De notre confrère madame.lefigaro.fr – Par Victoria Hidoussi
Fondatrice de la marque de maquillage du même nom, elle vient d’annoncer sa conversion au christianisme sur ses réseaux sociaux. Mais certains remettent en question l’authenticité du baptême de cette ancienne adepte des pratiques ésotériques. Portrait.
«Katherine von Drachenberg, par ta profession de foi en le Seigneur Jésus-Christ et en obéissance à son commandement divin, je te baptise, ma sœur, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit», proclame le pasteur devant son assemblée, avant de plonger la nouvelle convertie dans un bain d’eau bénite. Chevelure jais, yeux fardés de noir, ongles laqués de couleur ébène, visage tatoué, rouge à lèvres rouge-brun… Le look de «Kat Von D» détonne dans cette église baptiste située à Vevay, dans l’Indiana. Et la vidéo de ce sacrement hors du commun, visionnée plus de 5 millions de fois sur le compte Instagram de la principale intéressée, a choqué aussi bien ses fans que la communauté chrétienne, suscitant un véritable débat dans les commentaires sur le réseau social. Et pour cause : la vie de la tatoueuse amatrice d’univers macabres pourrait sembler incompatible avec le milieu religieux. Pourtant, sa conversion n’est peut-être pas aussi inattendue qu’elle n’y paraît. En effet, depuis quelques années, la femme d’affaires de 41 ans laissait planer la volonté d’un changement de vie radical.
Une enfance traumatisante
Son tempérament rebelle s’est forgé dès son plus jeune âge. C’est à Montemorelos, une petite ville de l’État de Nuevo Leon au Mexique, qu’est née Katherine von Drachenberg de son vrai nom. Fille de parents missionnaires et membres de l’Église adventiste du septième jour, elle grandit dans un milieu plutôt conservateur. «Nous étions pauvres et ne prenions pas beaucoup de vacances», raconte-t-elle dans un article paru dans le magazine britannique Times en avril 2022. «Quand j’avais cinq ou six ans, nous avons déménagé en Amérique. Nous vivions à San Bernardino, une petite ville à deux heures à l’est de Los Angeles. C’était assez désertique et il ne s’y passait pas grand-chose : il n’y avait ni Starbucks ni aucun magasin de grande chaîne». Tout bascule le jour où un thérapeute familial recommande un traitement scolaire spécial pour Kat. En cause : la jeune fille commence à «écouter de la musique punk-rock» et à s’habiller «un peu différemment des autres enfants de l’école ou de ceux de l’église». Elle confie elle-même qu’elle était considérée comme le «mouton noir» de la famille : «à l’âge de 15 ans, j’ai été envoyée dans le même établissement pour adolescents en difficulté dans l’Utah que celui où Paris Hilton s’est rendue et j’ai été exposée à la manière choquante dont ils traitaient les élèves. Je suis surprise qu’il soit encore ouvert : ce fut la période la plus traumatisante de ma vie», poursuit-elle, faisant référence à l’établissement Provo Canyon School, où Paris Hilton dit effectivement avoir été victime de toutes sortes «d’abus». «J’ai passé ces six mois traumatisants de mon adolescence pour en repartir avec un syndrome de stress post-traumatique majeur et d’autres traumatismes dus aux protocoles non réglementés, contraires à l’éthique et abusifs de cette école», a déclaré Kat Von D dans une longue vidéo postée sur Instagram en octobre 2020, révélant notamment qu’elle y avait été enfermée «sans jamais voir le soleil».
Alors qu’elle abandonne sa scolarité pour se lancer dans une carrière de tatoueuse, le personnel encadrant tente même de la dissuader de poursuivre sa vocation en lui faisant croire qu’elle est séropositive. «Ils m’ont dit que j’avais contracté le VIH à cause d’un tatouage, et cela après avoir fait une analyse de sang, de selles, d’urine et tout cela. Donc vous êtes assis là avec quelqu’un que vous pensez qualifié, mais qui absolument n’a aucun diplôme», déplore-t-elle dans un épisode du podcast de Paris Hilton, Trapped in Treatment , diffusé en mars 2022. Elle passe son adolescence en pensant posséder ce virus potentiellement mortel, jusqu’à ce qu’elle fasse un nouveau test à 18 ans qui infirme le diagnostic de l’école. Dans sa vidéo à cœur ouvert sur Instagram, elle affirme que cette expérience a été «la racine» de son alcoolisme et de sa consommation de drogues futurs.
