mer 27 novembre 2024 - 03:11

Décryptage du mythe : Voyage au cœur des origines judéo-chrétiennes

C’est avec bonheur et joie que nous annonçons la réédition de Le mythe judéo-chrétien- D’après la Genèse et les Évangiles selon Matthieu et Jean de Carlo Suarès. Initialement publié en 1950 par les Éditions Cercle du Livre : Les Univers de la Connaissance, cet ouvrage a été réédité en 2024 par les Éditions de la Tarente, dans sa collection Anastatiques dirigée par Philippe Subrini qui signe la note introductive.

Dans un premier temps, revenons sur le parcours de ce penseur unique que fut Carlo Suarès (1892-1976). Il était un écrivain, penseur et kabbaliste français d’origine égyptienne. Né au Caire, il a passé une grande partie de sa vie en France, où il a développé une carrière prolifique en tant qu’auteur et érudit. Suarès est surtout connu pour ses travaux sur la kabbale, la mystique juive, et ses interprétations originales des textes bibliques – nous avions déjà chroniqué La Bible restituée, le 18 août 2023.

Carlo Suarès est reconnu pour son approche unique de l’exégèse biblique et de la mystique. Il s’est efforcé de relier les concepts anciens de la kabbale aux pensées contemporaines, offrant ainsi une perspective novatrice et souvent controversée. Son travail est marqué par une profonde érudition et une volonté de dépasser les interprétations traditionnelles pour offrir une vision plus ésotérique et spirituelle des textes sacrés.

Carlo Suarès

Carlo Suarès a largement contribué à la diffusion et à la compréhension de la kabbale et des textes mystiques en Occident. Son influence se fait sentir dans les cercles académiques et spirituels, où ses idées continuent de susciter l’intérêt et la réflexion. En tant que penseur avant-gardiste, Suarès a su marier les anciennes traditions avec les besoins spirituels de son époque, créant ainsi un pont entre le passé et le présent.

Carlo Suarès reste une figure fascinante et influente dans le domaine de la mystique et de l’exégèse biblique. Ses œuvres, notamment Le mythe judéo-chrétien, continuent d’inspirer et d’enrichir ceux qui cherchent à comprendre les profondeurs cachées des textes sacrés. Sa contribution à la littérature et à la spiritualité est indéniable, faisant de lui un véritable troubadour de la connaissance ésotérique.

Dans un second temps revenons sur le terme anastatique – mot venant du grec anastasis signifiant réinstallation ou remise debout, évoquant l’idée de redonner vie ou de restaurer quelque chose dans son état original – qui se réfère généralement à un procédé de reproduction qui permet de créer des copies exactes d’un document, souvent un livre ou un manuscrit ancien. C’est une technique de reproduction inventée au 19e siècle, utilisée pour faire des copies fidèles de documents imprimés ou manuscrits. Le procédé anastatique repose sur la lithographie et permet de reproduire des documents avec une grande précision. Et nous ajouterions qualité. Pari gagné pour la Tarente !

Cette nouvelle édition, de belle facture, permet de redécouvrir un texte fondamental qui explore en profondeur les origines et les significations des mythes judéo-chrétiens à travers une lecture attentive des textes de la Genèse et des évangiles selon Matthieu et Jean.

Et, dans un troisième temps, entrons dans l’ouvrage…

Philippe Subrini

Philippe Subrini met en lumière l’importance historique et philosophique de Carlo Suarès, soulignant son impact sur la littérature et la pensée religieuse, tout en honorant ceux qui ont œuvré à préserver et à diffuser ses travaux.

Il nous instruit quant à l’engagement de Jean-Marc Tapié de Céleyran et Marc Thivolet pour préserver l’héritage de Suarès, en publiant son œuvre dans la collection anastatique.

Carlo Suarès, issu d’une famille juive séfarade, est un écrivain, peintre et cabaliste français né à Alexandrie en 1892 et décédé à Paris en 1976. Ses études d’architecture à Paris furent interrompues par des problèmes de santé et la Grande Guerre, mais il obtient son diplôme en 1920.

Krishnamurti dans les années 1920

De 1920 à 1924, Carlo Suarès exerce son métier d’architecte en Égypte et épouse Nadine Tilche en 1922, avec qui il aura deux enfants. Il rencontre en 1923 Jiddu Krishnamurti, un penseur théosophe, avec qui il lie une forte amitié. Sa carrière littéraire débute en 1926 avec la revue Message d’Orient. De 1930 à 1935, il collabore aux Cahiers du Sud et, jusqu’en 1939, à la rédaction des Cahiers de l’Étoile.

En 1939, il est retenu en Égypte à cause de la guerre et se consacre exclusivement à l’écriture après 1940. De retour en France en 1946, il continue ses activités littéraires et artistiques, exposant à Paris, Le Caire, Vénise, Cracovie et aux États-Unis. Après une période de silence, Suarès se remet à écrire en 1945, approfondissant ses réflexions philosophiques et religieuses.

Subrini conclut en citant Marc Thivolet, qui décrit l’œuvre de Carlo Suarès comme un « feu tel qu’elle éloigne ceux qui seraient tentés de l’aborder dans le seul but d’enrichir leurs connaissances ».

L’ouvrage est divisé en deux parties principales : « La clé du mythe » et « Le mythe incarné ».

