sam 23 novembre 2024 - 13:11

Kafka revisité ? Un beau voyage littéraire au cœur de “Monsieur Hertz”…

La première impression de L’œuvre Monsieur Hertz habite dans le faux plafond de son bureau de Philippe Benhamou m’a plongé dans une atmosphère lourde…

En effet, le nom de famille Hertz, d’origine alsacienne et souvent porté par des Israélites, signifie “cœur” et désigne un homme sensible et courageux. Ce choix de nom pour le protagoniste n’est pas anodin et porte en lui des résonances profondes. Je me suis alors imaginé dans un cadre historique sombre, nous transportant à Paris en 1942. Durant cette période, le héros pourrait être la cible des rafles antijuives orchestrées par le régime collaborationniste de Vichy.

Puis, à son arrivée dans son bureau, l’ambiance nauséabonde rappelle celle de la Stasi en Allemagne de l’Est, instaurant une atmosphère de surveillance et de répression. Cette atmosphère étouffante, combinée à la menace constante d’arrestation et de déportation, crée en moi une tension palpable qui m’a traversé quelques instants. Avec, dès les premières pages, une oppression psychologique intense, qui me préparait à plonger dans les méandres d’un récit aussi captivant qu’angoissant.

Puis, à travers Monsieur Hertz, qui était à sa tâche, à savoir la vérification des factures et de leurs paiements, Philippe Benhamou nous offre une réflexion poignante sur la condition humaine et avec ce roman magnifique transporte le lecteur dans une époque tout en lui offrant une analyse fine et émouvante des sentiments humains.

Nous allons tenter de mettre en lumière les thèmes et les intrigues potentiels de chaque chapitre, tout en offrant un aperçu de l’auteur et de l’éditeur, enrichissant ainsi la compréhension globale de l’œuvre.

Mais avant tout, revenons au titre lui-même avec l’écriture des termes « et autres nouvelles » en plus petit dans le titre, pouvant être expliquée par plusieurs raisons liées à la structure littéraire, à l’édition, et à la perception des lecteurs. Tout d’abord, cela permet de focaliser l’attention du lecteur sur la nouvelle principale « Monsieur Hertz habite dans le faux plafond de son bureau ». Ce titre captivant et intrigant est ainsi mis en avant, attirant immédiatement l’œil et suscitant la curiosité. Les autres nouvelles sont ainsi présentées comme un complément, une valeur ajoutée à l’histoire principale. Ainsi, la nouvelle mentionnée en premier est probablement la pièce maîtresse du recueil !

Clarté et lisibilité – facilitant la lecture rapide et la mémorisation du titre –, équilibre esthétique – couverture plus attrayante et dynamique – et raisons marketing – capter l’attention des potentiels acheteurs dès le premier regard ; valoriser l’ensemble du recueil ; renforcer l’identité du livre – sont les atouts de ce titre rendant le livre plus enchanteur. Belle stratégue éditoriale. Bien joué mon très cher Philippe !

L’œuvre Monsieur Hertz habite dans le faux plafond de son bureau intrigue dès le premier coup d’œil de la table en fin d’ouvrage. La diversité des titres de chapitres promet un voyage littéraire riche et varié. Chaque titre semble annoncer une histoire unique, remplie de personnages et de situations insolites, invitant le lecteur à plonger dans un univers narratif complexe et fascinant.

Le premier chapitre intitulé « Monsieur Hertz habite dans le faux plafond de son bureau »

nous plonge directement dans une atmosphère kafkaïenne. Monsieur Hertz, personnage principal, vit une existence recluse et étrange, caché dans le faux plafond de son propre bureau. Cette situation absurde symbolise peut-être la pression et l’isolement ressentis dans le milieu professionnel moderne, où le besoin de se cacher pour échapper au stress devient une métaphore frappante de la vie contemporaine. Le cadre claustrophobique et la quête de sens de Hertz rappellent les dilemmes existentiels et l’aliénation décrits par Kafka, créant une tension palpable et une réflexion profonde sur la condition humaine.

La vie est souvent décrite comme une tapisserie complexe, où chaque fil représente un événement ou une décision. « Les mailles du destin » explore ce concept, en se concentrant sur les moments clés qui tissent le destin d’un individu. Les personnages sont probablement confrontés à des choix cruciaux qui définiront leur avenir, rappelant la fragilité et l’imprévisibilité de la vie. Les entrelacements des destins individuels évoquent la manière dont les petites actions peuvent entraîner des conséquences imprévues et majeures, semblable aux intrigues intriquées et souvent fatales que l’on trouve dans les récits kafkaïens.

