En recevant cette belle revue d’études et de recherche maçonniques – sans doute la plus belle du paysage maçonnique français (cf. page 4 « La presse parle des Cahiers de L’Alliance ») –, nous sommes immédiatement attirés par sa première de couverture.
Ne craignons pas les mots, nous qualifions les Cahiers de plus belle revue (trimestrielle) pour plusieurs raisons, souvent subjectives et dépendant des goûts de chacun, certes, mais cependant, il existe des critères objectifs que nous reconnaissons bien volontiers : qualité du contenu (articles écrits par des experts dans leur domaine), présentation et mise en page soignées avec un design attractif, utilisation judicieuse d’images – une revue d’études et de recherche qui ne puisent pas immodérément sur Wikimedia Commons – et de graphiques pour accompagner le texte (merci Numérilivre), la qualité de l’écriture (prose fluide, langage clair et accessible tout en étant riche et stimulant intellectuellement), pertinence des sujets, etc.
Rappelons aussi que pour sa pour sa cinquième saison, les Cahiers étaient placés sous le regard de Ludwig Van Beethoven, « ce génie passionné de fraternité », cette nouvelle saison s’ouvre une photo d’un détail de la tête en marbre de carrare de saint Jean-Baptiste de l’artiste et sculpteur polonais Igor Mitoraj (1944-2014), reconnu internationalement pour ses sculptures fragmentées du corps humain, souvent créées pour de grandes installations publiques (en France, vous pouvez observer « Le Grand Toscano », un buste de bronze exposé à La Défense, dans les Hauts-de-Seine).
Au cours de sa carrière, il a travaillé avec différents matériaux comme la terracotta et le bronze, mais après un voyage à Carrare en Italie en 1979, il a commencé à utiliser le marbre de Carrare comme son principal médium.
Igor Mitoraj a créé une sculpture représentant la tête de Saint Jean-Baptiste qui a été offerte aux commissaires chargés de la réalisation de deux portes en bronze pour la cathédrale Santa Maria degli Angeli et dei Martiri à Rome. Mitoraj est connu pour son approche fragmentaire des personnages et des dieux, inspirée de la tradition classique mais introduisant une touche post-moderne avec des membres tronqués, soulignant les dommages subis par la plupart des sculptures classiques authentiques.
Présenter un cahier
d’une obédience est aussi l’occasion de revenir sur celle-ci. Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (GL-AMF), dite L’Alliance, est une obédience maçonnique française qui s’est constituée en 2012. Aujourd’hui, en termes d’effectif, elle compte près de 15 000 frères, ce qui la place parmi la plus importante
, la cinquième, de l’échiquier français. L’ignorer serait faire preuve de mauvaise fois ! Pour mémoire, elle est issue d’une scission d’avec la Grande Loge Nationale Française (GLNF) à la suite de divergences internes et de crises de gouvernance. La GL-AMF se veut être une obédience respectant les traditions maçonniques régulières tout en s’ouvrant à des perspectives contemporaines.
Le Convent de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française avait lieu ce week-end à Lille.
À l’occasion de leur dernier Convent, qui avait lieu à Lille les 21 et 22 octobre 2023, le vénérable frère Pierre Lucet a été élu grand maître.
Un numéro consacré à la Joie. Pourquoi ?
L’éloge d’un sujet est généralement rédigé dans le but de célébrer, de commémorer ou de souligner les qualités remarquables d’un concept ou encore d’une idée. Cet éloge peut servir à inspirer les autres, préserver sa mémoire mais surtout, ici et maintenant, promouvoir cette valeur et les comportements vertueux qu’elle engendre, dite aussi ‘émulation’.
Rappelons qu’en littérature, en rhétorique et dans les discours, l’éloge est un moyen d’exprimer l’admiration et le respect, et de renforcer les liens sociaux et culturels.
C’est sans doute le but avoué puisque nue dans son avant-propos « La Joie unique et simple » Fred Picavet, grand maître sortant élu depuis 2021, nous l’écrit : « État ou émotion ? […] Spinoza distingue notamment les joies passives que Bergson qualifie de « plaisirs », venant de causes extérieures qui sont du domaine des émotions, et les joies actives venant de l’intérieur qui concourent, après nous être libérés des affects de l’immanence, à nous aider à atteindre l’état de « joie parfaite » pour entrevoir la transcendance dans un consentement total à la vie. […] Cultiver la Joie parfaite, c’est apprendre à vivre et finalement la joie, c’est de vivre, n’en déplaise au rabat-joie. »
Dans le contexte de l’éloge de la joie au sein de la franc-maçonnerie, la GL-AMF, comme d’autres obédiences, place la fraternité et les valeurs humaines au centre de ses préoccupations. La joie, dans cette perspective, peut être considérée comme une partie intégrante de l’expérience maçonnique offerte par l’Alliance. Elle se manifeste dans les divers aspects de la vie de toutes ses sept Maisons des Rites et loges : cérémonies, travaux de loge, grande convivialité et belle camaraderie, engagement humaniste, désintéressement des membres dans une course immodérée pour les honneurs et pour cette maladie nommée cordonnite… L’Alliance, dans son approche de la joie, peut donc être vue comme une obédience qui, tout en respectant la tradition, intègre cette émotion positive en tant que composante essentielle de l’épanouissement personnel et collectif de ses membres.
