Dans le cadre de nos lectures estivales, nous avons choisi d’explorer Montségur roche tragique de Louis Gausen, une œuvre poignante et évocatrice qui nous plonge dans l’histoire tragique des Cathares.
Avant d’entrer dans la recension de l’ouvrage, nous dressons un tableau sous forme de rappel de l’histoire du pog et du Champ des Brûlés, une stèle qui semble en danger aujourd’hui.
Montségur, perché à 1207 mètres d’altitude dans les Pyrénées françaises, est un site imprégné d’histoire et de tragédie. Ce château, reconstruit en 1204 par Raymond de Péreille, est devenu un refuge pour les Cathares, une ‘’secte’’ chrétienne dissidente persécutée par l’Église catholique. Montségur est rapidement devenu le siège spirituel et militaire des Cathares jusqu’à sa chute en 1244. Entre 1243 et 1244, le château subit un siège de dix mois par les troupes royales françaises lors de la Croisade des Albigeois. Le 16 mars 1244, après une résistance acharnée, les défenseurs cathares se rendent. Plus de 200 Cathares, qui refusent de renier leur foi, sont brûlés vifs sur un bûcher collectif au pied du château. Cet endroit est connu sous le nom de Prats dels Crémats ou Champ des Brûlés.
La stèle de Prats dels Crémats a été érigée pour commémorer cet événement tragique. Située à l’emplacement supposé du bûcher, la stèle est un symbole de résistance spirituelle et de sacrifice face à l’oppression religieuse. Un témoignage de la quête de liberté spirituelle.
Inaugurée au XXe siècle, elle attire chaque année des visiteurs venus du monde entier et des descendants des Cathares qui viennent rendre hommage aux victimes de cette tragédie historique. Cependant, des inquiétudes récentes ont émergé concernant la préservation de ce site mémoriel essentiel, faisant craindre pour sa protection et sa pérennité.
Montségur est également inscrit comme monument historique, soulignant son importance culturelle et patrimoniale pour la France et le monde.
La lecture de Montségur roche tragique, à la fois riche en détails historiques et empreinte de réflexion sur la tolérance et la persécution, promet de nous transporter au cœur des événements dramatiques qui se sont déroulés au château de Montségur. Que vous soyez passionné par l’histoire médiévale ou simplement en quête d’un récit captivant, cette note de lecture vous offrira un aperçu fascinant de ce livre remarquable.
Plongeons maintenant dans la lecture et l’analyse de l’ouvrage de Louis Gausen, une œuvre qui nous éclaire davantage sur cette période sombre de l’histoire.
Montségur est célèbre pour son château et son rôle crucial dans l’histoire des Cathares. Le nom Montségur provient du latin mons securus, signifiant colline sûre. Ce site est associé à la tragédie de la fin des Cathares., une secte chrétienne qui rejetait la hiérarchie et les sacrements de l’Église catholique romaine. Les premières traces d’occupation humaine à Montségur remontent à la Préhistoire. Cependant, c’est au XIIIe siècle que Montségur gagne en notoriété. En 1204, Raymond de Péreille, un seigneur local, décide de reconstruire le château en ruines pour en faire un refuge pour les Cathares, qui étaient persécutés par l’Église catholique. Le château devient rapidement un centre spirituel et stratégique pour les Cathares, abritant des religieux et des réfugiés.
Tout d’abord, revenons sur quelques définitions
Les Cathares, ou Bons Hommes et Bonnes Femmes comme ils se désignaient eux-mêmes, apparaissent en Europe, principalement en Italie et dans le sud de la France, entre le XIIe et le XIIIe siècle. Rejetant les doctrines et pratiques de l’Église catholique romaine, ils prônent un retour à une vie spirituelle plus simple et authentique, axée sur les enseignements de Jésus-Christ. Leur foi dualiste repose sur deux principes opposés : un Dieu bon, créateur du monde spirituel, et un dieu mauvais, créateur du monde matériel. Cette vision dualiste les conduit à une vie d’ascétisme strict, rejetant les biens matériels et les plaisirs terrestres.
