« Le fantasme de la toute-puissance infantile s’alimente, se nourrit paradoxalement de la déception de n’être pas l’Autre, celui qui n’a besoin de personne, d’aucun parce que, en lui-même il l’est. Et de cette déception orgueilleuse de n’être pas le corps même de la parole, naîtra le regard qui tue »
Denis Vasse – (Inceste et jalousie)
Quand on évoque la mixité, il faut bien avouer qu’il y a un petit côté « bien-pensant » qui peut nous agacer : serait réactionnaire qui prônerait un retour à une séparation des sexes. Et de rappeler les grandes luttes et les grands ancêtres de la cause : Olympe de Gouges, Maria Deraisme et le docteur Georges Martin, Annie Besant, etc.
Loin de nous l’idée de nier ou se moquer d’une démarche historique et idéologique enthousiasmante, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que cela, récité comme une prière ou une action de grâce, sert à camoufler d’autres problématiques inconscientes qui touchent le sujet plus profondément qu’un simple exposé sur une orientation politique et qui ne devient qu’une sorte de « cache-sexe », si vous me permettez l’expression !
La mixité ne s’inscrit pas uniquement dans la politique, mais soulève des problématiques beaucoup plus fondamentales qui interpellent directement les sujets : la bisexualité, la symbolisation de la maternité, la recréation de la famille comme utopie.
Risquons l’aventure de nous y pencher !…
I- du côté du Ying et du Yang.
Depuis les années 70, avec les modes orientalistes, une figure nous était devenue familière : celle de la représentation du Ying et du Yang, qui se veut le juste milieu de la sagesse et où figure une petite partie de la moitié de l’autre figure dans sa représentation, signifiant ainsi que la vérité n’est jamais « Toute », mais influencée, ou déjà pénétrée par son contraire. Outre l’aspect philosophique que revêt cette figure, elle illustre ce qu’il en est de la bisexualité chez le sujet.
Mais il y avait belle lurette que l’Antiquité nous avait fait le coup ! Dans « Le Banquet », pour ne citer que lui, Platon nous en resitue la problématique : au commencement du monde existaient des mâles et des femelles et une troisième catégorie : les androgynes qui participaient des deux précédents. Les deux précédents, monstrueusement bâtis, protestèrent auprès de Zeus qui décida de couper les hommes et les femmes en deux. Quand la nature de l’homme eut été dédoublée, chaque moitié regrettait sa propre moitié et s’accouplait à elle. Mécontent, Zeus opéra encore d’autres transformations, mais la problématique humaine demeurait : rejoindre l’aimé, se fondre en lui et elle et ainsi de deux êtres qu’ils étaient, en devenir un seul. Platon écrit (1) : « En voilà effectivement la raison : notre antique nature était celle que j’ai dite, et nous étions d’une seule pièce ! Aussi bien est-ce au désir et à la recherche de cette nature d’une seule pièce, qu’on donne le nom d’amour ». Le destin humain est désormais de rassembler ce qui est épars, pour reconstituer une unité perdue. Mais, dans la composante de l’homme, au gré des rafistolages de Zeus, les éléments se sont mélangés et demeurent des parties de l’autre sexe. Finalement, les deux sexes se retrouvent physiquement et psychologiquement dans ce qui était la troisième représentation de la nature humaine : l’hermaphrodite qui avait pour vocation de tenter de résoudre l’antagonisme entre les femmes et les hommes, fauteurs de trouble et menace permanente de mettre la cité en péril par l’ « Ubris », la démesure conduisant à la folie. L’hermaphrodite serait cet être qui ne dépendrait de personne et serait ainsi l’idéal de la sexualité. La légende nous dit qu’il était l’un des fils d’Aphrodite et d’Hermès et qu’il avait été élevé par les nymphes dans les forêts de l’Iola, en Phrygie. Il était beau et grand et, quand il eut 15 ans, il commença à courir le monde. Il voyagea à-travers l’Asie mineure et un jour qu’il se trouvait en Carie, il parvint sur les bords d’un lac d’une beauté merveilleuse où vivait une nymphe appelée Solmacis, qui en devint amoureuse, mais le jeune homme repoussa ses avances. Alors, elle fit semblant de se résigner, mais se dissimula, alors que le jeune homme se baignait dans le lac. Elle le rejoignit et s’attacha à lui. Il tenta de s’en débarrasser mais n’y parvint pas car la nymphe adressa aux dieux une prière, leur demandant de faire que leurs deux corps ne soient jamais séparés. Les dieux l’exaucèrent et les unirent dans un être nouveau à la double nature. Mais de son côté, Hermaphrodite obtint du ciel que quiconque se baignerait dans les eaux du lac de Solmacis perdrait sa virilité…
Cette histoire nous révèle que les Grecs percevaient la bisexualité de l’être humain. L’autre nous est indispensable malgré que nous ayons un peu de lui, mais pas suffisamment pour nous en passer ! L’autre nous met devant notre incomplétude, donc devant dépendance et, loin d’aspirer à cette « douceur de la complémentarité » chère aux romantiques, nous n’en gardons qu’une amertume qu’un « rien » peut transformer en agressivité. La concurrence pour l’obtention du phallus mythique (ce qui serait l’idéal de l’hermaphrodite) amène à la « guerre des sexes ». Ce qui amenait Jacques Lacan à dire : « L’amour, c’est vouloir donner ce que je n’ai pas, à quelqu’un qui n’en veut pas » !
