L’anarchie
Le libertaire
1ère partie
L’approche écologique radicale, pas en seul friselis de mode, se façonne en chacun, par un amour du vivant, sans concession. J’ai déjà citée cette attitude : la biophilie. Je vais expliquer le lien subtil à notre conscience actuelle, mais évident dans les expériences sociétales anarchisques, des deux attitudes : Devenir de plus en plus écologiste radical mène à vivre en sociétés libertaires. C’est pourquoi, nous ne pouvons pas considérer l’anarchie comme une simple forme d’organisations sociale culturelle. Tout comme l’organisation pyramidale aux effets abominables est naturelle, elle aussi. Auparavant faisons un sort au dégoût et au mépris déclenchés par l’évocation de l’anarchie, dans quasiment toutes nos têtes.
« Anarchie » est un mot exécrable ; il précipite dans nos têtes les frayeurs d’autres termes tels, émeutes, troubles, confusion, violences, dégénérescence. Alors quand la nécessité s’en fait sentir –ce n’est pas surprenant, nous l’allons voir- on lui préfère les convenus autogestion, libertaire, utopie et, avec plus d’audace, de mépris et de confusion, débauche. Dans l’organisation comme dans une sexualité débridée ; tout cela à cause des « soixante-huitards attardés, ces hippies qui nous ont retardés ! » L’anarchie est de l’ordre du tabou, à l’instar du sexe, malgré toutes les dénégations rassurantes. F. Lenoir dans une prescience pudique qui lui est habituelle, déclare : « Nous nous éloignons d’un pouvoir hiérarchique et nous nous rapprochons du pouvoir latéral ». L’anarchie n’est pas du tout le chaos. Bien au contraire, c’est un renversement extraordinaire de l’organisation pyramidale qui engendre l’état fiévreux du monde, comme le dévoile la déclaration supposée de PJ Proudhon, le père putatif du mouvement : « L’anarchie c’est L’ordre sans le pouvoir. ». Entre hiérarchie et anarchie, le hiérarque, prêtre de haute fonction chez les orthodoxes hurle car on le forcerait à devenir anar, à savoir privé de …lui ! Élisée Reclus, libertaire et Franc-maçon, (1830-1905), met les points sur le I : « L’anarchie est la plus haute expression de l’ordre ».
La démocratie elle-même, forme très aboutie de l’organisation pyramidale, chante une devise magnifique. L’air de rien elle préconise d’autres modes alternatifs. C’est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Hallucinante de grossesse anarchiste. F Lenoir est chatouillé par l’espoir, sans rien avouer, toutefois : « Désormais tout le monde est à égalité : tout le monde peut se déplacer, tout le monde peut échanger. Ainsi naissent des structures fluides, changeantes, informes, incontrôlées, au sein desquelles se forment des courants d’opinion, se transforment les consciences et les comportements ».
Le fonctionnement anarchique fait tomber la pyramide des pouvoirs ; en ce sens l’anarchie est opposée à l’État qui, selon elle, ne cesse d’exercer sa domination sur les individus. Elle préconise des réseaux de cellules humaines liées, autogérées et inter-indépendantes. Comme les écovillages, terme générique, pour désigner des groupes autogérés de cent personnes, tout au plus.
Ainsi, la meute humanimale s’efforcerait de se débarrasser de la folie du pouvoir et de la soumission concomitante : la cratophilie ou amour du pouvoir et l’arquéphilie ou besoin de soumission. Cette pyramide qui rend le terrain de la santé mondiale, favorable aux fièvres : consommation délestant les choix libres, technologies des progrès de confort de l’hyper-capitalisme, prolifération de l’espèce, directives conditionnantes, qui sont les premiers symptômes toujours les héritages de la loi du troupeau. Le fonctionnement anarchique enfin modifie la perméabilité contagieuse des peurs, de l’angoisse primordiale. Les réseaux, eux, par leur vie préhensible par les sensibilités individuelles, tendent à amenuiser ces frayeurs si puissantes et enfouies dans le collectif et l’individuel. Premiers pas sur la route : « De manière concomitante la naissance du mouvement altermondialiste et des forums sociaux, le progrès de la conscience écologique, l’essor du développement personnel, des spiritualités orientales ou de la philosophie comme sagesse, l’irruption de nombreuses initiatives de solidarité à l’échelle de la planète, comme le microcrédit, la finance solidaire ou encore, plus récemment, le mouvement des Indignés » déclare en beauté additive bienvenue, F Lenoir, si souvent cité dans ce texte. Les années 60, répétition générale. Aujourd’hui, les Indignés, les Gilets jaunes. Et tant d’autres mouvements de révolte, ci et là, dans le monde. Oui le mouvement est parti !