Ascension fulgurante
C’est lorsqu’elle déménage à Hollywood, à l’âge de 17 ans, que la jeune Katherine retrouve une certaine liberté. «L’aspect musical m’a séduit, ainsi que le fait que l’art y soit tellement cultivé. C’était accueillant pour les étrangers et j’ai finalement réussi à m’intégrer», poursuit-elle dans l’article du Times, se réjouissant de ne plus être considérée comme une «dingue» dans cette ville éclectique. Après des débuts à la télévision dans l’émission américaine dédiée aux tatoueurs Miami Ink, elle lance sa propre télé-réalité en 2007, LA Ink, qui suit l’évolution de son salon à Los Angeles, High Voltage Tattoo. Le look de la boutique – tapisserie rouge, bougies dégoulinantes, crucifix, logo à tête de mort – donne le ton. C’est à cette époque que sa notoriété grandit de façon fulgurante. «Il y a des bus touristiques qui passent tout le temps devant le magasin. Les gens sont obsédés par elle. C’est fou», racontait Ashton Williams, responsable des produits dérivés du salon à l’époque, dans une interview au média Racked en 2017. «Nous avons tout le monde, des grands-mères d’Angleterre aux punks rockers. (…) Les gens font la queue devant les vitrines du magasin et regardent quand Kat est en train de tatouer. Elle tatoue à la vue de tous sur l’une des tables installées dans la boutique décloisonnée.» Son succès est tel que sa liste d’attente de rendez-vous s’étend sur plusieurs années, l’obligeant à refuser des demandes pour rattraper son retard.
En 2007, elle établit le record du monde Guinness du plus grand nombre de tatouages sur une période de 24 heures, en gravant 400 logos de Los Angeles sur autant de personnes. Certaines ont fait la queue 48 heures à l’avance pour tenter de se faire tatouer par Kat, à tel point que la police a dû disperser une foule de plus de 1.000 personnes, selon la World Record Academy.
Pionnière de la cosmétique sans cruauté animale
Celle qui se définit comme «un véritable bourreau de travail» et qui n’a «jamais pris de vacances» veut aussi conquérir le monde de la beauté. Maquilleuse passionnée, elle se professionnalise en fondant sa propre marque de make-up éponyme l’année suivante, «Kat Von D Beauty», aux couleurs de son univers rock et gothique. À cette époque, cette militante pour les droits et le bien-être des animaux révolutionne la cosmétique cruelty-free et commence également à ouvrir la voie vers la notion d’inclusivité. En 2016, la gamme devient même purement végane, retirant du marché tous les produits contenant des ingrédients d’origine animale. Son entreprise, qui devait générer 2 millions de dollars de ventes au détail chez Sephora aux États-Unis la première année selon les prévisions, accumule finalement 12 millions de dollars, d’après les informations de WWD . L’un de ses tout premiers lancements, le rouge à lèvres Studded Kiss dans la teinte «Lolita», devient même le tube le plus vendu du distributeur en 2015, comme le rapporte l’édition américaine de Glamour à l’époque. Lorsque sa ligne arrive enfin chez Sephora en France en 2017, le succès est toujours au rendez-vous : le public est tout aussi friand de la qualité de ses produits longue tenue et ultra-pigmentés… comme des tatouages.
Demeure de sorcière
Si l’esthétique de ses créations plaît, son style de vie atypique intrigue. Son goût pour les forces occultes et les pratiques ésotériques (sorcellerie, tirage de tarot, magie Wicca…), ainsi que son domicile insolite ont des airs de décor d’une série d’Halloween. En effet, en 2016, elle fait l’acquisition d’un manoir gothique qui ressemble à s’y méprendre au château de Dracula : située dans le quartier de Windsor Square à Los Angeles, cette maison de l’époque Victorienne en briques rouge et aux toitures ébène se dresse devant un jardin taillé en labyrinthe. La demeure cache même une piscine rouge sang accessible par une porte secrète.
Entretenant le mythe, le 2 juin 2018, elle scelle son union avec Rafael Reyes, un membre du groupe rock gothique californien Prayes, lors d’une cérémonie pour le moins… non conventionnelle. Vêtue d’une robe de mariée rouge et parée de cornes dans les cheveux, la mariée débarque dans une salle pourpre extravagante, décorée de bougies en lévitation, de roses noires et autres cranes posés sur les tables, devant ses invités tous vêtus de noir de la tête aux pieds. Le moment a été immortalisé dans une vidéo postée sur Youtube qui cumule plus de 2 millions de vues à ce jour.