Cette notion de bisexualité qui était présente à nouveau dans la philosophie et la psychiatrie des années 1890, c’est à Fliess à qui revient le mérite de l’avoir présenté à Freud qui va l’intégrer dans la théorie analytique. Pour Fliess, la bisexualité est un phénomène universel qui ne se limite pas à l’orientation homosexuelle (paradoxalement d’ailleurs, elle est dans la non-acceptation de la bisexualité, se voulant dans ses fonctionnements érotico-imaginaires, ou « tout homme » ou « toute femme », sans mélanges). Elle entraîne des conséquences psychologiques essentielles dont le refoulement, qui serait un conflit existant chez chaque individu entre les tendances masculines et féminines. Freud résume l’interprétation de Fliess en écrivant : « Le sexe dominant dans la personne aurait refoulé dans l’inconscient la représentation du sexe vaincu ». Il veut dire par là qu’il n’y a pas acceptation d’une part de l’autre en soi. Donc un rejet d’une partie « infamante » de l’autre et l’accentuation, jusqu’à la caricature, de traits majoritaires qu’ils soient de l’ordre de la virilité ou de la féminité.
La fameuse « guerre des sexes » se déroule déjà à l’intérieur de la personne qui veut vaincre cette part de l’autre qu’il fait tenir en lisière sans pouvoir s’en débarrasser et être un homme ou une femme « pour de vrai ». Ce combat intérieur se double naturellement de la relation à l’autre qui ravive le conflit : le partenaire est alors celui qui souligne, de par son être même, l’ambivalence. Il est celui qui aurait un plus de ce que nous avons en moins ! Et naturellement, cela circule dans les deux sens…
L’autre est ce quelqu’un qui serait un voleur en puissance, un voleur de puissance phallique et donc un danger de castration. La prévalence du phallus jouant pour l’un et l’autre sexe, hommes et femmes sont condamnés à jouer pour l’éternité ce « couple infernal » où, prêts à défendre âprement leur biens, les sujets pensent posséder ce qu’ils n’ont pas et craignent que l’autre ne vienne leur dérober.