La première se compose de plusieurs chapitres qui analysent les éléments fondamentaux de la Genèse et les mythes associés. Le préambule donne une introduction générale du sujet et de l’approche de Carlo Suarès puis offre avec « L’existence » un examen philosophique et théologique du concept d’existence dans le contexte biblique. Carlo Suarès analyse ensuite l’essence de l’humanité et de la divinité, selon les textes sacrés, avec une réflexion sur le mythe du jardin d’Éden, le Paradis terrestre, et ses implications symboliques. Où il nous parle de la solitude d’Adam et de la création d’Ève en explorant aussi l’union entre Adam et Ève et de sa signification. Le décryptage qu’il fait du personnage d’Ève, mère de tous les vivants, de ses actions – avec la prononciation du nom divin – et de sa portée symbolique est de plus intéressantes.

Caïn tue Abel, par Peter Paul Rubens, c. 1600

Il nous enrichi avec l’examen du mythe de Caïn et Abel, et des thèmes de jalousie et de violence et des descendances par Caïn et par Seth en comparant les lignées de Caïn et de Seth, et leurs implications.

L’histoire de Caïn et Abel, relatée dans le livre de la Genèse (chapitre 4), est l’un des récits les plus anciens et les plus emblématiques de la Bible. Elle décrit le premier meurtre de l’histoire humaine, un fratricide qui a lieu peu après la création de l’humanité.

Carlo Suarès offre une lecture profonde et symbolique de cet événement. Voici les principaux points de son analyse sur le chapitre consacré à Caïn.

Caïn (Qayin en hébreu) est souvent interprété comme “possession” ou “acquisition”. Il est l’aîné, celui qui travaille la terre, un symbole de la civilisation naissante et de l’attachement matériel. Quant à Abel (Hevel en hébreu) signifie “souffle” ou “vanité”, il est berger, symbole de l’éphémère et de la spiritualité.

Caïn mène Abel à la mort, James Tissot, vers 1900

Le meurtre d’Abel par Caïn symbolise la victoire temporaire des forces matérielles et violentes sur les aspirations spirituelles et pacifiques. Ce premier fratricide marque également l’introduction du péché et de la violence dans l’histoire humaine, selon une perspective mythologique et symbolique.

Sur le plan psychologique, Caïn représente la part sombre de chaque individu, luttant contre ses propres démons et ses jalousies.

Spirituellement, l’histoire de Caïn et Abel est une métaphore de la lutte entre le matériel et le spirituel, un thème central dans la kabbale et la pensée mystique que Carlo Suarès explore en profondeur.

Le récit de Caïn et Abel a profondément influencé la littérature, l’art et la pensée religieuse. Carlo Suarès souligne comment ce mythe fondateur a été interprété et réinterprété au fil des siècles.

En recontextualisant cette histoire, Carlo Suarès invite à réfléchir sur les conflits internes de l’humanité et la quête incessante de rédemption.

L’analyse de Carlo Suarès met donc en lumière la richesse symbolique et la profondeur psychologique de l’histoire de Caïn et Abel. Pour l’homme, le maçon, ce récit, au-delà de son aspect narratif, est une allégorie de la condition humaine, de ses luttes internes et de ses aspirations spirituelles. En revisitant ce mythe, Carlo Suarès nous rappelle l’importance de comprendre nos propres dualités pour évoluer vers une harmonie intérieure et collective.

Noé et ses 3 fils
Le déluge, musée des beaux arts de Nantes

Ensuite, compte tenu de son importance dans l’art royal, l’étude du personnage de Noé et du mythe du déluge ne peut nous laisser indifférent. Avant de passer à une réflexion sur la tour de Babel et le thème de la dispersion des peuples et d’analyser des patriarches de la Bible, de leurs vies et de leurs significations.

La seconde partie « Le mythe incarné » traite de la transition du mythe biblique à l’incarnation dans le Nouveau Testament. Les différents chapitres détaillent la circoncision (rite et symbole dans la tradition juive), Israël, Satan (importance théologique et symbolique), Jésus (sa vie, ses enseignements et son rôle central dans le christianisme), l’Évangile selon Matthieu en explorant les thèmes et messages,  de l’évangile de Matthieu, donnent aussi une comparaison des figures de Pierre et de Judas, et leurs rôles respectifs et l’Évangile selon Jean, ses particularités et ses thèmes distinctifs.

Naissance du Christ, Mosaïque de la chapelle palatine de Palerme, v. 1150

Enfin, en guise de conclusion, Carlo Suarès écrit sur la transformation du mythe à travers les âges et son impact contemporain.

Depuis sa première publication en 1950, Le mythe judéo-chrétien a été largement discuté et critiqué dans divers cercles intellectuels. Les critiques ont souligné la profondeur de l’analyse de Carlo Suarès, son érudition en matière de textes sacrés et sa capacité à rendre accessibles des concepts complexes. Cependant, certains ont trouvé son style dense et parfois difficile à suivre.

Cette réédition souligne l’importance de préserver et de diffuser l’œuvre de Carlo Suarès. Elle permet de redécouvrir un texte fondamental pour comprendre les mythes fondateurs de la civilisation occidentale et leur évolution.

Elle est une œuvre incontournable pour quiconque s’intéresse aux études bibliques, à la philosophie et à la kabbale. L’approche érudite et profondément réfléchie de Carlo Suarès offre, encore et toujours, une nouvelle perspective sur des textes anciens, les recontextualisant dans un cadre moderne et philosophique. Cette heureuse réédition de 2024 est une occasion précieuse de redécouvrir cet ouvrage et de le situer dans le contexte des débats intellectuels contemporains.

Le mythe judéo-chrétien-D’après la Genèse et les Évangiles selon Matthieu et Jean

Carlo SuarèsLes Éditions de la Tarente, 2024, Coll. Anastatiques, 222 pages, 23 €

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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