Oscar Emmanuel Peterson (15 août 1925 Montréal – 23 décembre 2007 Mississauga Ontario)
Le T∴C∴F∴ Duke Ellington l’ appelait : le maharadja du piano.
Nous n’avons pas de précisions sur sa date d’initiation ni du nom de sa loge canadienne, en revanche on sait qu’il est un des descendants du fameux « Underground Railroad ». Ce réseau souterrain s’est constitué à partir de 1864 lorsque le président Lincoln déclara l’abolition de l’esclavage (qui ne fut effectif dans sa réalité sociale qu’un siècle plus tard), permettant l’évasion d’esclaves fuyant le sud profondément raciste. Il fut en grande partie organisé par des franc-maçons et des quakers. La plupart des esclaves utilisant ce réseau remontèrent vers le nord industrialisé du pays, d’autres prirent des destinations différentes.
Oscar est né dans le quartier La Petite Bourgogne de Montréal, principalement noire ce qui lui permit de côtoyer très tôt le jazz. A cinq ans il commença par la trompette et le piano mais à sept ans il contracte la tuberculose, ce qui l’obligea à abandonner la trompette définitivement au profit du piano. C’est son père Daniel qui lui donne ses premières leçons de piano et ensuite sa sœur Daisy prendra le relais en lui apprenant la musique classique, lui faisant répéter inlassablement des gammes et des arpèges, lui conférant la virtuosité qu’on lui connaitra très vite.
Ensuite il prit des cours avec le professeur hongrois Paul De Marky, élève de István Thomán (professeur de Bela Bartok et Georges Cziffra), qui était lui-même élève de Franz Liszt. Mais le jeune Oscar découvre avec passion le Boogie-Woogie et sa réputation commence en se faisant appeler « The Brown Bomber ».
Dès l’âge de 9 ans il maîtrise son instrument à un point tel, qu’il impressionne les professionnels. A partir de cette période il va jusqu’à pratiquement la fin de sa vie, travailler six heures part jour.
En 1940, il a 14 ans et gagne le concours de la radio canadienne ce qui lui permet d’aller étudier à l’université de Montréal où il va jouer dans l’orchestre du trompettiste et chef d’orchestre Maynard Ferguson.
Il devient rapidement professionnel et passera régulièrement à la radio. De 1945 à 1949 il va commencer à enregistrer pour le label Victor Records. Ses premières influences seront pour le boogie et le swing avec un attrait pour Nat King Cole et Teddy Wilson. Dès l’âge de 20 ans il s’est déjà forgé une réputation de brillant technicien tant du point de vue de la mélodie que de sa créativité.
Oscar Peterson n’échappa pas au racisme comme bon nombre de ses confrères et consœurs, et heureusement pour lui et d’autres célèbres jazzmen et jazzwomen, il fit la rencontre avec le producteur Norman Granz qui se transforma en amitié durable. Norman fut un défenseur du jazz mais également un militant anti-raciste et fit tout pour faire reconnaître ses musiciens et cette musique. Sans lui, la visibilité de cet art n’aurait pas eu la place qu’elle méritait. Granz raconte notamment comment dans les années soixante dans le sud profond il dut faire face à un policier armé demandant à ses musiciens de ne voyager uniquement dans un taxi réservé aux noirs (pour ne pas employer d’autres terminologie de cette époque) car voyager dans un taxi réservé aux blancs étaient un affront ultime. En 1950 il rencontre le mari d’Ella Fitzgerald, le contrebassiste Ray Brown avec lequel il va démarrer un duo, qui se transformera en trio avec le guitariste Barney Kessel. Herb Ellis remplacera ensuite Kessel et restera avec Oscar de 53 à 58 pendant les tournées organisées par Norman Granz, « Jazz At The Philarmonic ».
Le succès sera permanent jusqu’à son passage à l’Or :. Et :., mais à partir de 1970 il va former un nouveau trio avec le guitariste Joe Pass (de son vrai nom Joseph Antony Jacobi Passalaqua né en 1929) et le contrebassiste danois Niels-Henning Ørsted Pedersen, surnommé par les musiciens “ènachoppé” NHØP. Joe Pass dira d’ailleurs dans une interview de 1976 « que les seuls gars que j’ai entendu se rapprocher de la totale maîtrise de son instrument, sont Art Tatum et Oscar Peterson ». Il collaborera avec de nombreux prestigieux musiciens, ouverts à diverses explorations et joutes musico-amicales avec entre autres, Herbie Hancock, le TCF :. Ben Webster, le TCF :. Count Basie, le trompettiste Clark Terry, le vibraphoniste du “aimejicu” MJQ Modern Jazz Quartet, Milt Jackson, et a produit une discographie absolument impressionnante avec plus de 211 albums sous son nom et en collaboration avec des pointures aussi iconiques que : Louis Armstrong, Benny Carter, Roy Eldridge, Lester Young, Lionel Hampton, Dizzy Gillespie, Buddy De Franco, Buddy Rich, Ralph Burns, Gene Krupa, Ella Fitzgerald, Harry « Sweets » Edison, Anita O’Day, Stan Getz, Gerry Mulligan, Ben Webster, J.J. Jonhson, Sonny Stitt, Zoot Sims, Sarah Vaughan, Freddie Hubbard, Itzhak Perlman, Roy Hargrove, Ralph Moore, Michel Legrand… J’arrête là, car tout ce que le gratin du jazz du milieu des années cinquante jusqu’à sa disparition, est passé un jour entre les pattes d’ours du pianiste canadien. IL apparaît également dans une douzaine de films et a plusieurs statues et autres rues, parcs ou bâtiments à son nom.