En revanche, la bisexualité acceptée est un facteur d’équilibre, comme nous le rappelle le psychanalyste Claude Sylvestre (2) : « Ainsi on peut voir qu’en fait, la double polarité, dans son jeu pulsionnel le plus fluide possible, loin d’être une division, renforce, au contraire l’unité du sujet avec son sexe et son histoire libidinale. »
Mais la mixité nous réserve d’autres interrogations…
Ii- et si on jouait au papa et à la maman…
En Maçonnerie, comme dans le regard que nous pouvons porter sur d’autres cultures, nous constatons l’importance des rituels d’initiation comme intégration au groupe environnant. Mais force est de constater que le processus d’initiation est fait, ou fut conçu, par des hommes qui donnaient naissance à des hommes nouveaux, se réappropriant symboliquement la fonction maternelle. Quand les rituels deviennent propriétés des femmes, nous assistons au même phénomène inversé : elles récupèrent une fonction naturelle où le géniteur en serait absent. La cohabitation entre l’homme et la femme repose sur la problématique d’une immense différence : qui tient le pouvoir de la maternité et donc de la prolongation de la vie ? La femme évidemment. D’où sa déification dès les premières civilisations. L’homme protège et détruit, la femme prolonge le vivant. Elle est du côté d’éros alors que l’homme s’inscrirait assez souvent du côté de thanatos. Nous pourrions même avancer l’idée, comme le pense un certain nombre de psychanalystes, que le progrès scientifique, géré par les hommes en excluant au maximum les femmes (Voir les saga de Marie Curie ou Françoise Dolto !) serait une manière de « donner naissance à », donc, de prendre la place, symboliquement, de ce qui est du principe naturel, irremplaçable encore, malgré tous les efforts pour contourner scientifiquement le processus de la conception ! Ce que nous dit l’écrivaine Alice Fernay, auteure de « l’intimité », chez Actes Sud en 2020 (3) : « La sexualité met en jeu des forces capables de nous dépasser. La sexualité est prédation…Un autre thème brûlant est celui de la distinction entre père et mère. Les expériences et observations révèlent que le nourrisson reconnaît la différence sexuelle et recherche d’abord un visage féminin. Mais je fais aussi dire à mon personnage féministe que « l’instinct maternel latent existe chez le mâle », une observation faite par Darwin. »
Le judéo-christianisme a imposé son sceau à notre civilisation et à notre manière d’appréhender le réel de manière révolutionnaire : imposition d’une Loi symbolique, un sens à l’histoire, la différence marquée des sexes sur la base entre relation divine et relations humaines, l’inscription en négatif du monde comparé au ciel. Théorie que développera avec insistance St. Augustin dans son opposition entre la « Jérusalem céleste » et la « Jérusalem terrestre ». Mais avant le judéo-christianisme qui était le patron au ciel ?
Répondre à cette question ne couvre qu’une ridicule période de 2000 ans par rapport à l’histoire de l’homo sapiens sapiens. Avant le judaïsme, le monde vit dans un panthéon féminin. La femme est la première religion de l’homme : les premières représentations du divin sont les déesses de la fécondité. La première adorée est la terre, la mère du blé, elle incarne la maternité spontanée, la vitalité. En Crète, elle est la montagne-mère émergeant du chaos, maîtresse des bêtes sauvages et des serpents. Elle porte la lance et le sceptre et un adorateur masculin se trouve en prosternation à ses pieds. Pour les Grecs, elle est Gaïa qui donne naissance au ciel du début des temps. Pour Homère, elle est la « Mère universelle, aux assises solides, aïeule vénérable qui nourrit sur le sol tout ce qui existe » (4). D’elle-même, elle tire les hommes de son ventre. Sans l’aide d’aucun mâle elle a donné toutes les formes de vie et c’est elle qui provoque l’éclosion des fœtus dans le ventre des femmes. Les enfants ne viennent pas des hommes mais seulement de la « materia », et c’est après qu’elle les a conçus qu’ils prennent place dans la matrice des mères. Indifféremment, elle produit des fruits ou des enfants et est aussi la reine du ciel par qui les dieux sont engendrés (C’est l’exemple de la déesse Noût en Egypte). Elle est aussi la lune fertile, mère des herbes et maîtresse des femmes. Avec Isis, nous assisterons à l’élaboration d’un véritable monothéisme féminin. Plutarque écrit (5) : « Isis est dans la nature comme la nature femelle, comme l’épouse qui reçoit tous les germes productifs. Platon dit qu’elle est le récipient universel, la nourrice de tous les êtres. Plus communément on l’appelle Myrionyme, pour que la raison divine la rende capable de prendre toutes sortes de formes ». Dans cette vision, l’enfant n’est que le fruit de sa mère. Mircea Eliade explique (6) que les enfants ne sont pas conçus par le père mais que, à un stade plus ou moins développé de leur avancement, ils viennent prendre place dans le ventre maternel à la suite d’un contact entre la femme et un objet ou un animal du milieu cosmique environnent. Mais, à la base, l’enfant reste le fruit d’un contact entre le divin et le féminin. L’importance des cultes des déesses-mères dans l’Antiquité permettra sur un plan politique l’exercice du pouvoir par les femmes : par exemple le règne de la reine Hatchepsout, « le plus grand des pharaons » ou celui de Cléopâtre.
