Dès ses origines, la franc-maçonnerie accorde une place privilégiée à la musique, « l’art le plus chargé de virtualités initiatiques », selon l’historien Paul Naudon, auteur de plusieurs ouvrages sur l’Art Royal.
Et la liste des musiciens Maçons, ces Frères à talent selon l’appellation dix-huitièmiste, est longue. En témoignent, par exemple, les musiciens à la matricule de la célèbre loge des Neuf Sœurs (36 musiciens) ou de La Société Olympique (66 musiciens) ou encore celle de Saint-Jean d’Écosse du Contrat Social (97 musiciens). Le plus illustre d’entre-deux étant Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791).
Sans oublier aussi que la plus célèbre et la plus populaire de toute la musique reste sans doute « l’Ode à la joie », quatrième et dernier mouvement de la 9e Symphonie de Ludwig van Beethoven (1770-1827) qui a exalté la fraternité universelle des hommes de bonne volonté et a côtoyé dans sa vie des francs-maçons mais ne le fut jamais.
Sans entrer dans une musicologie historique, Gaël de Kerret, artiste qui fut professeur d’art lyrique au Conservatoire de musique, approfondit la relation entre musique et franc-maçonnerie, la recentrant sur le rite qu’il pratique, le Rite Écossais Ancien et Accepté.
Il ne manque pas d’aborder l’enseignement au sein des écoles de l’Antiquité – « Dans le monde grec, l’Ordo est musique » – en développant la théorie pythagoricienne de la musique, mais également dans les écoles du Moyen Âge, avec les arts libéraux que sont le Trivium et le Quadrivium. Ce dernier se rapportant au pouvoir des nombres et se composant de l’arithmétique, de la musique, de la géométrie et de l’astronomie. Des disciplines intellectuelles réputées indispensable à l’acquisition de la haute culture.
D’une Église qui s’efforce d’imposer partout le chant grégorien ou « plain-chant » à une Renaissance avec l’apogée de la polyphonie jusqu’à l’époque baroque, période riche mélangeant rigueur et fantaisie, l’auteur nous initie, en quelque sorte, à toutes ces combinaisons harmonieuses.
Comment ne pas s’intéresser au chapitre consacré à Claude Debussy (1862-1918) qui a su mettre en musique le célèbre drame symbolique baignant dans le mystère du prix Nobel de littérature 1911 Maurice Maeterlinck (1862-1949) Pelléas et Mélisande. Et de finir en apothéose avec « La musique fait sa transmutation alchimique ». Abordant la musique du XXe siècle, l’auteur nous fait voyager dans notre patrimoine musical. Mélodie et rythme, prenant un caractère symbolique et d’aide à l’élévation, représentation de tout ce qui est transcendant, supérieur, la musique est essentielle en loge.
Nous notons l’emploi de ligatures typographiques donnant ainsi une belle esthétique au texte qui s’enrichit d’un index initiatique des plus utiles.
Dans la préface, Francis Bardot, ténor et chef de chœur, écrit « le livre ne parle pas de musique, il est musique […] la franc-maçonnerie est une école d’écoute et de la musique de l’autre ». C’est vrai ! Et ce voyage, que nous ne pouvons qu’imaginer sonore, nous est offert par Gaël de Kerret de la Préhistoire à nos jours à travers les grandes dates, œuvres et artistes clés qui ont fait finalement l’histoire de cet art.
Gaël de Kerret, L’Esprit-Musique et le REAA (AGAPAE, Coll. Extenebris Lux, 2021, 280 pages, 20 €).