Cet ouvrage, publié à l’occasion du 120e anniversaire de la naissance de Jean Zay et du 80e anniversaire de sa mort, rassemble l’œuvre complète de cet homme d’État, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts sous le Front populaire, assassiné par la milice en juin 1944. Jean Zay a été honoré par son entrée au Panthéon en mai 2015.
Jean Zay (1904-1944) est reconnu pour avoir fait de l’école un pilier de la démocratie sociale, en réformant l’enseignement et en développant le sport et la culture. Il est également à l’origine du Festival de Cannes, du CNRS et de l’ENA. Cible en raison de ses origines protestantes, juives, et de son engagement maçonnique et politique, il a été emprisonné par le régime de Vichy avant d’être assassiné. Sa clairvoyance face à la montée des fascismes fait de lui un pionnier de la Résistance et un penseur de la République moderne.
Pascal Ory, de l’Académie française, offre une perspective sur l’importance historique et intellectuelle de Jean Zay. Il commence sa préface en s’adressant à ceux qui n’ont jamais lu une seule ligne de Jean Zay. Il souligne la chance qu’ils auront de découvrir cet homme, dont il admire non seulement les compétences politiques, mais aussi les qualités littéraires.
Pascal Ory exprime son admiration pour Jean Zay, qu’il connaît depuis cinquante-trois ans. Il le présente comme un homme d’État exceptionnel, le plus jeune ministre de la Troisième République, ayant joué un rôle fondamental dans l’éducation, le sport et la culture en France. Il souligne la surprise qu’il a ressentie en découvrant la profondeur et la diversité des projets de Zay, notamment son implication dans la Résistance, où il avait imaginé un ministère de la Vie culturelle réunissant l’éducation, la recherche scientifique, la jeunesse et les sports.
Le préfacier évoque aussi l’influence durable de Jean Zay à travers ses diverses initiatives, telles que la création du Festival de Cannes et le soutien aux arts et à la lecture publique. Il souligne également l’importance des écrits de Zay, notamment ses journaux de prison, qui reflètent une réflexion profonde sur l’enfermement et la solitude.
Il offre un aperçu intime de Jean Zay, en parlant de ses relations personnelles et de son engagement constant pour la justice et la vérité. Il mentionne des rencontres avec des survivants de la génération de Zay et des souvenirs personnels qui soulignent la chaleur humaine de Zay et son amour pour sa famille.
Pascal Ory aborde également les campagnes de calomnie menées contre Jean Zay, notamment par des pamphlétaires d’extrême droite, qui ont tenté de ternir son image. Il met en lumière la résilience de Jean Zay face à ces attaques, et comment sa mémoire a été réhabilitée, notamment par son entrée au Panthéon en 2015. Il conclut en rendant hommage au courage et à la dignité de Jean Zay, le comparant à d’autres grands hommes d’État français. Il appelle à accepter le “scandale” d’honorer un homme qui a été injustement calomnié mais qui incarne les valeurs de courage et de dignité absolue. La préface de Pascal Ory offre une introduction chaleureuse et respectueuse à l’œuvre de Jean Zay. Elle met en lumière la richesse de ses contributions à la République française et la profondeur de son engagement personnel et politique. Ce texte établit le cadre pour le reste de l’ouvrage, en soulignant l’importance historique et morale de redécouvrir et de réhabiliter la mémoire de Jean Zay.
Dans l’introduction Pierre Allorant, historien et docteur en droit, et Olivier Loubes, historien spécialisé dans l’histoire de la République, de l’école et des imaginaires politiques, mettent en contexte l’œuvre de Jean Zay, soulignant sa pertinence actuelle. Il retrace la vie de Jean Zay, en intégrant ses écrits. Quant à Pierre Girard avec « Jalons », il apporte des repères historiques et biographiques. Sont publiés les journaux tenus par Jean Zay pendant la Grande Guerre montrent déjà une conscience politique et un sens aigu de l’observation, un texte patriotique et littéraire où Jean Zay exprime ses idéaux républicains et des réflexions et critiques littéraires écrites par un jeune Jean Zay, révélant ses talents d’écrivain.
Dans « Une république ressourcée », nous retrouvons les articles de Jean Zay comme député, où il aborde les enjeux politiques et sociaux de l’époque, démontrant son engagement républicain, une collection des discours et écrits de Jean Zay durant son mandat ministériel, marqués par ses réformes éducatives et culturelles et des notes inédites prises pendant les Conseils des ministres, offrant un aperçu de la politique interne du Front populaire.