Symboliquement, c’est le péché lié à la connaissance qui va mettre fin au règne du principe féminin. Cela va se mettre très tardivement en place par l’importance que les hommes, relégués hors de la sphère spirituelle, vont donner à l’imaginaire de la toute-puissance du phallus. L’idée d’un dieu « masculin » tout-puissant va commencer à prendre forme et, au lieu d’établir un partage de la fécondation avec les femmes, les hommes vont revendiquer peu à peu la procréation comme totalement masculine : par exemple, Zeus procrée Athéna sans l’aide d’aucune femme et Yavhe non seulement n’a pas d’épouse, mais donne naissance au cosmos. Il va même jusqu’à comparer l’accouchement comme une concurrence qui mérite punition (Genèse 3, 15) : « J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur et tes désirs te porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi ». La résistance au patriarcat ne cessera jamais soit de manière souterraine comme dans la sorcellerie ou de manière religieuse dans le culte mariale par exemple : « Je vous salue Marie, mère de Dieu ». Il est évident qu’une telle histoire laisse des traces mnésiques !
La loi de l’homme sur la femme est récente et jamais assurée. Il est menacé que la femme rêve de cet ancien royaume où elle était déesse et reine. Freud posait cette fameuse question : « Mais que veut la femme ? ». Peut-être le retour à cet âge d’or où elle faisait des enfants sans hommes…
En Maçonnerie, inconsciemment, à-travers la question capitale de l’initiation se poursuit cette interrogation : « Qui donne naissance à qui et qui possède donc la clef du pouvoir symbolique ? » …
Mais parler de la conception en revient à parler du vécu familial symbolique qu’amène la mixité maçonnique.
Iii – la loge, lieu d’échange symbolique ou lieu de réparation ?
Désormais, cela fait un peu « tarte à la crème » de dire que dans énormément de cas, au-delà de l’idéologie énoncée, le sujet vise à la reconstitution d’une famille symbolique, qui serait la réparation de la sienne propre, souvent insatisfaisante, qu’elle soit celle de l’enfance ou l’actuelle. D’où l’investissement massif dans des attentes auquel le groupe n’est pas en mesure de répondre et donc la déception qui aboutit à l’acceptation de son passé et de son imperfection ou le départ vers d’autres utopies réparatrices. Le groupe qui vit la mixité est plus l’objet de projections multiples directes dans ce domaine que d’autres, où une mise en scène inconsciente est plus compliquée à mettre en place. Dans un groupe mixte, l’inconscient « ça parle » !
Le nouvel initié, à qui on redonne, « avant la lumière », le cheminement du fœtus se retrouve « à neuf » dans une nouvelle famille où il doit grandir, mais dans un grand moment de dépendance vis-à-vis de cette famille, privé de la parole, et placé dans l’alternative d’être le plus gentil possible pour survivre, comme l’enfant. Puis, il pourra parler un peu plus tard. Mais, cette parole que l’on veut sincère, vraie, nous nous apercevons que nous ne la maîtrisons pas, ni nos actions. C’est ce que constate l’apôtre Paul quand il écrit dans l’Epître aux Romains, chapitre 7 (Versets 15 à 25) : « Effectivement, je ne comprends rien à ce que je fais : ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que hais, je le fais. Or si ce que je ne veux pas, je le fais, je suis d’accord avec la loi et reconnais qu’elle est bonne, ce n’est donc pas moi qui agis ainsi, mais le péché qui habite en moi. Car je sais qu’en moi-je veux dire dans ma chair-ce bien n’habite pas : vouloir le bien est à ma portée ; mais non pas de l’accomplir, puisque le bien que je veux faire, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais ». Cette pensée paulinienne est un rude coup pour le libre-arbitre ! Mais c’est surtout le constat, avant la lettre, de l’existence de l’inconscient d’un au-delà de la volonté de bien faire qui divise le sujet…
Sujet partagé, clivé par excellence, entre son conscient et son inconscient, entre ses pulsions et les interdits nécessaires à la survie de toute société, l’homme va demander au groupe, dans ses désirs sublimés, la restauration d’une unité imaginaire qu’il n’a connu que dans le liquide amniotique, où tout était chaleur, absence de tensions et de désirs, dans ce temps où il ne faisait qu’un avec la mère. Le Nirvana quoi ! Cette vision régressive du groupe comme principe maternel supposerait que le sujet soit neutre, mais sa sexuation, surtout dans un milieu mixte, le conduit sans repos à la contradiction de sa nature et d’un idéal fusionnel, toujours remis en cause. Cela peut aller jusqu’à la négation de la différence sexuelle : « L’homme et la femme s’uniront et ne formeront plus qu’une seule chair », idéal biblique bien loin de la réalité !
