Pour une première, cela en fut une ! Franc succès pour cette conférence inaugurale de cette jeune association cadurcienne qui a su réunir le ban et l’arrière-ban de ce que Cahors, et les environs comptaient de franc-maçonnes et de francs-maçons.
Reconnaissons qu’en ces terres radicales, les Maçons ont su, en son temps, prendre toute leur part pour faire émerger puis établir durablement la Troisième République (1870-1940). Avec le premier d’entre eux, Léon Gambetta (1838-1882) – initié en mai 1869 au sein de la Loge « La Réforme » (GODF), à l’Orient de Marseille.
Autre lotois – d’adoption cette fois-ci – connu, l’homme d’État Gaston Monnerville (1897-1991), député de la Guyane de 1932 à 1940, sous-secrétaire d’État aux Colonies de 1937 à 1938, président du Conseil de la République de 1947 à 1958 et du Sénat de 1958 à 1968, a été aussi Conseiller général du Lot de 1948 à 1974. Il est initié dans la Loge « La Vérité » n° 280 de la Grande Loge de France.
En effet, lundi 31 octobre dernier, ce magnifique écrin qu’est le Centre de congrès Espace Clément-Marot – le poète est né vers 1496 à Cahors – avait accueilli plus de cent Sœurs et Frères. De toutes Obédiences ! Reconnaissons aussi qu’ils n’étaient pas venus spécialement pour l’agape sous forme de cocktail dînatoire à base de produits locaux d’agriculteurs et de vignerons tous originaires du Quercy.
Sœurs et frères étaient venus entendre Pierre Mollier, directeur de la bibliothèque du Grand Orient de France, conservateur du musée de la franc-maçonnerie et rédacteur en chef de la revue d’études maçonniques et symboliques Renaissance Traditionnelle – prix IMF 2019, catégorie« Revues ». Il codirige les Chroniques d’Histoire Maçonnique et est Editor-in-chief de la revue en ligne Ritual, Secrecy, and Civil Society. Par ailleurs, il contribue à Franc-Maçonnerie magazine. En 2016, il a aussi été commissaire de la grande exposition « La franc-maçonnerie » à la Bibliothèque Nationale de France – qui conserve l’un des plus importants fonds maçonniques au monde.
C’est dire si Pierre Mollier était l’homme idoine pour nous entretenir de « L’itinéraire exceptionnel de l’illustre Franc-Maçon lotois, Étienne MORIN ».
Après une présentation du conférencier que nous devons à notre Frère Yann Bourhis, président de l’association organisatrice, non sans avoir, au préalable, exposé la vocation des Conférences qui a pour seul objet de rassembler des Sœurs et des Frères de toutes Obédiences dont le but est d’approfondir leurs connaissances de l’histoire de l’Art Royal en France et dans le monde, de grands personnages ou encore sur le symbolisme, Pierre Mollier, s’appuyant sur un diaporama fort documenté, déroula la vie tant profane que maçonnique de celui qui reste surtout connu pour le rôle central qu’il joua en Franc-Maçonnerie en général et dans la genèse du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), en particulier.
Et Pierre Mollier de mener l’enquête, tel Sherlock Holmes, le célèbre détective fruit de l’imagination de l’écrivain écossais Sir Arthur Ignatius Conan Doyle qui reçut la lumière en 1893 à la « Phoenix Lodge » N° 257, à l’Orient de Portsmouth. L’ensemble de ses investigations relatives au sieur Morin le conduit à conclure que :
- à la suite d’un croisement de deux documents, Étienne Morin est bien né à Cahors (première énigme levée) ;
- il ne fut pas négociant – généralement urbain, prospère, attaché à leur honorabilité sociale et à leur prestige, pratiquant le commerce de marchandises en grande quantité et dans le monde entier, opposé au simple marchand – boutiquiers des villes ou détaillants des villages –, mais bel et bien musicien – sa fiche d’inventaire à son décès fait état d’un violon dans sa succession, et fils de musicien (seconde énigme levée).
Dans un premier temps, Pierre Mollier définit ce qu’est un haut grade. Puisque c’est de cela, surtout, dont s’est occupé Étienne Morin. dont la patente, aux origines du REAA, dont il était porteur lorsqu’il navigua vers Saint-Domingue, l’actuelle Haïti.
Après le système d’Apprenti, Compagnon et Maître qui vient du système opératif, les francs-Maçons français et continentaux, dans les années 1730-1740, mettent en forme maçonnique un certain nombre de thèmes ésotériques et ont fait des grades au nom poétique de Maître Parfait, Rose-Croix, Chevalier d’Orient. En fait, des grades qui sont la prolongation du parcours maçonnique des 3 premiers degrés symboliques. Il souligne l’importance en France de ce système, reconnaissant que les hauts grades REAA (30 degrés dont le sommet est le 33e), dont la Patente Morin est à l’origine, est le plus pratiqué dans le monde. Le conférencier rappelle l’authenticité de la transmission – « on ne se crée pas Maçon soi-même » –, et projette une illustration de la célèbre Patente, délivrée en 1761, en France, par une autorité maçonnique. Et de raconter toutes les mises en doute de ladite patente.
De la vie de Morin, nous retenons ses nombreux arraisonnements et sa captivité, plutôt douce tant en Angleterre qu’en Écosse.
L’assistance, attentive, a mieux compris le contexte maçonnique de l’époque mais aussi et surtout comment d’un Rite de Perfection en 25 degrés qui a essaimé dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle nous sommes arrivés à ce Rite que nous connaissons tous désormais. Le conférencier d’un soir ayant puisé aux meilleures sources et archives les plus diverses.
Comme à l’accoutumée, la parole circula. Abondamment.
Préfacé par Roger Dachez, La chevalerie maçonnique – Franc maçonnerie imaginaire chevaleresque et légende templière au siècle (Dervy, 2022), dernier opus de Pierre Mollier donna l’occasion, durant la dédicace, de poursuivre les fructueux échanges. Pour le plus grand plaisir et profit de tous.
La soirée, qui a enchanté le public d’initiés, se clôtura par un très convivial cocktail dînatoire. Toujours frugal et fraternel !
Étienne Morin n’est plus né quelque part, mais Cahors. Et reste un illustre Franc-Maçon à l’itinéraire exceptionnel.
Rendez-vous est pris pour 2023…