sam 23 novembre 2024 - 08:11

Maçonnerie et psychanalyse – Similitudes et différences

Un mode opératoire s’impose d’emblée : Si l’on veut effectuer un rapprochement comparatif « Franc-Maçonnerie et Psychanalyse » il convient de considérer les deux disciplines dans leur pratique même. Pour mieux les appréhender. D’où la nécessité d’une information objective qui évite ainsi les préjugés.

Elles ne présentent vraiment une analogie qu’en terme de motivation. Celle-ci est importante parce que noble : chacune veut la liberté de l’individu (liberté intérieure, liberté extérieure). A observer : tant que la Franc-maçonnerie et la Psychanalyse sont permises dans un pays, c’est qu’il a la chance d’être libre, lui aussi.

Revoyons rapidement leur histoire respective : La Franc-maçonnerie spéculative anglaise – formalisée par deux pasteurs, le français Jean Desaguliers et l’écossais James Anderson – avait sans doute pour idée essentielle au départ (Lors de la création de la Grande Loge de Londres en 1717) de faire cesser les oppositions religieuses (Protestantisme et Catholicisme) …. en devenant elle-même une religion!

Mais au fil du temps et en traversant la Manche ce projet a connu une autre destinée. En Europe, puis sur plusieurs continents. En se « laïcisant », tout en ménageant les croyances individuelles, la Franc-maçonnerie est alors devenue lentement et l’est toujours aujourd’hui, une institution philanthropique et progressiste fondée sur la « dynamique de groupe », avec ou sans Dieu. En France, recherchant la vérité et l’amélioration de la condition humaine et de la société, elle a pénétré divers secteurs, politique d’abord (au sens de la vie de la cité) puis, ne l’ignorons pas, le domaine des affaires avec l’avènement de l’ère industrielle.

C’est ainsi qu’au début du siècle dernier la Franc-Maçonnerie s’est « prolongée » sur le terrain en créant les Rotary-club, Lions-Club, Kiwanis, Soroptimist, etc, autant de « clubs-services », indépendants et à double visée : à la fois les échanges économiques (selon l’espiègle devise américaine « Gratte-moi le dos, je te gratterai le tien ») et l’aide matérielle aux démunis par le chômage. N’oublions pas sa participation active aux grandes avancées sociales dont nous profitons aujourd’hui (entre autres, de la réglementation du travail aux congés payés)

C’est récemment – après la seconde guerre mondiale – que la Franc-maçonnerie a changé d’orientation en devenant, au gré de ses Obédiences, un mouvement à la fois philosophique, ésotérique et initiatique, centré sur « l’épanouissement individuel » de ses membres. Celui-ci, à partir de la symbolique des outils de la construction (inspirateurs de qualités morales et de vertus à acquérir) puis, plus tard, en suivant plus ou moins la mouvance des sciences humaines. Sachant qu’elle n’est pas une institution thérapeutique, même si parfois, certains veulent l’identifier et la vivre ainsi.

Qui dit philosophie renvoie aux penseurs antiques et au célèbre adage « Connais-toi toi-même » de Socrate. Cette injonction est parfois mal comprise en maçonnerie. La liaison faite avec la formule alchimiste VITRIOL (traduite, pour faire image, comme une sorte de « descente en soi ») l’a vite assimilée, précisément, à la « psychologie des profondeurs », c’est à dire au processus psychanalytique, inventé par Sigmund Freud à la fin du 19ème siècle. Et l’irruption en maçonnerie du mot fourre-tout « spiritualité » a achevé de créer la confusion. Alors qu’il y indique essentiellement l’activité de l’esprit.

Certes une connotation religieuse tenace plane encore sur le mouvement ! D’où l’importance de remettre l’église et le temple maçonnique à leur place respective. Et de formuler l’adage complet et exact emprunté par Socrate, inscrit au fronton du temple de Delphes : « Connais-toi toi-même, laisse l’univers aux dieux et agit en conséquence ». Il signifie essentiellement : recense tes possibilités, tes qualités et tes défauts, évalue ton potentiel et tes limites, mets-toi à l’épreuve, expérimente-toi, deviens le meilleur possible pour toi et les autres.