La loge est aussi le lieu où l’on se sert de l’autre pour dire quelque chose de non-résolu à des personnages de son enfance, que cela soit sous forme d’aveux ou de règlement de compte. Être initié, ne signifie pas « remettre le compteur à zéro » : le groupe, au contraire, va faciliter le « retour du refoulé ». Dans une loge, nous sommes beaucoup plus nombreux que les présents : les fantômes familiaux que nous trimballons dans nos têtes sont également présents, ça fait du monde ! L’autre devient souvent un écran sur lequel je projette un film qui n’est que le reflet de ma propre histoire. Est-ce l’autre, le frère ou la sœur que j’aime ou hais ou des représentations ? Comme le dit Jean-Claude Lavie dans son ouvrage, avec humour (7) : « Et à quoi s’expose-t-on quand on aime ? Au pire évidemment ! De l’autre comme de soi ». Sortir de l’ambivalence de la projection sur l’autre suppose l’intégration en soi du concept d’altérité et accepter que le prochain ne sera jamais moi, qu’il est un au-delà de toutes mes comparaisons et avec lequel je dois vivre tant bien que mal.
De par sa mixité, une loge devient alors une alchimie, où après l’œuvre au noir, les participants attendent de voir apparaître de l’or ou que tout parte en fumée…
Iv-conclusions : la maçonnerie mixte, ce labo de l’impensable.
Avec ses frères et ses sœurs, ses figures symboliques du Vénérable paternel ou maternel, ses lois morales édictées dans les rituels, une loge mixte est une famille reconstituée dans son fonctionnement. Elle est signe d’un espoir en « quelque chose de mieux », mais aussi parfois un lieu de tension lié à une réalité ou un imaginaire qui sont la confrontation à des dimensions qui frisent parfois l’insupportable. Ce que nous dit Paul Ricoeur (8) : « Les expériences que nous conduisons dans le grand laboratoire de l’imaginaire sont aussi des explorations menées dans le royaume du bien et du mal. Transvaluer, voire dévaluer, c’est encore évaluer. Le jugement moral n’est pas aboli, il est plutôt lui-même soumis aux variations imaginatives propres à la fiction »… le philosophe nous dit indirectement que toute construction imaginaire, et la Maçonnerie en est une, n’échappe pas à l’éthique.
La Franc-Maçonnerie mixte, dimension essentielle de ce mouvement de pensée philosophique, « joue gros » en expérimentant « in vivo » des concepts capitaux pour l’avenir de la société : comment travailler et donner sens, par l’insertion dans le symbolique, à des demi-sœurs et des demi-frères en dépassant l’imaginaire par l’acceptation de l’altérité.
Dans le fond, tenter que la mixité, loin des clivages culturels ou sexués, soit l’image même de la laïcité !
Notes.
– (1) Platon : Le Banquet. Paris. Ed. Gallimard. 1967. (Page 192).
– (2) Sylvestre Claude : La part féminine chez l’homme. Paris. Revue Topique N° 40. 1987. (Page 88).
– (3) Fernay Alice : L’heureuse ambivalence de l’intime. Paris. Revue Etudes. Décembre 2020. (Pages 101 et 102).
– (4) Homère : Hymne à Déméter. Paris. Ed. Les Belles Lettres. 1951. (Traduction de J. Humbert).
– (5) Plutarque : Traité d’Isis et d’Osiris. Paris. Ed. Sand. 1995. (Page 56).
– (6) Eliade Mircea : Traité d’histoire des religions. Paris. Ed. Payot. 1964.
– (7) Lavie Jean-Claude : L’amour est un crime parfait. Paris. Ed. Gallimard. 1997.
– (8) Ricoeur Paul : Soi-même comme un autre. Paris. Ed. Du Seuil. 1997. (Page 194).