Ensuite, le titre du chapitre « Saintes Touches, priez pour nous ! » évoque une juxtaposition intrigante entre le sacré et le profane, la technologie moderne et la spiritualité, avec une certaine ironie religieuse. Sans doute comprise comme une critique des dépendances modernes telles que la technologie. Ce chapitre explore les paradoxes de notre société numérique, où les « Saintes Touches » des claviers et des écrans gouvernent nos vies, transformant la prière traditionnelle en une quête désespérée de connexion virtuelle. Cette réflexion sur l’aliénation par la technologie pourrait rappeler la manière dont Kafka dépeint les bureaucraties aliénantes et les structures oppressives.

« Les petits oiseaux sur le rebord de la fenêtre du salon »… Avec ce titre poétique, Philippe Benhamou invite à la contemplation. Les petits oiseaux pourraient symboliser la liberté ou l’innocence perdue. Ce chapitre est une pause dans la narration, un moment de réflexion sur la beauté simple de la nature, contrastant avec les complexités et les tensions des autres chapitres. La juxtaposition de l’ordinaire et du merveilleux rappelle comment Kafka insère des moments de beauté et de rêve dans ses récits sombres.

En explorant le mariage à un âge plus avancé, « Mariage plus vieux, mariage heureux » brise les stéréotypes sur l’amour et la relation. Ce titre choisi à dessein par Philippe Benhamou est un jeu de mots astucieux sur le dicton populaire « Mariage pluvieux, mariage heureux », une transformation subtile mais significative du dicton original changeant le contexte et la signification de la phrase, ajoutant une couche de profondeur et de réflexion.

Ancré dans notre culture, le dicton « Mariage pluvieux, mariage heureux » signifie qu’un mariage célébré sous la pluie est de bon augure. La pluie symbolise la fertilité, la purification et le renouveau, augurant ainsi un avenir prospère pour le couple. En le transformant en « Mariage plus vieux, mariage heureux », Philippe Benhamou joue sur les attentes du lecteur. Cette variation apporte une nouvelle perspective, suggérant que les mariages contractés à un âge plus avancé peuvent également être porteurs de bonheur et de réussite… Ce chapitre promet une exploration de la maturité émotionnelle et de la sagesse qui viennent avec l’âge, suggérant que le bonheur conjugal peut être atteint à tout moment de la vie. Cette exploration des relations humaines et des espoirs persistants peut être vue comme un contrepoint aux souvent sombres explorations de l’isolement dans les œuvres de Kafka.

Le bilboquet, jeu d’adresse ancien, est une métaphore puissante pour le désir humain. Ce chapitre « Le bilboquet du désir », sixième de la table des matières, traite des jeux de séduction et des dynamiques complexes du désir, où l’habileté et la chance jouent un rôle crucial dans la quête de satisfaction. La complexité et l’absurdité des relations humaines, thèmes chers à Kafka, sont explorées à travers des interactions subtilement décrites et des désirs souvent inavoués.

« L’impossible quête d’Alain Mifigue » est titre qui promet une aventure ou une introspection profonde. Alain Mifigue est un personnage en quête de quelque chose d’inatteignable, que ce soit une vérité intérieure, un amour perdu ou une réalisation personnelle. Ce chapitre est chargé d’émotions et de réflexions philosophiques, à la manière des quêtes kafkaïennes où le protagoniste se heurte constamment à des obstacles insurmontables, symbolisant souvent l’absurdité de la condition humaine.

« La théorie du beurre parfait » ! Le beurre, élément fondamental et quotidien, devient ici un symbole de perfection et de quête métaphysique. Ce chapitre offre une réflexion sur les obsessions humaines pour la perfection dans les choses simples et ordinaires, révélant la beauté dans l’imperfection. Cette quête pour la perfection, souvent futile, rappelle les luttes kafkaïennes contre des systèmes intransigeants et des idéaux inatteignables.

« Rédiger, imprimer et disparaître » rend un hommage aux écrivains et aux créateurs, explorant ainsi le processus créatif et l’éphémère nature de la notoriété littéraire. La disparition suggère une réflexion sur la postérité et l’impact durable des mots. La précarité de la création et la quête de reconnaissance peuvent être comparées à l’éphémère succès et à l’incompréhension souvent ressentis par les personnages de Kafka.

