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Lieu symbolique : l’Assemblée nationale célèbre l’excellence féminine avec “Femmes en Or”

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Lieu symbolique : l’Assemblée nationale célèbre l’excellence féminine avec “Femmes en Or”
Palais Bourbon, cour d'honneur

Dans le cadre solennel de l’Assemblée nationale, au cœur de la cour d’honneur du Palais Bourbon, dix femmes dorées se tiennent majestueusement, figées dans une résine qui capte l’éclat du soleil et la grandeur de leurs actions. Ces statues ne sont pas de simples représentations artistiques : elles incarnent une mémoire vivante, celle d’une lutte intemporelle pour l’égalité et les droits des femmes. Révélées au monde lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, leur apparition sur la Seine fut bien plus qu’un spectacle – elle symbolisait la montée des voix féminines, longtemps tues dans l’ombre de l’histoire.

« Femmes en Or », bien plus que de simples figures historiques…

Ces femmes, immortalisées dans une résine polie, sont plus que de simples figures historiques. Elles sont les porteuses d’une mémoire collective, sculptées dans l’éclat de leur bravoure. Simone de Beauvoir, Louise Michel, Gisèle Halimi, et bien d’autres, surgissent du passé comme des héroïnes intemporelles, rappelant à chaque génération leur lutte inlassable pour la liberté, les droits et la dignité.

Leur ascension, émergeant de la Seine lors des JO Paris 2024, était bien plus qu’une mise en scène. C’était une résurrection symbolique, un hommage triomphal aux voix des femmes souvent tues ou marginalisées dans les récits de l’histoire. Aujourd’hui, exposées dans la cour d’honneur du Palais Bourbon, elles se dressent sous la lumière du jour, ouvertes à la contemplation de tous. Elles sont des sentinelles silencieuses, observant avec sérénité les regards des visiteurs.

De gauche à droite : Gisèle Halimi, Simone Veil

Cette exposition est un acte de réparation, un geste artistique et politique, dans un espace où les figures masculines ont longtemps dominé. L’installation des « Femmes en or » interroge et bouscule l’héritage figé d’un monde où seulement 14 % des statues publiques parisiennes honorent des femmes. Elles incarnent une vision de justice et de reconnaissance. Mais au-delà des chiffres, ces sculptures nous racontent une autre histoire, celle de la ténacité, de l’intelligence et de la créativité féminine.

Quelques figures emblématiques

Ces femmes, parmi lesquelles se trouvent des figures emblématiques telles que Simone de Beauvoir, Louise Michel, Gisèle Halimi, Olympe de Gouges, et Alice Milliat, traversent le temps et les siècles. Elles sont les héroïnes d’un combat sans relâche, des témoins immortels de la résilience féminine. Sculptées dans l’éclat de leur bravoure, elles évoquent non seulement le passé, mais aussi un avenir où la liberté et la dignité sont des droits universels. Leur ascension lors des JO, jaillissant des eaux de la Seine, fut une résurrection symbolique, une affirmation triomphale du féminisme dans l’espace public.

Le palais Bourbon, d’habitude si masculin…

Exposées à l’Assemblée nationale, ces sculptures dorées se dressent telles des sentinelles silencieuses, veillant sur les générations futures. Leur présence marque un tournant, car elles occupent un espace où les figures masculines ont longtemps régné en maître. Ce geste artistique et politique met en lumière un paradoxe douloureux : alors que Paris est une ville profondément marquée par son histoire, seulement 14 % des statues publiques y honorent des femmes. Cette exposition interroge donc l’héritage patriarcal figé dans la pierre et le bronze, en cherchant à rééquilibrer les symboles de la cité.

Les portraits de chacune des « Dix Femmes en Or »

Christine de Pizan

Christine de Pizan (1364-1431) 

Christine de Pizan fut l’une des premières femmes de lettres de l’histoire à vivre de sa plume. Poétesse et philosophe, elle s’illustra par ses écrits en faveur de l’éducation des femmes et du respect de leurs droits, notamment avec La Cité des dames (1405). Visionnaire pour son époque, elle marqua l’histoire en posant les premières pierres d’une pensée féministe bien avant l’émergence de ce mouvement. Sa présence parmi les “Femmes en Or” est un hommage à son engagement pour la reconnaissance de la place des femmes dans la société.

Jeanne Barret

Jeanne Barret (1740-1807) 

Exploratrice et botaniste, Jeanne Barret entra dans l’histoire comme la première femme à faire le tour du monde. Se travestissant en homme pour embarquer à bord de l’expédition de Bougainville en 1766, elle participa à la collecte de milliers de spécimens botaniques. Son audace et son amour de la science, à une époque où l’exploration était l’apanage des hommes, en font une pionnière de la liberté et de la découverte.

Olympe de Gouges (1748-1793) 

Féministe avant l’heure, dramaturge et femme politique, Olympe de Gouges est surtout connue pour sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), où elle réclamait l’égalité entre hommes et femmes dans la société et devant la loi. Figure révolutionnaire, elle fut guillotinée pour ses idées subversives en 1793. Son œuvre et son courage continuent d’inspirer les mouvements féministes modernes.