Le Catharisme, ensemble des croyances et pratiques des Cathares
Il se caractérise par un dualisme marqué, un mode de vie austère, une critique virulente de l’Église catholique, une structure communautaire égalitaire et le consolamentum. Il est le rituel central de la foi cathare, servant à la purification spirituelle et considéré comme une forme de baptême. Unique et non répétable, ce sacrement est administré par l’imposition des mains, généralement par un parfait ou une parfaite (prêtre ou prêtresse cathare). Le consolamentum représente un baptême spirituel qui efface les péchés et confère le statut de parfait ou parfaite, engageant le récipiendaire à vivre selon les principes stricts du catharisme.
Le rituel pouvait être administré à tout moment de la vie, mais il était souvent donné aux mourants afin d’assurer leur salut. Une fois reçu, l’individu devait observer un mode de vie ascétique, renonçant aux biens matériels, au mariage, et souvent à la viande. Ce sacrement incarnait l’aspiration à une pureté spirituelle, marquée par une vie de simplicité et de renoncement aux plaisirs terrestres.
Le consolamentum n’était pas seulement un rite de passage spirituel, mais aussi une déclaration de foi et un engagement à suivre les enseignements cathares jusqu’à la mort. C’était un symbole de la résistance spirituelle des Cathares face aux persécutions de l’Église catholique romaine, qui considérait leurs pratiques comme hérétiques.
Rapidement répandu, surtout dans le Languedoc, le Catharisme attire l’attention et la répression de l’Église catholique, qui lance la Croisade des Albigeois pour éradiquer cette hérésie. Cette croisade, suivie de l’Inquisition, conduit à l’élimination presque totale des Cathares au XIIIe siècle.
Montségur roche tragique, le livre
Écrit par Louis Gausen et réédité en 1996 par Lacour/Rediviva*, l’ouvrage nous plonge dans les profondeurs du XIIIe siècle, au cœur des Pyrénées françaises, où se dresse le château de Montségur. Ce livre de 84 pages, vendu à 15 €, est une réimpression d’une œuvre originale datant de 1905, imprimée à Foix par Gadrat Ainé. À travers ses mots, Gausen nous conte la tragédie des Cathares, un peuple dont la foi les a menés à une fin déchirante.
L’histoire débute avec une introduction minutieuse du contexte géopolitique et religieux de l’époque. Les Cathares, en opposition au catholicisme romain, trouvent refuge à Montségur, un bastion de résistance ultime. Louis Gausen dépeint avec précision le siège qui commence en mai 1243, un événement marqué par la ténacité des assiégés et la brutalité des assaillants. Les descriptions des conditions de vie à Montségur sont à la fois poignantes et vivantes, nous faisant sentir la tension et la désolation de ces mois d’angoisse.
Le cœur du récit est la chute de Montségur en mars 1244. L’auteur nous fait vivre cette capitulation dramatique avec une empathie palpable. Les parfaits cathares, fervents dans leur foi, choisissent le martyre plutôt que la conversion forcée. Le bûcher collectif, où périssent plus de deux cents Cathares, est décrit avec une intensité qui transcende le simple fait historique pour devenir une scène de douleur et de courage inouïs.
L’auteur ne se contente pas de relater les événements; il nous invite à réfléchir sur les conséquences de cette tragédie. L’éradication des Cathares marque la fin d’un mouvement religieux, mais laisse une empreinte indélébile sur l’histoire de l’intolérance et de la persécution religieuse. Louis Gausen, par son écriture évocatrice, nous pousse à méditer sur les leçons à tirer de cette période sombre.
Son style est à la fois descriptif et analytique. Il utilise une multitude de sources historiques pour offrir une vision bien documentée des événements, tout en imprimant à son récit une vivacité qui captive le lecteur. Cependant, cette admiration pour les Cathares et sa condamnation des croisés apportent une légère teinte de partialité à son œuvre. La densité des détails historiques peut parfois rendre la lecture ardue, mais elle enrichit également la profondeur du récit.
