jeu 26 décembre 2024 - 19:12

Masculinisme, problème du passé ou du futur ?

Les différences entre le sexisme historique de nos sociétés avec le masculinisme des jeunes est détaillé, ainsi que nos moyens d’action.

Ah, le patriarcat ? Oui on connaît. Cela fait partie des archétypes sur lesquels sont construites toutes les légendes fondatrices des religions autour du globe. Cela imprègne les modes de vie jusqu’à aujourd’hui : faute d’être basées sur l’égalité, les organisations offrent tout de même une certaine complémentarité des rôles, permettant aux clans ou familles de se procurer les ressources pour vivre, et d’assurer une protection et éducation des petits.

Maintenant que la science a permis de réduire la souffrance et procuré de la liberté pour les loisirs ou l’épanouissement de tous les individus, plein de rôles stéréotypés n’ont plus lieu d’être. Les psys ont beau indiquer que le mérite n’existe pas, c’est bien la motivation qui est le moteur principal des changements de situation sociale d’un individu dans nos démocraties. Le patriarcat, Olivia Gazalé le rebaptisait viriarcat dans son «  le mythe de la virilité », car même sans être père, l’homme bénéficiait de privilèges . On peut admettre ne pas être loin d’une égalité des droits. Mais l’opposition conservatrice à un jeu plus ouvert reste présente, ralentissant l’évolution sociétale vers une égalité dans les pratiques réelles sur le terrain. Le socle de la résistance c’est : «  l’égalité est déjà acquise , pourquoi donc continue-t-on à nous emm… avec le féminisme ? »

Comme Olivia Gazalé le montrait, le système viriarcal est générateur de souffrance chez les femmes mais aussi chez les hommes. On peut citer les homosexuels, ou tous ceux qui sont contre la compétition dure permanente en démocratie, ou simplement tout style autoritariste. Les divulgations toujours en cours de harcèlements divers à l’égard des subordonnés, dont les femmes, mais pas uniquement, vont encore faire évoluer les mentalités. Laissons la société digérer cela . Il reste des violences et des inégalités à réduire. L’indignation, si souvent titillée par les algorithmes des réseaux sociaux, peut dans ce cas se révéler utile. Espérons que les bulles cognitives créées par ces mêmes algorithmes ne feront pas rater le consensus sociétal qu’il faut viser sur ces questions.  

Mais un nouveau phénomène se fait jour, et il touche surtout la jeunesse.

Une étude s’étendant sur plusieurs années et continents a permis à Pauline Ferrari la rédaction de son livre « Formés à la haine des femmes » . Comme souvent, la tendance nous parvient depuis les USA. Les adolescents, on le sait, sont très influencés par leurs pairs. Ils cherchent en permanence l’approbation de leur cercle et pour cela doivent justifier leur « statut » auprès du groupe. Une des injonctions fréquentes du groupe c’est «  tu dois avoir plein de conquêtes et être sexuellement actif ». La tension générée par l’injonction réduit les chances de réussite des tentatives de séduction. Les adolescents frustrés se désignent comme « incels », ou célibataires involontaires . Pour se consoler, quoi de mieux que se regrouper, et rejeter la faute de l’échec sur l’autre, la fille ? On a donc vu fleurir sur internet, il y a une dizaine d’années, des forums dédiés aux incels. On y obtient de l’écoute, mais celle-ci n’est pas toujours bienveillante. On y voit du dénigrement, quand ce n’est pas de l’incitation au suicide. L’effet bouc émissaire se concrétisera par l’adoption d’un vocabulaire masculiniste et d’un ensemble de croyances basé sur les stéréotypes de genre. Les hommes sont des victimes, les femmes (toutes) des manipulatrices vénales, qui finalement aspirent à être dominées, voire violentées. Les hommes se classent en alphas, dominateurs aux multiples succès, bêtas ( les gentils qui se font exploiter et paient ), et d’autres encore. La période des forums et blogs présentait l’ avantage d’un comptage assez facile des membres  de chaque tendance. On pouvait aussi évaluer jusqu’à quel point le mouvement masculiniste ( ou « manosphère » ) s’entrecoupait avec les groupes d’extrême-droite, à fond dans les stéréotypes de genre et amateurs de hiérarchies marquées, avec les dominations qui les accompagnent.

