mer 23 octobre 2024 - 22:10

Le président tunisien Kais Saied avait mis en garde contre la « franc-maçonnerie »… dans un pays où elle est interdite, étrange non ?

L’élection présidentielle tunisienne de 2024 a lieu le 6 octobre 2024 afin d’élire le président de la République tunisienne. Il s’agissait de la première élection de ce type depuis la promulgation de la Constitution de 2022. L’élection est boycottée par la majorité des partis politiques.

Le chemin vers l’élection a été semé d’embûches pour les rivaux du sortant Kaïs Saïed. Les candidats devaient recueillir le parrainage de dix parlementaires, quarante élus locaux ou 10 000 électeurs à raison de 500 au moins par circonscription.

Après avoir écarté de nombreuses candidatures, dont celles des principaux opposants à Kaïs Saïed, l’ISIE confirme les candidatures de deux personnalités en dehors du chef de l’État, celles des anciens députés Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel, mais écarte celles de Mondher Zenaidi, Abdellatif Mekki et Imed Daïmi, qui avaient été réintégrées par le Tribunal administratif. Cette décision est cependant contraire à la Constitution, qui dispose que les décisions du Tribunal administratif ne peuvent faire l’objet d’un appel. Le 14 septembre, le Tribunal administratif ordonne à l’ISIE d’accepter ces candidatures, ce que cette dernière refuse, avant que l’Assemblée des représentants du peuple, de crainte de l’invalidation de la présidentielle par celui-ci, ne transfère, par un amendement controversé de la loi électorale, les attributions du Tribunal administratif à la Cour d’appel de Tunis.

Pour sa part, à quelques semaines du scrutin, Ayachi Zammel, qui a obtenu le soutien d’une partie de l’opposition, est emprisonné puis condamné à un total de treize ans et huit mois de prison dans trois procès pour des accusations de faux parrainages. Ces condamnations expéditives sont interprétées par plusieurs observateurs et des ONG comme un acharnement judiciaire visant à écarter sa candidature, celui-ci semblant pouvoir réaliser un bon score lors du scrutin. De même, la mise à l’écart ou l’emprisonnement d’autres candidats est également dénoncé.

Kaïs Saïed a emporté sans surprise avec 90 % des voix, pour un taux de participation d’un peu moins de 29 %. Devons-nous parler de dictature ?

En juillet dernier le journal Nawarab avait annoncé que le président mettait en garde contre les Francs-maçons. Très étrange dans un pays où ils sont totalement absents pour cause d’interdiction de pratique. Décidémment, les dictateurs ne reculent devant aucun mensonge pour se trouver des ennemis. Nous vous livrons intégralement l’article de Newarab ci-dessous.

Le président tunisien Kais Saied a décidé mercredi 24 juillet de « gracier » ses détracteurs emprisonnés à l’occasion de l’anniversaire de son coup d’Etat, et à deux mois d’une élection présidentielle cruciale. Il a aussi évoqué, de manière étrange, un complot de la « franc-maçonnerie » contre le pays. 

“Le président Kais Saied a signé un décret accordant une grâce présidentielle spéciale, qui élimine la peine pour plusieurs condamnés ayant commis des crimes liés à des publications sur les réseaux sociaux”, a indiqué mercredi soir la présidence tunisienne dans un communiqué, qui concernait 233 prisonniers. 

La déclaration précise que la grâce ne s’étend pas aux personnes reconnues coupables d’autres crimes.

L’annonce a coïncidé avec le 67e anniversaire de la déclaration de la République tunisienne et le troisième anniversaire des mesures exceptionnelles de Saied le 25 juillet 2021, largement considérées comme un coup d’État .

Dans son discours du 15 janvier, Saied a également fait allusion à des « trahisons, à un ralliement au sionisme et à une implication dans des loges maçonniques en Tunisie ». Le président tunisien n’a pas donné de détails sur ces allégations mais a insisté, comme à son habitude, sur le fait qu’il « sait de quoi il parle ».

Sur un ton plus sincère, Saied s’est comparé à un prophète, affirmant qu’il est « un étranger, comme Salih parmi les Thamud… Un étranger parmi ceux à qui on a fait confiance et qui ont été trahis… Un étranger à ce système qui s’est récemment réformé et a conspiré. »

Selon l’histoire coranique, Dieu a envoyé le prophète Salih pour guider le peuple de Thamud vers le droit chemin, mais les Thamud ont rejeté le message de Salih et l’ont traité comme un paria.

« (…) Mais je ne suis pas un étranger parmi mon peuple », a-t-il ajouté dans son discours du jeudi 25 juillet.

Saied a pris ses fonctions à la suite d’élections libres en 2019, mais s’est emparé de pouvoirs supplémentaires en juillet 2021 lorsqu’il a fermé le Parlement élu et a décidé de gouverner par décret.

Depuis lors, il a étendu son emprise sur le pays, notamment en assumant l’autorité sur le système judiciaire en juin 2022 et en réprimant les critiques et l’opposition.

En février 2023, plusieurs personnalités politiques, militants et médias critiques à l’égard de son régime avaient été arrêtés pour « complot contre la sécurité de l’État ».

Au total, plus de 60 personnes ont été poursuivies en justice en vertu du décret 54 depuis son adoption, selon le Syndicat national des journalistes tunisiens. Rédigé pour lutter contre la cybercriminalité, le décret utilise des termes généraux tels que « fausses informations » et « atteinte à la sécurité de l’État », ce qui a suscité l’inquiétude du Comité des droits de l’homme de l’ONU et de Human Rights Watch. 

A deux mois de l’élection présidentielle, prévue le 7 octobre, les adversaires les plus potentiels de Saied sont soit en prison, soit jugés, soit disqualifiés.

Sa récente grâce est surprenante et contradictoire avec son déni de longue date de toute atteinte aux libertés dans le pays.

« Cette [grâce] confirme que les Tunisiens ont été poursuivis pour leurs fonctions à un moment où la liberté d’expression et d’opinion devrait être garantie par la constitution », a écrit l’ancien juge Omar al-Sifaoui dans Al-Araby Al-Jadeed , la publication en langue arabe sœur de  The New Arab . 

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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