L’auteur
Né à la fin du XIXe siècle, Louis Gausen est un historien et écrivain français, passionné par l’histoire médiévale et particulièrement celle des Cathares. Bien que les détails de sa vie soient peu connus, ses travaux, notamment Montségur roche tragique, témoignent de sa rigueur et de son engagement à éclairer cette période obscure de l’histoire. Son écriture est un pont entre le passé et le présent, une invitation à ne pas oublier les leçons du passé.
Ainsi, Montségur roche tragique est bien plus qu’un livre d’histoire. C’est une immersion dans une époque révolue, une méditation sur la foi et la persécution, et un hommage aux Cathares dont le sacrifice résonne encore aujourd’hui. Louis Gausen, par son talent de conteur, nous offre une œuvre intemporelle qui continue d’interpeller et d’émouvoir ses lecteurs.
Vous dites châteaux cathares ?
Il est important de préciser que les châteaux dits “cathares” n’ont en réalité jamais été construits par les Cathares eux-mêmes. Ces forteresses, situées dans les Pyrénées, existaient déjà ou ont été érigées par d’autres pouvoirs. Les Cathares, persécutés par l’Église catholique, ont trouvé refuge dans ces édifices qui leur ont servi de lieux de défense et de sanctuaires temporaires. Ainsi, il serait plus exact de parler de châteaux pyrénéens occupés par les Cathares, plutôt que de châteaux cathares.
Les Cathares cherchaient des endroits isolés et fortifiés pour échapper à l’Inquisition et à la répression des autorités religieuses et royales. Les châteaux de Montségur, Peyrepertuse, Quéribus, et d’autres, bien que souvent associés au catharisme, étaient en fait des bastions construits par des seigneurs locaux ou sous l’autorité des rois de France pour des raisons stratégiques et militaires.
L’amalgame entre ces forteresses et les Cathares découle de l’histoire dramatique des sièges et des persécutions subies par ces derniers, mais historiquement, les Cathares n’ont jamais entrepris la construction de ces châteaux. Leur utilisation par les Cathares n’a fait qu’ajouter une dimension légendaire à ces monuments déjà marqués par une longue histoire militaire et féodale.
*La maison d’édition Lacour/Rediviva
Nichée à Nîmes et fondée par Jean-Paul Lacour, cette maison est un trésor de rééditions de livres anciens et rares. Son catalogue foisonne d’ouvrages de patrimoine régional et historique, avec un accent particulier sur le Languedoc-Roussillon. La mission de Lacour/Rediviva, depuis ses débuts, est de redonner vie à des œuvres oubliées, offrant ainsi aux lecteurs d’aujourd’hui l’opportunité de redécouvrir des textes précieux et parfois introuvables. Le nom Rediviva , signifiant réanimée ou renaissante, incarne parfaitement cette ambition de ressusciter le patrimoine littéraire et historique. Le catalogue de cette maison d’édition est aussi varié que fascinant, incluant des rééditions de livres anciens couvrant des domaines aussi divers que l’histoire, la littérature, la religion, la science, et la technique.
Elle propose également des ouvrages sur les traditions, les coutumes, la gastronomie et l’histoire locale, particulièrement du Languedoc-Roussillon, sans oublier des publications sur la généalogie, l’héraldique et la franc-maçonnerie, ainsi que des textes en langue occitane et des études sur la culture et l’histoire de l’Occitanie. Par son engagement culturel, Lacour/Rediviva joue un rôle capital dans la préservation de la mémoire collective, rendant accessible à un large public des milliers de livres rares et anciens, contribuant ainsi à l’enrichissement culturel et à la transmission du savoir.
Montségur roche tragique
Louis Gausen – Lacour/Rediviva,1996, réimp. éd. de 1905, 84 pages, 15 €
L’édition originale est disponible gratuitement sur BnF/Gallica
Merci pour ce très bel article, particulièrement exhaustif. Je me permets de vous signaler également sur le même sujet mon roman “Le dernier comte cathare” -Florence Ferrari – éditions TDO- ; j’évoque, à travers mes personnages, l’interpénétration des mentalités entre la société occitane et le catharisme, tous deux progressistes et démocrates.