Puis les réseaux sociaux ont pris leur essor.

Et c’est cet élément qui fait la différence du phénomène avec le sexisme ordinaire, que l’on peut espérer en voie de résorption. D’ailleurs Pauline Ferrari sous-titre son ouvrage « Comment les masculinistes infiltrent les réseaux sociaux ». Le passage des forums vers les réseaux sociaux, avec leurs effets de caisses de résonance, et les filtres cognitifs induits par les algorithmes ont permis une massification des pensées et vocabulaires masculinistes. Les taux de jeunes ayant adopté ces croyances et pratiques dépassent largement ce qui était observé précédemment. Les intervenants en milieu scolaire sont unanimes sur la question. Le pire des réseaux sociaux sur ces aspects est TikTok, que les adultes mûrs évitent, mais que les ados adorent. Les plateformes reçoivent de nombreuses injonctions en faveur d’une modération plus efficace, mais traînent les pieds car cela entraînerait une perte de revenus . Les jeunes, bombardés quotidiennement par des points de vue virilistes, sont très tentés d’adopter les points de vue manichéens proposés. Le sexiste moyen peut se disculper en montrant tant d’exemples plus radicaux que lui, sur lesquels personne ne semble réagir. Nous sommes devant une idéologie dangereusement en cours de banalisation. Elle influence nos comportements et décisions, à tous.  Ce qui devait arriver l’est déjà : le masculinisme tue. En 1989, Marc Lépine tire et tue 14 femmes à l’école Polytechnique de Montréal. Depuis, son nom est vénéré dans la manosphère, comme d’autres, responsables de tueries de masse perpétrées aux USA ou en Europe. L’antiféminisme est pointé par Europol comme risque terroriste depuis 2021.

Et nous les francs-maçons, que faire ?

Commençons par appeler un chat un chat. Notre respect des textes anciens, entre autres, nous prédispose au conservatisme, ou tout au moins à la prudence dans la promotion des évolutions sociétales. Cela est vrai dans les obédiences tradi mais aussi dans la sphère adogmatique ! Il suffit de voir que le taux de sœurs au Grand Orient de France n’a toujours pas dépassé les 20%. Bon préférer rester en mono-genre ne signifie pas sexisme. L’argument le plus crédible est le « trouble », même léger, en présence de l’autre sexe, qui pourrait gêner le libre exposé de choses intimes devant nos pairs, que notre méthode préconise. Espérons que ce n’est pas là un signe de stéréotypes de genre comme «  les femmes utilisent toute info pour garder leur pouvoir ».

Le reste se compose de comportements recommandables également aux profanes, mais notre exemplarité devrait être meilleure que dans la population générale, n’est-il pas ? 

D’abord, nous devons éviter de passer pour de vieux c… en critiquant sans relâche les réseaux sociaux favoris des jeunes. Favorisons une éducation au numérique, dont les réseaux sociaux, avec la connaissance de leurs avantages et inconvénients. Promouvons la prise de recul par rapport à nos envies, dont les algorithmes cherchent à profiter lâchement. Repérons les idéologies et leur socle de croyances, n’y adhérons qu’en pleine conscience. Auprès des garçons, expliquons que le sexisme est un fallacieux bouclier, et qu’il n’y a pas de honte à douter ou exprimer une demande d’aide. Faisons leur comprendre l’importance de ne pas rompre les dialogues , que tous les points de vue ont des aspects respectables. Enfin, qu’abrutir ses émotions à l’aide de produits addictifs n’est pas une solution, et le suicide non plus.