Il est lui-même l’héritier de, non pas une tradition, mais d’un rêve à lourdeur d’expériences, dans le passé. Des modèles théoriques, grandioses, dans leur ambition, leurs réalisations et leur influence, se diffusent partout, en pleine créativité. : l’autogestion et l’économie libérative, en amours mêlées. Elles suscitent des atterrissages concrets, démonstratifs de l’économie en anarchie :
L’autogestion d’abord, sans qu’il soit, surtout ici, question de préséance ! En voici, en pillant, comme il se doit ! Wikipédia , les traits et, par-là, les valeurs caractéristiques :
• La suppression de toute distinction entre dirigeants et dirigés,
• La transparence et la légitimité des décisions,
• La non-appropriation par certains des richesses produites par la collectivité,
• L’affirmation de l’aptitude des humains à s’organiser sans dirigeant.
En résumant quelque peu, l’autogestion s’oppose à l’idée de hiérarchie ; les responsables sont élus et transitoires. L’autorité quitte la verticale pour rejoindre l’horizontale où tous sont égaux. En inverse, le capitalisme est une forme de dépossession du bien commun au profit des « riches », les empereurs du CAC 40, en France, terre de milliardaires à l’instar des plus fortunés qu’elle. En d’autres termes, la finalité de l’’autogestion vise concrètement une réappropriation des choix du travail , de l’outil de travail et des résultats issus du travail.
Quant à l’économie collaborative, en cousinage d’autogestion, elle peut, sinon se résumer, du moins être entendue ainsi, en inspiration du site Économie Magazine: L’économie collaborative a deux visées : l’économie et le social. Elle tient sur les piliers du partage et de l’échange de biens, de services ou de connaissances entre particuliers. Elle se traduit par un échange monétaire tel que la vente, la location ou la prestation de services, ou un échange non monétaire comme le troc, le don ou le volontariat. Aujourd’hui, les « échangeurs-partageurs »se relient avec des plateformes numériques. En l’occurrence, elles sont une aubaine pour amoindrir les délais, les coûts, avec le risque toutefois que cette fluidification des échanges ne se fassent au détriment de la qualité des échanges de valeurs et de fraternité.
Autogestion, économie collaborative ne sont pas que des bannières flottant au vent creux et volatil de la réalité anarchiste et même parfois des préoccupations écologiques. L’histoire, en effet, distribue des exemples souvent convaincants mais réprimés dans le sang, par exemple par les communistes, si épris d’ordre bâillonnant. Rappels furtifs : la Catalogne et de nombreuses villes et pays, dans l’Espagne entre 1936 et 1939. Les femmes, lors de la mise en place de l’anarchie dans ce pays, nous font faire un grand pas de plus dans l’instauration de réseaux, à la place des pyramides. Elles donnèrent un exemple captivant. En prouvant qu’elles étaient sans doute, très proches des mises en œuvre concrètes de l’anarchie. Pour ce faire elles n’hésitèrent pas alors, à militer en grand nombre pour cette cause qu’elles tiennent, je le crois, plus prometteuse de paix que nos organisations de meute actuelles. La pyramide de pouvoir, une évidence pour les mâles de notre espèce ? Avec la répression sanguinolente de Franco, vendue comme une réponse juste aux violences réelles de certains anarchistes.
Je ne remonte pas à « L’Utopie », le roman d’anticipation de Thomas More (1516) ni à Libertalia, cette colonie de pirates, sur la côte malgache, où tous les biens étaient distribués également. Il suffit de vivre notre époque pour constater que les réseaux libertaires, qu’ils se réclament ou peu anarchiste ou libertaires, deviennent de plus en plus fréquents et éclairants. En phare, la communauté dite Institut d’Esalen, près de San Francisco, dont l’influence est toujours mondiale, depuis sa fondation (1962). Elle est le berceau de la psychologie humaniste et du mouvement du potentiel humain qui engendrèrent et engendrent toujours mille pratiques d’approches douces de l’humain. Je cite encore les SEL, qui se fondent sur la réciprocité, en l’absence d’argent. On en compte aujourd’hui environ 600 dans l’Hexagone. Ce qui est passionnant, avec les SEL, c’est qu’ils sont tous différents. Ils affirment dans l’article 1 de leur Charte : « Le lien est plus important que le bien ». L’animation et la créativité sont aux avant-gardes, Un mouvement à suivre de près. Adieu la pyramide, vivent les réseaux !