Encore une précision à apporter ici : Le « dépassement de soi » qui est parfois déduit de cette « auto-connaissance » reste une expression…et un leurre. Personne ne peut dépasser ses limites précitées ! Au vrai, il s’agit surtout, avec ce « Connais-toi-même », « d’élargir » sa pensée, de s’enrichir par soi et les autres, de porter un regard panoramique sur le monde. Et non pas d’entreprendre en maçonnerie l’improbable et précitée « descente en soi ». Cette périlleuse spéléologie interne n’est pas de son ressort ! Pour l’humour, disons que nous sommes avant tout, en matière de descente, des tubes digestifs !

Autre idée fausse, parfois obstinément avancée en maçonnerie : Le symbolisme ne relève pas non plus du surnaturel ou du divin ! S’il permet de faire une économie de langage…le symbole (disposition de l’esprit abstractif qui remplace une idée ou une chose par une autre) dépend toujours dudit langage ! Chacun, chacune de nous dispose d’un stock de mots et d’un stock d’images, selon sa culture. Et ce sont ces mots et ces images qui alimentent la pensée (et inversement). De la sorte – par exemple – la croix gammée fut un sinistre symbole de triomphe pour les nazis et malheureusement de terreur pour leurs victimes alors qu’elle est un symbole d’amour pour les hindouistes. On voit donc ici au passage, avec ce changement de sens, que si la maçonnerie s’est internationalisée, elle ne peut prétendre « à l’universel » avec le langage symbolique de ses outils. Par le fait même qu’ils n’ont pas la même signification dans tous les pays du monde !

La psychanalyse, elle, utilise aussi le symbolisme, notamment celui du rêve, produit par l’inconscient (« l’inconscient est structuré comme un langage », dit Lacan). Il s’agit donc pour l’analyste de décoder ces rêves et les discours des « analysants », comme on opère avec un rebus. Nous voyons ici une différence fondamentale avec la Franc-maçonnerie : celle-ci impose le silence à l’apprenti, pour réfléchir et donc travailler intellectuellement mais en toute conscience, alors que la psychanalyse demande au contraire la parole du patient pour explorer et verbaliser le contenu de son inconscient. Le maçon travaille en loge (debout) « ici et maintenant », tandis que l’analysant (allongé) explore un « autrefois et ailleurs ». C’est en effet le passé qui constitue largement le socle de toute intervention psychanalytique. Même si les thérapies brèves actuelles prennent davantage en compte « l’ici et maintenant ».

Enfin, je dirais qu’on entre en maçonnerie non pour soigner ses pathologies éventuelles, mais pour se « perfectionner dans son être » (comme le dit joliment la philosophie de Spinoza) au contact de son semblable », alors qu’on va s’allonger sur le divan du psychanalyste pour exprimer et dissoudre un mal-être, une souffrance.

En conclusion, cette rapide comparaison « maçonnerie/psychanalyse » devrait nous inciter à la simplicité et l’humilité (de « humus », terre d’où nous venons et où nous retournerons). Les degrés maçonniques ne sont pas des galons. Et la première n’est d’aucune façon supérieure à la seconde. Si la liberté est leur but commun à atteindre et conserver, disons qu’elles ne la conquièrent pas par les mêmes sentiers. La franc-maçonnerie a néanmoins tout à gagner à connaître cette « psychologie des profondeurs », partie intégrante des sciences humaines (Psychanalyse précisément mais aussi Analyse transactionnelle, psychologie, sociologie, linguistique, etc.) plutôt que de s’en tenir à distance avec suffisance. Comme la psychanalyse peut en retour s’enrichir à proximité du symbolisme si l’analysant est aussi franc-maçon. L’essentiel pour les deux disciplines est de permettre à leurs pratiquants, chacun avec leur méthode, de bien penser pour mieux vivre. Avec soi-même et autrui. Car, dans tous les domaines humains, il n’est d’être qu’en relation.

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Gilbert Garibal
Gilbert Garibal
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et ancien psychanalyste en milieu hospitalier, est spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel, les faits de société et la franc-maçonnerie ( parus, entre autres, chez Marabout, Hachette, De Vecchi, Dangles, Dervy, Grancher, Numérilivre, Cosmogone), Il a écrit une trentaine d’ouvrages dont une quinzaine sur la franc-maçonnerie. Ses deux livres maçonniques récents sont : Une traversée de l’Art Royal ( Numérilivre - 2022) et La Franc-maçonnerie, une école de vie à découvrir (Cosmogone-2023).

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