement qui nous appelle à la fraternité : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Car, au fond, tout n’est qu’histoire d’amour… non au sens de sentimentalisme mais de conscience de l’altérité.

Et s’il fallait une raison pour que nous fassions tous de ce respect de l’autre et de sa dignité un élément central de notre propre vie, je citerai l’anthropologue Charles Gardou, qui dédie l’un des ouvrages qu’il a dirigé par ces mots : à ceux qui croient que, faute d’apprendre à se reconnaître comme des semblables et à vivre ensemble en bonne intelligence, nous risquons de disparaître ensemble comme des sots.

Le respect de la dignité d’autrui est donc pour nous tous un engagement fondamental auquel nous ne saurions déroger.

Synthèse dialogale de nos propos :

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Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski, initié en 1984, a occupé divers plateaux, au GODF puis à la GLDF, dont il a été député puis Grand Chancelier, et Grand- Maître honoris causa. Membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, admis au 33ème degré en 2014, il a présidé divers ateliers, jusqu’au 31°, avant d’adhérer à la GLCS. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur le symbolisme, l’histoire, la spiritualité et la philosophie maçonniques. Médecin, spécialiste hospitalier en médecine interne, enseignant à l’Université Paris-Saclay après avoir complété ses formations en sciences politiques, en économie et en informatique, il est conseiller d’instances publiques et privées du secteur de la santé, tant françaises qu’européennes et internationales.

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