sam 23 novembre 2024 - 14:11

Le chevalier de Saint-George-Né esclave, musicien et escrimeur au temps des Lumières

Claude Ribbe – Tallandier, Coll. Biographies, 2022,  288 pages, 20,90 €

Aujourd’hui encore, Joseph de Bologne de Saint-George (1745-1799), né des amours d’un riche colon et d’une esclave de la Guadeloupe, est-il vraiment connu de tous ? Certes, aventurier mythique du XVIIIe siècle, violoniste et compositeur talentueux dont il se dit qu’il influença Mozart, escrimeur redouté et cavalier inimitable, il ne fit l’objet que de peu d’études. Cependant, rendons grâce à l’historien, philosophe, romancier, scénariste et réalisateur Claude Ribbe, ancien élève de l’École normale supérieure (Ulm) et agrégé de philosophie, d’avoir, dès 2004, levé le voile sur le chevalier avec son ouvrage paru initialement chez Perrin.

Cet ouvrage, sous-titré « Né esclave, musicien et escrimeur au temps des Lumières » nous retrace avec précision, l’auteur puisant aux meilleurs sources – bibliographie sélective ; manuscrits, documents imprimés – les multiples péripéties du chevalier.

En dix-sept chapitres, nous savons tout de lui.

Né à la Guadeloupe le 25 décembre 1745, Saint-George vint de bonne heure en France et s’y fit bientôt remarquer par des qualités physiques peu ordinaires et par son aptitude pour les exercices corporels. Son père, qui n’avait négligé aucune dépense pour bien l’élever, le fit entrer dans les mousquetaires. Il devint ensuite écuyer de madame de Montesson, l’épouse secrète de l’avant-dernier duc d’Orléans, puis capitaine des gardes du duc de Chartres.

Saint-George en 1768

Saint-George ne tarda pas à devenir l’ami intime de ce jeune prince, qui corrompait ses confidents plutôt qu’il n’était corrompu par eux. Aussi, lorsque la Révolution commença, Saint-George dût-il à cette dangereuse intimité le triste honneur de jouer un rôle fort actif dans les manœuvres politiques…

Avant de se livrer à ces intrigues, Saint-George s’était fait connaître au théâtre par un talent particulier pour la composition. Il avait composé la partition de plusieurs opéras-comiques. Le premier fut Ernestine, paroles de Laclos, représentée au mois de juin 1777, mais qui ne survécut pas à la première représentation. Il en fut de même de La Chasse, dont Saint-George composa aussi la partition.

Une scène de son opéra-comique La Chasse
Saint-George et d’Éon

De son vivant, Le chevalier de Saint-George connût les honneurs de la presse. En 1768, dans Le Mercure, le poète Pierre-Louis Moline vantait ses talents de compositeur : « Enfant du goût et du génie/il naquit au sacré vallon/Et fut de Terpsichore émule et nourrisson/Rival du Dieu de l’harmonie/S’il eût à la musique unit la poésie/on l’aurait pris pour Apollon. » L’expression « rival du Dieu de l’harmonie » place Saint-George en concurrence directe avec Rameau décédé quatre ans plus tôt et déifié par des générations de musiciens. Le jeune compositeur revend alors son office de Commandeur des guerres en 1772 pour se consacrer à la musique. C’est avec le Concert des Amateurs qu’il développe ses techniques d’orchestration, notamment dans le genre de la symphonie concertante.

Au mois d’août 1787, il donna encore avec Desmaillot, auteur des paroles, la Fille garçon, comédie mêlée d’ariettes, qui eut un peu plus de succès. La musique parut néanmoins dépourvue d’invention. Les concertos composés par Saint-George et surtout le menuet qui porte son nom eurent plus de succès que ses œuvres dramatiques et obtinrent pendant longtemps une très grande vogue. Quelques années auparavant (1776), lorsqu’il fut question de confier à une régie l’Académie royale de musique…

Le duc d’Orléans ne se contenta pas de l’employer dans les intrigues du Palais-Royal ; par ses ordres secrets, Saint-George se rendit au mois de juin 1791 à Tournay, sous prétexte d’y donner un concert aux amateurs, mais, en effet, pour tenter de rattacher à la cause d’Orléans quelques-uns des émigrés qui se trouvaient alors dans cette ville. Espion, donc, Saint-George leva aussi un corps de chasseurs à cheval, dont il fut le colonel.

Saint-George est partout : dans la correspondance de Grimm, dans le Traité de l’art des armes de Nicolas Texier La Boëssière (1723-1807), dans une biographie que lui consacre le romancier populaire Roger de Beauvoir (1807-1866).

Mais c’est doute, pour le Maçon, le chapitre intitulé « Scène privées » qui retiendra notre meilleure attention. Il y est fait mention, à plusieurs reprises, d’Art Royal. À commencer par ses amis Francs-Maçons et de leurs appartenance à diverses loges : Saint-Jean d’Écosse et du Contrat Social, des Neuf Sœurs,  de la loge à l’Orient de la Guadeloupe Les Cœurs Unis de Basse-Terre, de la Loge Carolina – dont le temple existe toujours – , de correspondances avec le Grand Orient de France, mais aussi du bateau négrier Le Franc-Maçon !

Nous aimons particulièrement les notes destinées au lecteur et faisant partie intégrante du document – hors-texte appelé à partir du texte principal par un appel de note – non pas en bas de page mais regroupées en fin d’ouvrage.

Claude Ribbe, originaire de Guadeloupe par son père et de la Creuse par sa mère, se penche dans son œuvre sur le passé esclavagiste français et sur certaines figures qui en sont issues. Ici et maintenant, le chevalier de Saint-George.

La 4e de couverture

1 COMMENTAIRE

  1. Mes TTCCSS & TTCCFF,
    Nous apprenons ce jour que la librairie DETRAD – 18 rue Cadet, Paris IXe – organise ce jeudi 30 mars, à partir de 15h, une dédicace avec Claude Ribbe. Une très belle occasion de venir à la rencontre de cet écrivain, philosophe et réalisateur et, qui plus est, dans un lieu où tout est mis en avant pour accueillir et conseiller au mieux le cherchant !
    Vous pouvez aussi bénéficier du service « DÉDICACE EN LIGNE » et recevoir votre ouvrage dédicacé par l’auteur. Rendez-vous sur http://www.detrad.com

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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