Allez, zou galinette !

5 Commentaires

  1. Tout d’abord reconnaissons que nous basons nos réflexions sur la guerre des sexes à partir des études américaines, A croire que notre société est la même qu’outre Atlantique. Ensuite, condamner les incels a du sens, mais comprendre pourquoi ils existent est plus utile. Posez-vous la question : une société basé sur l’individualisme, sur la victimisation, avec comme seul salut la consommation, ne sont pas des valeurs inhérentes aux jeunes hommes qui souhaitent s’épanouir. Tailler sa pierre c’est se construire, devenir le meilleur de soi même, ce qui devient difficile dans une société qui ne donne aucune place à de jeunes hommes sans repères. Et enfin : la sexualité. La femme libre n’a aucune difficulté à trouver des partenaires. L’homme ordinaire est soumis à une concurrence énorme, et beaucoup sont laissés sur le carreau. En plus ils sont très mal vu. Cet article le prouve. Bref il est temps de faire évoluer sa vision des rapports hommes/femmes. Personne ne gagnera dans ce conflit ridicule.

  2. “On sait depuis longtemps que les Américaines sont généralement plus libérales que les Américains. Mais chez les jeunes, le fossé est devenu un abîme. Selon un récent sondage de l’institut Gallup, entre le nombre de femmes et d’hommes âgés de 18 à 30 ans qui se définissent comme libérales et libéraux, l’écart est de 30 points.

    Cela s’explique en grande partie par le fait que les jeunes femmes sont devenues beaucoup plus libérales, tandis que les jeunes hommes ont moins évolué sur le plan idéologique –ou, selon d’autres analyses, sont devenus plus conservateurs et antiféministes. ”

    https://www.slate.fr/story/266413/hommes-femmes-fracture-politique-etats-unis-parti-republicain-democrate-conservateurs-liberaux-egalite-sexisme-masculinite

    La menace se confirme !

  3. Pour ceux qui critiquent le monogenre soulignons qu’il n’y a ni domination ni sexisme ni discrimination puisque les personnes sont égales à ce sujet.

  4. Merci de tes précieux éclairages chère Solange.

    La version sociologique de l’énantiodromie pourrait bien être le retournement du stigmate, très présent dans notre époque de communautarisme menaçant…

  5. ÉNANTIODROMIE ! Littéralement : la course vers l’opposé.
    Ce concept fut introduit par Héraclite d’Éphèse, pour désigner le passage brutal d’un extrême à l’extrême opposé.
    Carl Jung utilise ce mot pour désigner une loi qui décrit l’effet du revirement d’une réalité dans son contraire lorsque l’on pousse celle-ci jusqu’à sa limite ; il l’invoque pour décrire l’expérience religieuse, qui est pour lui une expérience de l’union des contraires de la psyché, que sont le conscient et l’inconscient. L’énantiodromie est le principe selon lequel la surabondance de force engendre une opposition pour rétablir un équilibre.
    La violence de certaines féministes, leur entrisme forcené, ne peut que conduire qu’à un mouvement tout aussi violent et forcené.
    L’équilibre comme justice, voilà la valeur du franc-maçon. Selon Proudhon, la personnification de l’équilibre universel [du rapport]. est le GADLU. “Il est l’architecte ; il tient le compas, le niveau, l’équerre, le marteau, tous les instruments de travail et de mesure. Dans l’ordre moral, il est la Justice” (De la justice dans la Révolution et dans l’Église, nouveaux principes de philosophie pratique : archive.org/details/delajusticedans02goog/page/212/.

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Patrick Van Denhove
Patrick Van Denhovehttps://www.lebandeau.net
Après une carrière bien remplie d'ingénieur dans le secteur de l'énergie, je peux enfin me consacrer aux sciences humaines ! Heureux en franc-maçonnerie, mon moteur est la curiosité, et le doute mon garde-fou.

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