(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent les 1er et 15 de chaque mois.)
Léger bougé du mois d’octobre : en effet, comme son nom l’indique, octobre était le huitième mois de l’ancien calendrier romain. Il a gardé son nom, quoique devenu le dixième du calendrier grégorien, institué en octobre 1582, précisément, par le pape Grégoire XIII, d’où le nom dudit calendrier sous l’empire duquel nous vivons encore, et cela pour corriger le retard que prenait le calendrier julien sur le soleil.
Léger bougé du mois d’octobre encore, quand nous parlons de la Révolution d’octobre qui a bien commencé en Russie, le 25 octobre 1917, mais en référence au calendrier julien alors encore utilisé dans la tradition orthodoxe russe, cette date correspondant en fait au 7 novembre du calendrier grégorien.
Octobre rouge, expression qui continue donc de désigner, en en anticipant les conséquences, l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, avant que, par des luttes implacables, ce mouvement révolutionnaire n’abatte non seulement le régime tsariste mais tous ses propres adversaires… Octobre rouge, n’est-ce pas non plus le nom de ce sous-marin soviétique tentant de passer en Amérique dans le roman de Tom Clancy, À la poursuite d’Octobre Rouge (The Hunt For Red October, 1984 ; Albin Michel, 1986 et 1990), adapté au cinéma par John McTiernan (1990) ?
Légers bougés, vastes tremblements des calendriers et de l’Histoire. Mots-clés qui se répètent : Russie, conflit, sous-marin, jusqu’à la crise financière, au rappel du tristement célèbre « jeudi noir » où, le 24 octobre 1929, la Bourse de New York s’effondra. Pas de parallèle, mais des résonances.
Faut-il se souvenir, pour faire bonne mesure, de la manifestation pacifique du FLN à Paris, le 17 octobre 1961, réprimée dans le sang par le lugubre préfet de police Maurice Papon dont le procès pour crime contre l’humanité, au tournant des années 1997-1998, portera non point sur cet événement mais sur sa supervision, entre juillet 1942 et juin 1944, de l’arrestation puis de la déportation d’environ 1 600 Juifs vivant en Gironde ? Ajoutons que ce personnage opportuniste, que les scrupules n’ont guère étouffé aux moments cruciaux de sa carrière, s’illustra également comme ministre du budget dans le gouvernement Barre, d’avril 1978 à mai 1981…
Pause.
Je pense à toutes ces Sœurs et à tous ces Frères, Maçons ou non, dans la chaîne d’union, toutes ces victimes de crimes et d’atrocités commises de tout temps par tant de sinistres appétits de domination et je sens cet octobre qui tremble de sacrifices et de menaces. Plus que jamais, s’inscrivent en moi le refus d’infliger la souffrance et l’injonction de rechercher la paix sans renoncer à la justice. Alors, j’en viens à supposer qu’il est peut-être plus facile de s’opposer à la violence que de se soustraire à la veulerie, cette immobile désertion de la volonté qui se réfugie sournoisement dans l’impuissance. Dès lors, quelle portée donner à la nécessaire vigilance ?
Je n’ose vous le demander autant qu’à moi-même : peut-on se contenter d’espérer que les mois passent ? Que l’émoi passe…