Louise Michel (1830-1905) 

Révolutionnaire, féministe et anarchiste, Louise Michel est une figure emblématique de la Commune de Paris de 1871. Institutrice engagée, elle lutta toute sa vie pour les droits des opprimés et les idéaux d’égalité sociale. Déportée en Nouvelle-Calédonie après la Commune, elle y poursuivit son combat pour l’instruction des plus pauvres et la justice. Louise Michel symbolise l’engagement total et le courage face à l’injustice.

Louise Michel et la franc-maçonnerie

Notre sœur militante anarchiste Louise Michel, la « Vierge rouge » a finalement rejoint la franc-maçonnerie dans les dernières années de sa vie, bien que cela ne corresponde pas totalement à son parcours initial.

Lors de ses funérailles, plusieurs orateurs ont pris la parole, parmi lesquels le vénérable de la loge « Fraternité Universelle », qui appartenait à la « Grande Loge Symbolique Écossaise, mixte et maintenue ». Malgré la présence d’insignes maçonniques sur son cercueil, les organisateurs des obsèques rappelèrent que Louise Michel n’avait appartenu à aucune association maçonnique pendant la majeure partie de sa vie.

Palais Bourbon, cour d'honneur
Palais Bourbon, cour d’honneur

C’est en fait en 1904, peu avant sa mort, que Louise Michel fit son entrée dans la franc-maçonnerie. Le 20 juillet 1904, sur proposition de Madeleine Pelletier, elle fut invitée à la loge « Fraternité Universelle » pour une conférence de réception. Les membres de la loge, honorés par sa présence, lui proposèrent de devenir membre, ce qu’elle accepta. Son initiation officielle eut lieu quelques semaines plus tard, le 13 septembre 1904, à la loge « La Philosophie sociale », qui admettait les femmes, une particularité importante à une époque où de nombreuses obédiences maçonniques étaient exclusivement masculines.

Louise Michel fut initiée en même temps que Charlotte Vauvelle, sa compagne depuis 1895, et Henri Jacob. Le lendemain, le 14 septembre 1904, elle prononça une conférence devant la loge « Diderot » sur le thème « La femme et la franc-maçonnerie ». C’est là qu’elle déclara qu’elle aurait été membre bien plus tôt si elle avait su que des loges mixtes existaient, pensant jusqu’alors que la franc-maçonnerie était réservée aux hommes. Elle exprima également des idées sur le pouvoir et la société, affirmant que « le pouvoir abêtit les hommes » et qu’il fallait l’éliminer pour créer une société égalitaire et fraternelle, en adéquation avec les idéaux maçonniques.

Louise Michel associa donc sa vision anarchiste et ses aspirations sociales aux principes maçonniques d’égalité, de fraternité et de liberté. Bien que son parcours en franc-maçonnerie fût bref, elle laissa une empreinte marquante en y exprimant sa vision d’une société sans hiérarchie ni oppression, fidèle à son engagement révolutionnaire.

Ainsi, si Louise Michel n’était pas maçonne durant la majeure partie de sa vie, elle trouva dans la franc-maçonnerie un écho à ses luttes, dans les derniers mois de son existence, en prônant une société plus libre et égalitaire.

Alice Guy (1873-1968) 

Alice Guy

Pionnière du cinéma, Alice Guy est la première femme réalisatrice et productrice. Elle réalisa plus de 300 films entre 1896 et 1920, marquant l’histoire du cinéma en abordant des thèmes variés, parfois novateurs pour son temps. Elle a contribué de manière décisive à l’émergence du septième art, et son héritage reste aujourd’hui souvent méconnu. Alice Guy est l’incarnation de la créativité et de l’audace dans un domaine qui n’était pas encore ouvert aux femmes.

Alice Milliat (1884-1957) 

Alice Milliat

Alice Milliat est une figure clé du sport féminin. Athlète et organisatrice, elle créa en 1922 les Jeux mondiaux féminins, offrant aux femmes une place dans le monde sportif, alors très largement dominé par les hommes. Sans parler, entre autres, de la misogynie de Pierre de Coubertin… Grâce à ses multiples efforts, les femmes furent progressivement admises aux Jeux olympiques, faisant d’elle une pionnière de l’égalité dans le sport.

Paulette Nardal (1896-1985) 

Paulette Nardal

Intellectuelle, journaliste et militante anticolonialiste, Paulette Nardal est l’une des premières femmes à avoir promu l’internationalisme noir.

Née en Martinique, elle joua un rôle central dans le développement de la Négritude, mouvement littéraire et politique visant à valoriser l’identité noire. Son salon littéraire, tenu avec ses deux sœurs dans son appartement du 7 rue Hébert à Clamart (Hauts-de-Seine), fut un lieu de rencontre pour des intellectuels de toutes origines. Elle traite de l’émancipation des femmes tout en jetant les bases de la théorie de la Négritude et symbolise la lutte pour la reconnaissance des identités marginalisées.