Rupture avec le monde de la beauté
Star du tatouage, femme d’affaires au sommet de sa gloire, épouse comblée… Kat Von D semble avoir sa vie bien en main. Pourtant, les premiers signes avant-coureurs d’un changement radical apparaissent en 2020, lorsqu’elle décide de vendre son enseigne de cosmétiques à Kendo, filiale du groupe de luxe français LVMH. «Je ne peux pas mener de front tous ces projets à 100%. C’est pourquoi, j’ai décidé de quitter mes fonctions de fondatrice (et de toutes autres responsabilités) au sein de Kat Von D Beauty, et de vendre l’intégralité de mes parts à Kendo, mon partenaire depuis douze ans», expliquait-elle dans un communiqué officiel en janvier 2020. Quelques jours plus tard, dans le podcast «Second Life», elle avouait qu’avec l’âge, elle n’était plus certaine «de trouver sa place» dans l’industrie de la beauté. «Il s’agissait de créer une plateforme pour nous, les marginaux, et nous avons été la première marque à réellement exprimer l’inclusivité. Il s’agissait de ne pas correspondre à ce qui est attendu et aux idéaux de la société en matière de beauté», rappelle-t-elle, regrettant que ce monde soit désormais rempli «d’influenceurs qui vous disent continuellement que vous devez acheter, et si vous ne le faites pas, vous n’êtes pas cool… Ou bien, qui vous disent “Voici à quoi la beauté doit ressembler”… Vous voyez, cela me ramène à ce que je ressentais quand j’étais enfant, en quelque sorte.» Elle admet également s’être «beaucoup éloignée, en partie volontairement» du monde des cosmétiques depuis la naissance de son fils Leafer Von D Reyes, en 2018. Kat Von D s’est aussi consacrée à ses deux nouveaux projets ; d’une part, sa marque de chaussures véganes, et d’autre part, sa carrière dans la musique, en lançant son premier single en 2021, Exorcism.
De l’ombre à la lumière
Le tournant s’opère véritablement en juillet 2022, lorsque Kat Von D annonce qu’elle prend définitivement ses distances avec toutes ses activités liées à l’occultisme. Elle publie sur Instagram des photos de ses grimoires, tarots, livres sur le satanisme et autres objets de curiosités funèbres en annonçant avoir «pris conscience de choses assez significatives». «Aujourd’hui, j’ai parcouru toute ma bibliothèque et j’ai jeté des livres qui ne correspondent pas à qui je suis et à qui je veux être. J’ai toujours trouvé la beauté dans le macabre, mais à ce stade, je devais simplement me demander : “Quelle est ma relation avec tout ce contenu ?”», a-t-elle écrit dans ce post Instagram. «La vérité est que je ne veux tout simplement pas inviter ces choses dans la vie de notre famille, même si elles sont déguisées dans de belles couvertures, ramassant la poussière sur mes étagères.» Elle évoque même pour la première fois une éventuelle conversion : «En ce moment, il n’a jamais été aussi clair pour moi qu’il y a un combat spirituel en cours, et je veux m’entourer, moi-même et ma famille, d’amour et de lumière.»
J’ai toujours trouvé la beauté dans le macabre, mais à ce stade, je devais simplement me demander : “Quelle est ma relation avec tout ce contenu ?”KAT VON D
Elle ferme également son salon de tatouage historique de Los Angeles, puis met en vente son fameux manoir en janvier 2022. Sur ses réseaux sociaux, Kat confirme à ses abonnés que sa famille et elle déménagent définitivement dans l’Indiana, où elle prévoit d’ouvrir un nouveau studio privé. Le couple a acheté et rénové une nouvelle demeure, où il réside désormais.
Transformation physique
Prouvant que son changement d’état d’esprit n’est pas qu’une remise en question passagère, Kat Von D prend une décision encore plus radicale. Elle annonce sur Instagram en juin 2022 qu’elle souhaite faire disparaître ses propres tatouages. Ou plutôt, les dissimuler… sous une couche d’encre noire. «C’est extrêmement rafraîchissant pour moi de voir tous ces tatouages, que j’avais gribouillés sur ma jambe en état d’ivresse avant de devenir sobre, être recouverts par l’élégance et la simplicité», écrit-elle sur le réseau social, dévoilant une première ébauche de son camouflage.
En octobre 2023, après 17 séances et près de 40 heures de travail plus tard, elle annonce avoir terminé «à environ 80 %» le noircissement de son corps». «J’ai eu beaucoup de tatouages qui représentaient une partie de ma vie et qui ne correspondent plus à qui je suis aujourd’hui. Certaines personnes acceptent de garder ces types de marques – personnellement, j’en ai eu marre de me réveiller et de voir ces souvenirs constants chaque fois que je me regardais dans un miroir», raconte-t-elle dans son nouveau post. Elle précise qu’elle avait déjà essayé de retirer ses tatouages au laser, avant de se rendre compte qu’elle «n’était pas la bonne candidate» pour cette méthode, «compte tenu de la quantité» de dessins qu’elle souhaitait faire disparaître.