Nous retenons plus particulièrement « Les Carnets secrets de Jean Zay : Notes journalières prises en Conseil des ministres (septembre 1938-septembre 1939) » regroupant des notes prises par Jean Zay. Ces carnets offrent un regard intime et détaillé sur les discussions et décisions prises pendant une période critique de l’histoire française, marquée par la montée des tensions internationales et les prémices de la Seconde Guerre mondiale. Cette période, de septembre 1938 à septembre 1939, est une phase tumultueuse pour la France et l’Europe. Elle inclut les accords de Munich, où les puissances européennes tentèrent d’apaiser Hitler en lui cédant une partie de la Tchécoslovaquie, suivis par l’invasion de la Pologne par l’Allemagne en septembre 1939, qui déclencha la Seconde Guerre mondiale. Ces événements sont cruciaux pour comprendre l’atmosphère et les débats au sein du gouvernement français de l’époque.
Jean Zay note les discussions sur les mesures à prendre face à la menace allemande. Les débats portent sur le renforcement des armées, la mobilisation des ressources et les stratégies diplomatiques à adopter pour garantir la sécurité de la France. Les carnets révèlent aussi les préoccupations concernant la stabilité politique et sociale en France. Jean Zay rapporte les échanges sur les réformes nécessaires pour renforcer la cohésion nationale, l’économie, et les mesures sociales pour maintenir le soutien populaire au gouvernement. En tant que ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts, Jean Zay consigne les discussions sur les initiatives visant à promouvoir l’éducation et la culture comme outils de résistance et de renforcement de la République.
Les carnets détaillent ses efforts pour développer le système éducatif et culturel malgré les contraintes de l’époque. Quant à l’internationale, les notes de Jean Zay fournissent un aperçu des stratégies diplomatiques de la France, les alliances, et les négociations avec d’autres pays européens. Elles mettent en lumière les tensions et les divergences au sein du gouvernement concernant la politique étrangère. Les carnets documentent les réactions des membres du gouvernement aux événements internationaux majeurs, tels que l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, les accords de Munich, et l’invasion de la Pologne. Ils révèlent les dilemmes moraux et politiques auxquels les dirigeants français étaient confrontés.
Ces carnets ne sont pas seulement un témoignage historique, mais aussi un hommage à la clairvoyance et à l’engagement de Jean Zay. Ils permettent de mieux comprendre les défis et les dilemmes de la France à la veille de la Seconde Guerre mondiale et soulignent l’importance de la mémoire et de la réflexion historique pour les générations futures.
Dans « Une république captive et retrouvée », nous retrouvons un récit autobiographique où Jean Zay raconte son expérience durant la guerre, son arrestation et son emprisonnement.
Deux romans nous sont offerts : « La Bague sans doigt », illustrant sa capacité littéraire et sa vision du monde et « Le Château du silence », mettant en lumière les thèmes de l’engagement et de la résistance. Ainsi que des écrits inédits de Jean Zay pendant son emprisonnement à Riom, dévoilant sa résilience et son esprit créatif.
Les éditeurs offrent des introductions détaillées et des contextes pour chaque section, aidant le lecteur à comprendre l’importance et la pertinence des écrits de Jean Zay. Une bibliographie complète des œuvres de Jean Zay et des études sur sa vie et son travail ainsi qu’un index exhaustif des noms cités, facilitant la recherche et l’étude des écrits de Jean Zay sont donnés en fin de volume. Suivis de quelques illustrations noir et blanc.
De plus, ce que nous aimons chez « Bouquins, la collection », c’est que cet éditeur se distingue par son usage du papier bible, une caractéristique particulièrement appréciée par les amateurs de livres. Ce papier très fin et léger permet de réunir un grand nombre de pages dans un volume réduit et maniable, tout en offrant une excellente durabilité et une lisibilité confortable. Le papier bible, traditionnellement utilisé pour les ouvrages de référence et les éditions intégrales, confère aux livres de la collection Bouquins une élégance et une qualité qui enrichissent l’expérience de lecture. Sa texture unique et sa transparence subtile ajoutent une dimension tactile et visuelle plaisante, rendant chaque livre un objet précieux et raffiné.
Cette édition est un hommage essentiel à Jean Zay, mettant en lumière son apport immense à la République française. Son œuvre, révélée dans toute sa diversité et sa profondeur, est un guide précieux pour comprendre et réinventer les valeurs républicaines face aux défis contemporains.
Jean Zay-Jeunesse de la République
Édition établie et présentée par Pierre Allorant et Olivier Loubes
Préface de Pascal Ory, de l’Académie française (préface de)
Bouquins la collection, 2024, 1160 pages, 33 €