ven 22 novembre 2024 - 21:11

Cathédrale et Dark Vador : Par Laurent Ridel

Aujourd’hui, je laisse de côté le monde des bâtisseurs. Les sujets de cette infolettre du dimanche sont :le portail de la cathédrale d’Arles. Son style est déconcertant pour une œuvre médiévale ma réponse à une question que m’a posée une abonnée sur une statue spéciale de la Viergele vocabulaire du jour consacré à la colonnel’image insolite du jour, destinée à vous prouver qu’une cathédrale et Dark Vador ne sont pas incompatibles.
Le portail de la cathédrale d’Arles
D’entrée, la cathédrale Saint-Trophime d’Arles frappe fort par son portail magnifiquement sculpté. Cependant, passé le seuil, l’église est à mes yeux assez quelconque.  Revenons donc sur nos pas et regardons plus attentivement ce portail. Est-il roman ? Est-il gothique ? Van Gogh crut avoir la réponse. En 1888, à l’âge de 35 ans, il débarqua à Arles, s’y installa et la visita de fond en comble. Il écrit à son frère Théo : « il y a un portique gothique que je commence à trouver admirable, le porche Saint-Trophime ». Hélas, Van Gogh, peintre ensorcelant, n’était pas aussi doué en histoire de l’architecture. Ce portail n’est ni gothique, ni vraiment roman. Son style est antiquisant ; il essaie d’imiter l’art antique. 
En plein Moyen Âge, les sculpteurs ont donc fait « dans l’antique ». Pour remonter le temps, ils n’avaient qu’à se promener en ville. Ancienne préfecture des Gaules, Arles conservait un amphithéâtre, des ruines et des sarcophages romains. De quoi les inspirer. 
Pourquoi l’archevêque d’Arles, au XIIe siècle, a t-il exprimé le besoin d’antiquiser le portail de sa cathédrale ? Il risquait de passer pour un homme au goût démodé. Autant se balader en sandales et en toge.  À travers la construction de ce portail, le prélat lance un message politique. Arles était réputé (à tort ou à raison) le plus ancien évêché de Gaule. Son premier évêque, saint Trophime, aurait été le cousin de saint Étienne et de saint Paul et aurait accompagné Pierre à Rome. Il serait donc le contemporain des apôtres ! L’architecture du portail proclame cette origine vénérable en recourant au répertoire artistique de l’Antiquité.  Cette démarche, nous en sommes familiers. Parcourez les rayons d’un supermarché. Combien de produits alimentaires sont emballés dans un packaging « rétro » afin de nous faire croire à l’ancienneté de la marque ou de la recette ?
La question de la semaine
Monique : Depuis un certain temps, je m’interroge sur l’origine, la signification et le caractère très peu courant de la représentation de cette Vierge à l’enfant, avec un enfant debout sur une sphère ; dans les textes (non officiels) que j’ai trouvés, elle est donnée pour dater du 18° siècle. Pouvez-vous m’éclairer, me donner une idée de sa signification et peut-être me confirmer sa rareté ? 
Moi : La statue de votre église est une Vierge à l’Enfant particulière qu’on appelle « Notre-Dame des Victoires ». Elle se caractérise par l’Enfant debout sur un globe. La Vierge et Jésus sont souvent couronnés. Ce qui n’est pas le cas ici. Notre-Dame-des-Victoires est donc une des nombreuses variantes des statues de Marie, au même titre que Notre-Dame-de-la-Salette, Notre-Dame-de-Lourdes, les Vierges de Miséricorde, les Vierges de Majesté… Pourquoi Notre-Dame-des-Victoires ? Elle fait référence à une promesse du roi Louis XIII de financer la construction d’une chapelle Notre-Dame-des-Victoires suite à sa prise de La Rochelle, ville protestante, en 1629. La dévotion à Notre-Dame-des-Victoires se développe néanmoins plus tard, au XIXe siècle, après l’institution d’un pèlerinage en la chapelle Notre-Dame-des-Victoires à Paris et sa reconnaissance par le pape. Ce type de statue devient alors assez courant dans les églises de France.  Donc, au plus tôt la statue remonte au XVIIe siècle, mais plus certainement au XIXe siècle, d’autant qu’elle me semble en plâtre. 
Le vocabulaire du jour : la colonne
Oui, vous savez tous qu’il s’agit d’un support vertical de forme cylindrique. Mais pourquoi en trouve-t-on autant dans les églises ? C’est un héritage de l’architecture antique, modèle prestigieux comme on vient de le voir sur le portail de la cathédrale d’Arles.  Comme le mur, les colonnes ont un rôle de soutien d’un plafond, de voûtes ou d’arcs, mais avec l’avantage de ne pas fermer totalement l’espace. Vous pouvez passer entre les colonnes alors qu’il vous sera difficile de passer à travers le mur (à moins que vous soyez des fantômes. Dans ce cas, je suis très fier de vous compter parmi mes lecteurs 👻). 
La colonne peut cependant se marier avec un mur. Soit elle fait corps avec le mur ; une partie de son diamètre s’y fond (colonne engagée). Soit elle se dresse contre le mur, sans y adhérer (colonne adossée).  Voici une illustration en coupe : 
Quelle est la différence entre un pilier et une colonne ? C’est très simple (en tant qu’auteur de cette infolettre, j’ai le privilège de me poser les questions que je veux et d’y répondre moi-même 😋).  Les piliers regroupent tous les supports verticaux qui ne sont pas de forme cylindrique.
Les plus attentifs d’entre vous déclareront : “Tout à fait, c’est bien un pilier à droite. Il est d’ailleurs composé d’un noyau carré et 4 colonnes engagées”. Si vous avez fait attention à ça, j’aurais réussi ma leçon de vocabulaire du jour. 🙂 
Le détail insolite de la semaine
Photo : Cyraxote/Wikimedia commons Non, il ne s’agit pas d’un oiseau, mais bien de Dark Vador, le méchant de Star Wars ! Depuis les années 1980, cette sculpture orne la cathédrale de Washington, à une hauteur telle qu’on la voit difficilement du sol. Ce n’est pas une gargouille (elle ne crache pas d’eau), mais plutôt un grotesque. Voilà une idée que seuls les Américains peuvent avoir. Malgré les nombreuses canonisations ces dernières décennies, Dark Vador ne figure pourtant pas au panthéon des saints. Qui est le responsable de cette création insolite ? Ils sont plusieurs.  D’abord, le sculpteur Patrick J. Plunkett.
Mais l’artiste ne faisait qu’obéir à la consigne du National Geographic Kids.  Ce magazine pour enfants avait organisé un concours pour ses lecteurs : ils devaient dessiner un personnage destiné à être sculpté pour la cathédrale en cours d’achèvement. Alors que la saga Star Wars bat son plein, Christophe Rader, 13 ans, choisit comme sujet Dark Vador, le terrible personnage à l’armure noire et à la respiration d’aspirateur. L’adolescent obtient la 3e place. Suffisant pour voir son dessin modélisé et reproduit en sculpture. 
A dimanche prochain, 
Laurent Ridel 

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