Certaines de nos facultés mentales, comme la liaison striatum/cortex, peuvent se « muscler », voici pourquoi et comment.
Sébastien Bohler est titulaire d’un diplôme de neurologie, mais est aussi le directeur de la revue « Cerveau et psycho ». A ce titre, il fait métier de vulgariser ces neurosciences toutes jeunes. Elles ont pris leur essor grâce à l’IRMf, Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle. Ce fonctionnelle désigne que l’observation se focalise sur le cerveau en cours de fonctionnement, par exemple en pilotant les mains , en visionnant des images, ou en réfléchissant. A l’écran les zones du cerveau activées s’affichent en couleurs différentes. Tout ceci a suscité beaucoup d’espoir, mais une douche froide est venue de ce que les fonctions et les circuits physiques sont disons mélangés . Nous expliquions cette complexité dans un précédent article, basé sur les livres d’Albert Moukheiber.
Mais notre Sébastien Bohler ne se sent pas empêché d’expliquer un tas de processus de manière simple et déterministe. Sans doute est-ce à imputer à son objectif obsessionnel de nous expliquer quoi faire pour sauver la planète, et nous en convaincre. Ceci étant dit, le livre nous captive comme un roman, comme ses précédents.
Et on y apprend des trucs !
D’abord, l’immense majorité des espèces vivantes se débat quasiment tout le temps dans les étages bas de la pyramide de Maslow. Il y a donc des besoins basiques qui ne sont pas satisfaits ou de manière trop aléatoire : faim, soif, besoin de chaleur, de protection, etc. Pas question donc de monter dans les étages des désirs, culminant à l’accomplissement de soi. On le sait depuis les anciens grecs : pour philosopher, faut avoir le ventre plein. L’évolution, sans doute émue de tant de souffrances ( je rigole ! ) nous a dotés de circuits qui ont pour mission, en quelque sorte, de nous regonfler un peu le moral. Et surtout, de nous mettre sur la bonne voie, celle de la survie de l’espèce. L’organe central chargé de cette mission, c’est le striatum. Il dispose des capteurs qui analysent les comportements, et il récompensera les comportements « qui vont dans le bon sens ».
Cela se passe sous forme d’un shoot de dopamine dispensatrice de sensations agréables. Cette dopamine viendra renforcer les circuits neuronaux qui ont permis ce bon comportement, en reliant les zones concernées ( par exemple celles du plaisir gustatif ) au striatum. A son tour, ce renforcement facilitera la reproduction de ce comportement dans le futur. Tout ceci se passe en automatique ( pas d’intervention de la conscience ). Et concerne surtout des plaisirs basiques et court-terme : manger, boire, jouer, faire l’amour…
Tout cela nous ramène-t-il au niveau des enfants ? On voit Winnie l’ourson qui ne résiste pas au miel… Mais on voit aussi les ados accros aux jeux vidéo, ou les adultes accros aux petites vidéos « divertissantes » des réseaux sociaux, qui les noient en fait de pubs. Au final on voit aussi les junkies addicts à leur shoot quotidien. Oui, laissé seul au commandes, le striatum ne nous tire pas vers le haut !
Car il a un adversaire, qui s’appelle le cortex .
Et surtout le cortex préfrontal, tout devant dans la boîte crânienne : c’est le porteur de la raison. Va t on se retrouver avec le vieux face à face raison contre cœur ? Pas tout à fait ; ce serait plutôt le ça contre moi + surmoi, ou système 2 contre système 1.
Le cortex est capable d’analyser le pour et le contre des choix pour le court et le moyen/long terme, et de prendre une décision éclairée sur cette base. Lui aussi a été un allié de choix pour obtenir la survie de l’espèce. Il existe un faisceau neuronal qui relie le cortex préfrontal et le striatum. Le cortex dispose d’un droit de véto des actions préconisées par le striatum. Ce frein se muscle lors de la sociabilisation de l’humain.
Première phase : à la petite enfance, le cortex du bébé, qui n’était pas fini à la naissance, se structure et se renforce . A l’âge de raison, tout est en principe sous contrôle ( sauf chez les enfants-rois…) .
Deuxième phase : l’adolescence, au cours de laquelle tout est fait pour obtenir la reconnaissance du groupe ( des likes…) . L’étudiant sera devant le lourd choix de sacrifier des plaisirs immédiats avec les copains et copines dans le but de décrocher son diplôme.
Cela fait penser au « Gloire au Travail » que l’on trouve dans les textes maçonniques.
C’est donc en phase avec les philosophies anciennes. Nous avions donc un équilibre entre striatum ( panem et circenses ) et cortex.
Oui mais, la technologie est arrivée, et avec elle ( et l’abondance d’une énergie bon marché ) les besoins basiques de la pyramide de Maslow ont été entièrement satisfaits dans nos pays. La première victime de tout cela a été la cohésion sociale. Jusque-là, la solidarité n’était pas une option mais une condition nécessaire à la survie de l’espèce. Désormais, celui qui dispose du pouvoir d’achat peut obtenir ce qu’il veut sans dépendre de personne : c’est l’avènement de l’individualisme.
L’abondance fut telle que la majorité de nos populations pouvaient s’offrir un style de vie individualiste ; la seule limite était celle du pouvoir d’achat. Joli gâteau pour les commerçants, habiles à créer d’artificiels nouveaux besoins.
Pour Bohler donc, affaiblir l’individualisme de nos sociétés est un préalable si on veut rendre la sobriété acceptable . Ensuite, il faut aussi muscler le frein du cortex préfrontal, lors de l’éducation des enfants. Cela passe par une réhabilitation de l’effort, alors que ces dernières années on a toujours cherché à développer le caractère ludique de l’enseignement. Exit la gamification de la société ?
Mais chez les adultes également il existe des méthodes pour muscler le fameux frein. Ces techniques dites Go/no Go permettent d’associer à l’envie que l’on cherche à contrôler à une vision du bon geste à faire .
On se souvient du test du chamallow, vérifiant la résistance d’un enfant au plaisir immédiat.
Tout de même, n’oublions pas que si certains enfants résistent le temps voulu au chamallow immédiat, c’est dans la perspective d’en avoir deux peu après. Le soutien est conditionnel, et la condition est que les répartitions soient équitables ( le test de l’ultimatum mesure bien cette nécessité ) .
En maçonnerie, on n’est donc pas trop mal placés par rapport à ces préceptes : notre liberté absolue de conscience est clairement individualiste, mais on compense par l’importance de la fraternité et de la solidarité. Bref, on vise les avantages des groupes ou communautés sans leurs inconvénients. On aime le travail, sur soi ou en groupe. Et notre liberté de penser fait que notre soutien aux causes est lui aussi conditionné à l’équité.
Mais le drame des efforts que l’on nous recommande afin de « sauver la planète » est que la condition d’équité ne semble absolument pas remplie : pas de confiance dans nos dirigeants politiques, qui ne voient rien au-delà de la prochaine échéance électorale, et pas de confiance non plus que les efforts seront équitablement répartis entre les pays : voir les centrales à charbon qui poussent partout hors France, de l’Allemagne à la Chine. Déjà que le striatum est tout sauf le moteur des efforts désagréables, si en plus la justice n’est pas au rendez-vous, on conclut que nos populations ne sont pas prêtes à se défaire des ( derniers ? ) plaisirs sponsorisés par le circuit de la récompense. Enfin, tant qu’il y a la démocratie….et un peu de liberté individuelle : devoir tous les matins faire allégeance à un commissaire du peuple idéologique, un dictateur ou un intégriste religieux, non merci !
Texte rédigé sans IA !