L’auteur nous amène « À la recherche d’Arlette », une femme non pas d’aujourd’hui mais de ses souvenirs, « toujours jeune avec le soutire qui lui avait tant plu… » Été 46.

Arlette, Courot de son nom de famille, est donc ce personnage mystérieux ou perdu, dont la recherche devient une quête symbolique pour le narrateur. Ce chapitre explore les thèmes de la perte, de la mémoire et de la nostalgie, avec un accent sur l’importance des relations humaines. Cette quête reflète les recherches infructueuses des personnages kafkaïens, qui souvent poursuivent des objectifs insaisissables et sont hantés par des souvenirs et des désirs inaccessibles.

« Les berceaux vides de Geneviève Montignac » reste un titre poignant qui évoque immédiatement la perte et le chagrin. Ce chapitre, qui cite nommément le nom de celle qui est la secrétaire du chef du Service central de sécurité – la seule qui venait parler de temps en temps à monsieur Hertz, est probablement le plus émouvant, traitant de la douleur de la perte d’un enfant ou de l’incapacité à en avoir. Il offre une réflexion profonde sur la maternité, la féminité et la résilience face à la tragédie. L’exploration de la souffrance personnelle et de la désolation résonne fortement avec les thèmes de solitude et de désespoir omniprésents dans les œuvres de Kafka.

Philippe Benhamou, la bio

Philippe Benhamou, éminent romancier, essayiste et spécialiste de la franc-maçonnerie, a forgé une carrière diversifiée et prolifique. Titulaire d’un doctorat en intelligence artificielle, il est depuis 1991 membre actif de la Grande Loge de France. Cocréateur de la webradio RadioDelta, il anime l’émission « 123 Soleil » et contribue régulièrement à la revue Franc-maçonnerie magazine.

Ses œuvres littéraires couvrent une gamme variée, des romans aux essais, en passant par des articles et des ouvrages humoristiques. Parmi ses publications notables, on retrouve Tamino et Pamina – les fiancés des Buttes-Chaumont (Code9, 2023). Son roman Madame Hiramabbi – la concierge de la rue des trois frères (Éditions Dervy, 2014) a été récompensé par le Prix Cadet Roussel en 2014 des Imaginales Maçonniques & Ésotériques d’Épinal qui récompense annuellement des œuvres littéraires ou des contributions remarquables dans le domaine de la franc-maçonnerie et de l’ésotérisme.

Philippe Benhamou a également coécrit plusieurs ouvrages de référence sur la franc-maçonnerie, tels que La franc-maçonnerie pour les nuls (avec Christopher Hodapp) et Les grandes énigmes de la franc-maçonnerie. Son humour et sa verve se retrouvent dans des œuvres comme Cahier de brouillon pour francs-maçons s’ennuyant en Loge et, avec Jean-Laurent Turbet L’à-peu-près Dictionnaire de la franc-maçonnerie… à l’usage des ignorants des pissefroids et des nantis.

En plus de ses livres, Philippe Benhamou a publié de nombreux articles dans des revues spécialisées et a contribué à des collectifs littéraires, enrichissant ainsi la réflexion et la compréhension de la franc-maçonnerie et de l’aviation. Ses contributions lui ont valu des distinctions, notamment une mention spéciale du jury au concours de nouvelles des Rencontres aéronautiques de Gimont en 2011.

Présentation de l’Éditeur, conformément à nos us & coutumes…

Quelle la ligne éditoriale des Éditions du Palio ?

À cette question rituelle posée aux éditeurs, leur réponse est singulière : « nous n’avons pas de ligne éditoriale figée.

Ce qui anime Les Éditions du Palio depuis dix-huit ans, c’est une profonde sympathie.

Sympathie envers l’auteur, pour le sujet qu’il traite, pour sa démarche créative, et pour son style unique.

L’un des plaisirs exquis de notre métier réside dans l’estime que nous portons à des auteurs dont nous ne partageons pas nécessairement toutes les idées.

La certitude que la publication de leur ouvrage marquera un moment significatif dans leur vie nourrit notre sympathie éditoriale.

C’est ainsi que s’engage un processus de cocréation, embrassant les sujets les plus variés et les formats les plus divers. »

Monsieur Hertz habite dans le faux plafond de son bureau et autres nouvelles 

Philippe Benhamou – Éditions du Palio, 2024, 196 pages, 16, 90 €

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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