Simone de Beauvoir (1908-1986) 

Simone de Beauvoir

Philosophe et écrivaine, Simone de Beauvoir est l’auteure de Le Deuxième Sexe (1949), ouvrage fondateur du féminisme moderne. Dans ses écrits, elle explore la condition féminine et remet en question les rôles sociaux imposés aux femmes. Compagne de Jean-Paul Sartre, elle a laissé un héritage philosophique et littéraire immense, défendant l’idée que « l’on ne naît pas femme, on le devient ».

Simone Veil (1927-2017) 

Survivante de la Shoah, magistrate et femme politique, Simone Veil a marqué l’histoire française en faisant adopter la loi de 1975 qui légalise l’avortement. Première présidente du Parlement européen, elle incarne le courage et la résilience. Toute sa vie, elle a lutté pour les droits des femmes, la justice et la paix en Europe. Simone Veil reste une figure respectée et admirée, symbolisant la lutte pour la dignité humaine.

Gisèle Halimi (1927-2020) 

Avocate, militante féministe et ancienne députée, Gisèle Halimi fut une figure centrale dans la bataille pour la légalisation de l’avortement en France. En co-fondant le mouvement « Choisir » en 1971, elle s’engagea pour la défense des droits des femmes à disposer de leur corps. Son plaidoyer lors du procès de Bobigny en 1972 est resté dans les annales comme un tournant décisif pour les droits des femmes. Elle incarne la lutte pour l’égalité et la justice sociale.

Ces dix femmes, chacune pionnière dans son domaine, sont célébrées pour leur audace, leur intelligence et leur détermination. Elles incarnent, à travers cette exposition, l’héritage d’une lutte pour la reconnaissance des femmes dans l’histoire et dans la société, illuminant le chemin vers un avenir où l’égalité n’est plus un rêve, mais une réalité partagée.

L’hommage de la Grande Loge Féminine de France
L’hommage rendu à Gisèle Halimi en 2020 par la Grande Loge Féminine de France (GLFF) met en lumière son engagement indéfectible pour les droits des femmes et sa carrière d’avocate. Elle est décrite comme une femme libre, déterminée et une grande voix du féminisme.
La GLFF rappelle ses messages clés aux femmes : l’importance de l’indépendance économique, le refus de toute atteinte à la dignité, et la nécessité de ne jamais se résigner face aux injustices. Gisèle Halimi a consacré sa vie à lutter contre les tabous entravant l’égalité des sexes, notamment à travers ses plaidoyers en faveur du droit à l’avortement, ce qui a contribué à l’adoption de la loi Veil. Elle est aussi célèbre pour avoir signé le « Manifeste des 343 » et fondé l’association « Choisir la cause des femmes ».
Son engagement s’étendait au-delà du féminisme, incluant la lutte contre la torture et les oppressions coloniales. La GLFF souligne l’importance de faire connaître ses textes et plaidoiries aux jeunes générations, car les acquis ne sont jamais définitifs.

Olympe de Gouges

Certains critiquent… Le français, cet éternel râleur ?

Malgré l’impact indéniable de cette installation, tout n’a pas été sans controverse. Certains critiquent la matérialité des œuvres, initialement conçues pour être éphémères, ou l’absence de figures essentielles comme Marie Curie, scientifique doublement récompensée par le Prix Nobel. D’autres déplorent l’emplacement temporaire choisi, loin d’un hommage durable dans l’espace urbain. Mais ces voix discordantes ne parviennent pas à ternir l’essence de cette initiative : pour la première fois, ces femmes trouvent une place légitime dans le paysage public.

Cour d’honneur

Leur destin ne s’arrête pas là. Bientôt, ces héroïnes dorées quitteront la solennité du Palais Bourbon pour rejoindre les pavés de Paris. Que ce soit à travers une dispersion dans différents quartiers ou une installation durable dans des lieux symboliques, la République française réécrit l’espace urbain avec justice, permettant à ces femmes de briller là où elles ont longtemps été invisibles.

Dans ce geste artistique et politique, c’est un récit nouveau qui s’écrit. Celui où les femmes, jadis reléguées en arrière-plan, reprennent la place qui leur revient de droit. Ce ne sont pas que des statues : ce sont des fragments d’une mémoire vivante, un hommage à celles qui ont forgé la France d’hier et qui façonnent celle de demain. Sous la lumière dorée du jour, elles attendent patiemment leur prochaine mission, rappelant que l’or de l’histoire appartient tout autant aux femmes qu’aux hommes.

Ces « Femmes en or » – sauf erreur ou omission de notre part, nous ne voyons pas de femme handicapée (même si 80 % des handicaps sont invisibles) – symbolisent bien plus que des figures isolées du passé. Elles représentent l’esprit indomptable de celles qui ont refusé les limites de leur époque et ont œuvré pour un monde plus juste. Leurs combats, qu’ils aient porté sur les droits civiques, la liberté de pensée, la création artistique ou la science, résonnent aujourd’hui avec une intensité particulière. Ces statues dorées ne sont pas simplement des hommages, elles sont des phares qui éclairent le chemin vers un futur d’égalité, d’émancipation et de respect pour toutes les femmes, et, au-delà, pour tous les humains.

J’ai dit.

Ceci est mon dernier article.

Photos © Yonnel Ghernaouti YG

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