Finalement tous les travaux proposés à la sagacité du lecteur convergent vers un même centre, l’éloge de la Joie dans les civilisations à travers l’histoire et la philosophie…
Dans l’Antiquité, les Grecs anciens, par le biais de leurs mythes, festivités et philosophies, ont souvent célébré la joie, notamment dans les cultes de Dionysos, dieu de la vinification, de la vigne, des excès, de la folie joyeuse et du renouveau. Chez les Romains aussi, la joie était au cœur de nombreuses fêtes et traditions, comme les Saturnales, une période de fête où les rôles sociaux étaient inversés et où régnait une atmosphère de bonheur généralisé. Sans oublier les traditions orientales. Dans l’hindouisme, la joie est souvent associée à l’expérience spirituelle de l’ananda, un état de béatitude intérieure et le bouddhisme ne parle-t-il pas de la joie comme d’une composante de la quête du nirvana, un état libéré de la souffrance.
Les cultures mais aussi les religions avec, dans le judaïsme, la joie comme élément central de nombreuses fêtes, comme la célébration de Pourim et dans le christianisme, la joie comme d’un fruit de l’Esprit, une manifestation de la grâce divine. Quant à l’islam, la joie se trouve dans la soumission à la volonté de Dieu, la pratique de la charité et les célébrations de fêtes telles que l’Aïd.
Et dans les philosophies modernes et contemporaines, les Lumières européennes ont mis en avant la poursuite du bonheur et de la joie comme droits fondamentaux de l’homme. La philosophie existentialiste reconnaissant même la joie comme un acte de rébellion contre l’absurdité de l’existence…
Et au sein même de nos pratiques maçonniques, nos rituels, symboles et enseignements ne portent-ils pas une attention particulière à la notion de joie, bien que cela puisse ne pas être immédiatement apparent ? Nos communautés où les frères se réunissent non seulement pour travailler mais aussi pour partager des expériences de vie ne créent-ils pas un sentiment de joie et d’appartenance. Les agapes ou Banquet qui suivent les tenues sont bien des moments de convivialité et de joie, renforçant les liens fraternels. Et bien que nos rituels soient sérieux et contemplatifs, ils sont également célébrés comme des moments d’élévation personnelle et collective qui peuvent être source de grande joie intérieure.
D’ailleurs, l’initiation ou la réception d’un profane et les différentes augmentations de salaire sont bien des occasions de célébration et de joie pour le frère ou la sœur concerné et pour la loge tout entière ! Il en aussi ainsi de la quête de la connaissance et de la sagesse, centrale du moins nous semble-t-il dans l’art royal, et non pas seulement ce que nous qualifions de maçonnerie pot-au-feu, ce rassemblement de personnes que l’on voit trop souvent dans certaines structures administratives ne venant que pour boire et manger. La recherche et la découverte de nouvelles vérités sont souvent accompagnées d’une joie intellectuelle et spirituelle.
Il en est sûrement aussi ainsi des discussions et échanges lors des tenues, où encore à l’agape, pouvant mener à des moments de révélation et d’inspiration qui sont source de joie pour les membres. Une joie qui s’exprime dans des œuvres de charité et des actions philanthropiques qui restent toujours des aspects fondamentaux de la franc-maçonnerie. Cette
aide apportée aux autres, cette bienfaisance, est une source de grande satisfaction et de joie pour les maçons.
Ce dernier opus de L’Alliance est bien une invitation à la Joie.
Ne boudons pas notre plaisir et goûtons -la
! Avec, au sommaire :
Fred PICAVET – La Joie unique et multiple…
Francis BARDOT – La Joie du Franc-maçon ou l’hymne à Sagesse, Force et Beauté Gaston
Paul EFFA – Invitation à la Joie
Mina DJAAD – La joie de Spinoza
Jean-Pierre THOMAS – Joie et Religions
Annick DROGOU – Sens, sensation, sentiment en Franc-maçonnerie
Richard BACIN – Dans le Japon traditionnel : la joie autrement
Jacques di COSTANZO – Joies et peines vécues par un médecin
Jean DUMONTEIL – Méditation sur le mystère de la Joie
Et avec Jean Giono (1895-1970) qui, dans ce roman-poème Que ma joie demeure (Éd. Grasset, 1935) chantait tous les bonheurs de la terre, de la nature, nous ajoutons qu’elle demeure et grandisse en nous mais aussi parmi les autres hommes. Après tout, l’écrivain et cinéaste ne mettait-il pas
en exergue la mise en commun des biens ?
Cahiers de L’Alliance n° 16 – Revue d’études et de recherche maçonniques
Éloge de la Joie – sentiment, souffle et vertu
Collectif – Éditions Numérilivre, 2023, 120 pages, 20 €
À commander sur Eosphoros ou chez Numérilivre, l’éditeur.
Au rythme de 3 numéros par an, les « Cahiers de L’Alliance » sont édités par la Loge nationale de recherche de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française.
Directeur de la rédaction : Jean DUMONTEIL – Rédacteur en chef : Jean-Claude TRIBOUT
Contact : Jean-Claude TRIBOUT – 06 76 68 78 21 – cahiers.alliance@alliance.fm