Le dictionnaire définit la Chevalerie comme une « institution militaro-religieuse, propre à la noblesse féodale. Les règles de la chevalerie étant la bravoure, la courtoisie, la loyauté, la protection des faibles ». D’où l’adjectif « chevaleresque » qui évoque une personne moralement généreuse. La littérature du même nom va dans ce sens qui valorise l’honneur, la dignité, la fierté, la grandeur. A remarquer qu’Honoré de Balzac, lui, ne se joint pas à ce concert de louanges en exprimant, disons, quelques réserves qui lui font écrire : Cette espèce d’honneur chevaleresque qui, à l’armée, fait excuser les plus grands excès !
Il ne fait pas de doute que, dans les faits, « sur le terrain », l’écrivain nous renvoie inévitablement aux Croisades. Que nous dit ( et ne dit pas toujours !) l’histoire ? :
Une guerre juste ?!
Ces Croisades sont au vrai le résultat de guerres précédentes qui ont enflammé le bassin méditerranéen. Les conquêtes musulmanes conduisent notamment les arabes jusqu’à Tolède en 711 et Poitiers en 732. Où Charles Martel les arrêtent. Puis suivront Pépin le Bref, son fils, et Charlemagne, son petit-fils, qui, l’heure décidée et venue d’une revanche, veulent créer un empire chrétien unifié.
Partant, ils déclenchent une suite de conflits armés contre les provinces du sud, en Lombardie notamment, puis jusqu’en Orient, avec l’appui des Papes successifs. Une courte « Trève de Dieu » s’installe, mais couve l’idée d’une « guerre juste » (argumentation d’Augustin !) contre les « infidèles ».
Une prétendue guerre juste qui sera positionnée géographiquement au XXIème siècle débutant, comme « l’axe du mal » par le Président des Etats-Unis d’Amérique, quand il décide, en 2003, l’envahissement de l’Irak !
Mais revenons à notre propos, les Croisades. Sous le prétexte de défense nécessaire du tombeau du Christ, le pape Urbain II lance la 1ère Croisade, en 1095.
Les Croisés – ces soi-disant soldats courtois et protecteurs – massacrent au passage les communautés juives de Trèves, Mayence, Cologne et Ratisbonne ! Ils arrivent à Jérusalem le 15 juillet 1099, où ils massacrent à nouveau les « Infidèles » Sarrazins, les Juifs et les Musulmans, pendant 3 jours !
Trois Ordres, trois désordres
Huit Croisades sont ainsi organisées entre 1095 et 1270. Les Chevaliers en cause sont sacralisés, gratifiés d’indulgence plénière, avec une promesse de salut éternel ! Les Papes successifs les assurent que ces Croisades « sont agréables à Dieu » ! Pour financer les expéditions, cette papauté autorise le rachat des voeux et fait confisquer les biens juifs !
Trois Ordres sont présents sur les théâtres d’opérations. L’Ordre des Hospitaliers de Jérusalem (qui deviendront les Chevaliers de Malte), l’Ordre des Chevaliers du Temple (les Templiers dits « les pauvres chevaliers du Christ), et les Chevaliers Teutoniques. Trois Ordres, autant de désordres sanglants ! Juste retour de la guerre juste…ces ordres religieux seront finalement chassés des terres d’Orient en 1244, par le Turc Saladin.
Les Templiers se replient alors dans leurs commanderies en France et leur Ordre sera dissout, après la mort sur le bûcher de Jacques de Molay, en 1307. Seul subsiste aujourd’hui l’Ordre de Malte, devenue une très riche organisation humanitaire (une façon de se racheter !) contrôlée par le Vatican. Les Chevaliers Teutoniques, eux, se sont reconvertis en une petite association allemande de bienfaisance.
Bilan de cette meurtrière et sinistre aventure : Les Croisades sont reconnues par tous les historiens, tel un « désastre politico-éclésial ». Et nombreux s’accordent à dire que l’attentat du 11 septembre 2001 contre les « Twin towers » de New York ouvrent une suite à ces Croisades, avec un nouveau type de guerre : le terrorisme.
La pulsion de mort
Les Croisades, auxquelles il faut bien donner le qualificatif de « guerre », portent à réfléchir, précisément sur ce concept de « guerre », malheureusement toujours d’actualité. Il semblerait bien que l’homme porte en lui – outre cette pulsion de mort pointée par Freud- une « pathologie du ressentiment » (génétique ?) par fixation sur un ennemi désigné ou à désigner.
Le conflit engagé donnerait ainsi à « l’homme en groupe » un sentiment (artificiel) de puissance avec l’élargissement illusoire de ses capacités de domination (à défaut de pouvoir agir sur les éléments ou un « créateur » !).
On peut aussi parler aujourd’hui d’une « pathologie de la religion », au nom d’un Dieu qui porte trois noms différents. Il y a évidemment en cause une « peur de l’autre » (« Dieu apparaît dans l’effroi », affirme Heidegger).
La Chevalerie de l’esprit
Qui dit « guerre » dit ennemis face à face, puis affrontement. Et à la fois, actions réciproques et principe mimétique (cf travaux de René Girard). Le modèle devient imitateur à son tour et entraîne un conflit redoublé des deux rivaux. Sans fin, parce que dans ce jeu à somme nulle, l’agresseur a déjà été agressé !
Il faut bien le dire, la guerre, c’est l’échec de « la raison grecque » devant l’irrationnel, c’est à dire « la vengeance interminable ».
Que peut prétendre proposer ici l’initié (e), pour sa part, membre aux mains ouvertes de la « Chevalerie de l’Esprit » qui s’exprime symboliquement en franc-maçonnerie ?!
Les mythes et les rites sont les seuls moyens que l’Homme a trouvés pour « retarder » la violence (contenue dans la mimesis). Nous connaissons bien ce domaine, avec l’architecte Hiram, victime émissaire, dont la mort a été nécessaire, pour que se poursuive la construction du temple.
Il est clair que nous manquons de mythes modernes. La franc-maçonnerie n’aurait-elle pas précisément un rôle à jouer pour combler ce manque ?
On se demande souvent ce que le franc-maçon peut faire dans la Cité. Y instaurer ou réinstaurer « le sens du sacré » (qu’il soit laïque ou religieux) serait certainement…une authentique démarche chevaleresque !
L’amour de l’autre (Caritas) passe par cette sacralité.