Conversion controversée
Ultime étape de sa transformation, Kat Von D révèle ainsi sa conversion au christianisme sur Instagram le 3 octobre 2023, par le biais de la fameuse vidéo de son baptême, devenue virale. Les images n’ont pas manqué de faire réagir vivement les internautes, très partagés par cette annonce dans les commentaires. «C’est vraiment triste pour moi donc je me désabonne», «Quelle blague», «Combien t’ont-ils payé pour réaliser cette vidéo déchirante ?», «Cela ressemble tellement à une mise en scène», «Je ne pensais pas que tu pourrais être encore plus pathétique», «Tout ceci n’est probablement qu’un coup de publicité pour qu’elle essaie de rester intéressante», «C’est la chose la plus bizarre qui soit, quitter la sorcellerie pour un culte semble inutile», lui assènent ses détracteurs, pour n’en citer que quelques-uns. Heureusement, la nouvelle baptisée peut compter sur les louanges de nombreuses personnes de la communauté chrétienne. «Félicitations ! Je suis tellement heureuse pour toi», «Si fière de toi et de ton engagement public envers le Christ !», «C’est tellement beau ! Bienvenue dans la famille ma sœur», «La meilleure chose que j’ai vue sur Instagram depuis très longtemps ! Jésus change tout !», «Que Dieu te bénisse !», Dieu soit loué, je prie pour toi ma sœur», «C’est magnifique, merci d’avoir partagé cela publiquement», peut-on lire notamment de leur part.
Je ne me sens pas vraiment qualifiée pour être l’exemple du christianismeKAT VON D
Quelques jours après son post, Kat Von D a pris la parole sur Instagram en réponse à toutes les réactions et questions qu’elle a reçues. Dans cette vidéo de 12 minutes, elle prévient d’abord qu’en dehors d’un podcast, elle ne parlera «probablement pas beaucoup» de sa foi sur la Toile à l’avenir et qu’elle ne compte pas devenir un porte-parole de la religion. «Je ne me sens pas vraiment qualifiée pour être l’exemple du christianisme. Je suis encore en train d’apprendre, ce faisant, je deviendrai plus apte», explique-t-elle, avant de clarifier : «Donc, si vous avez commencé à me suivre parce que vous pensez que cela deviendra une sorte de plateforme chrétienne, cela n’arrivera pas.»
«Les chrétiens étaient les pires»
Katherine évoque ensuite la vague de négativité que cet événement a aussi engendrée. «Je sais que la majorité de mes fans et de mes abonnés ne sont pas chrétiens, je sais que c’est une déception pour beaucoup de gens. Je sais que chacun suit son propre chemin et que ce n’est pas pour tout le monde», confie-t-elle, «mais mon baptême était une démonstration publique de là où j’en suis avec ma foi, pour que les gens sachent que je n’ai pas honte.»
Si vous pensez que je ne suis pas chrétienne tant que je ne supprime pas tout ce que j’ai posté avant, ou que je dois arrêter d’écouter The Cure… Vous vous trompezKAT VON D
Elle déplore ensuite que la plupart des critiques reçues venaient de ses pairs. «On pourrait penser que la haine venait des gens qui sont contre la religion ou la chrétienté, alors qu’en fait, c’étaient vraiment les chrétiens qui étaient les pires», regrette-t-elle. Accusée de vouloir faire le buzz, elle rétorque : «Ce qui revenait sans cesse dans les commentaires, c’est que je faisais semblant, et que c’était juste un coup de promo pour avoir des clics, des abonnés ou des vues. Ce qui est très bizarre, car mon compte Instagram n’est pas monétisé, donc je ne suis pas payée». Elle s’étonne également des jugements sur son apparence physique et son accoutrement durant la cérémonie. Car Kat Von D a conservé ce trait d’eye-liner noir XXL, ce rouge à lèvres rouge, cette coloration noir corbeau ou encore ces tatouages en forme de pluie d’étoiles sur le visage qui la caractérisent tant. «Il y a une certaine esthétique stéréotypée et une façon de s’habiller chez les chrétiens, mais je ne me parerai jamais comme ça», clame-t-elle. Et de conclure : «Si vous pensez que je ne suis pas chrétienne tant que je ne supprime pas tout ce que j’ai posté avant, ou que je dois arrêter d’écouter The Cure… vous vous trompez.» Ainsi soit-il.