Ce que l’on sait moins c’est qu’il avait contracté une arthrose dans sa jeunesse qui s’est réveillée dans ses dernières années avec pour conséquence une prise de poids considérable allant jusqu’à 125 kg. Cette surcharge compliqua considérablement sa mobilité et il subit une opération de remplacement de la hanche. Mais en 1993 il eut un AVC qui lui paralysa tout le bras gauche ne pouvant pratiquement plus se servir de sa main pendant deux ans. A cette même période, le premier ministre de l’époque, fan absolu d’Oscar (mais qui ne le serait pas ?), lui offrit la position de » Lieutenant Gouverneur de l’Ontario, ce qu’Oscar refusa compte tenu de son état de santé.
Oscar Peterson A écrit et enregistré un grand nombre de thèmes de jazz. Son célèbre « Hymn to Freedom », sur l’album Night Train sorti en 1962, devient l’hymne emblématique du mouvement des droits civiques aux États-Unis pendant les années 1960.
Il recouvrit un peu de flexibilité de sa main gauche mais il ne put jamais retrouver sa complète dextérité légendaire et l’essentiel de son travail résida dans sa main droite. En 1995 il fit quelques rares apparitions en public et enregistra pour le prestigieux label Telarc.
Au festival de jazz de Marciac en 2003 il fit pleurer tout le monde et lui-même en avouant ne plus pouvoir jouer du tout avec sa main gauche et en rajouta dans l’émotion en interprétant une ballade dédiée à sa femme.
Il passe à l’Or:. Et:. Le 23 décembre 2007, chez lui dans la banlieue de Toronto des suites d’une insuffisance rénale.
Oscar fut décoré comme un général russe à partir des années 60, mais de 1975 à 1997 il reçut plusieurs Grands Prix du disque et des distinctions comme pianiste de l’année de 1950 à 1962. Il fut décoré, honoré, obtint des médailles, des diplômes et toutes sortes de récompenses incroyables, dont celle de Chevalier Des Arts Et Des Lettres en France.
Oscar Peterson rédige en outre, au milieu des années 1960, quatre volumes didactiques intitulés Jazz Exercises and Pieces for the Young Jazz Pianist. Il est également présent au lancement de l’atelier de jazz du Centre d’arts de Banff en 1974. Il revient à un environnement universitaire, en 1985, en tant que professeur auxiliaire de musique à l’Université York. Il y exerce également les fonctions de chancelier de 1991 à 1994, puis de gouverneur honoraire en 1995. Il participe à la création de l’Oscar Peterson Jazz Research Centre au Collège Winters, l’école des beaux-arts de l’Université York.
Faire une sélection d’albums d’Oscar est un pari impossible, mais je vais prendre le risque de vous conseiller ce que je considère comme du pur diamant au milieu d’autres joyaux, en ce pavé, ou pierre cubique, à savoir le coffret de 8XCD « Excusively For My Friends ». Mythique série d’albums d’Oscar Peterson enregistrés pour MPS entre 1963 et 1968. Cette collection enfin rééditée et complète, considérée par Peterson lui-même comme faisant partie de ses meilleurs enregistrements, fait figure de pièce centrale dans sa discographie. Enregistrés dans le salon du producteur Hans Georg Brunnder-Schwer, ces albums atteignent la perfection tant sur le plan musical que sur la qualité d’enregistrements, grâce à la précision de l’ingénieur fondateur de MPS. Les bandes ont bénéficié d’un remastering qui rendent les séances d’une parfaite acoustique pour l’époque. S’il n’y avait qu’une chose à avoir d’Oscar, ceci fera figure d’incontournable dans votre discothèque.
Une chose également peu connue de sa part, était son intérêt pour toute la lutherie électrique et électronique. Il possédait de nombreux claviers, tels pianos électriques, synthétiseurs, analogiques ou numériques, orgues, dont le célèbre Hammond, ordinateurs, logiciels musicaux, nombreux moyens (et coûteux) d’enregistrement et qu’il fut également un chanteur assez honorable.
Voici ce petit film d’assez piètre qualité mais qui permet de montrer l’intérêt d’Oscar pour ces claviers. Le plus étonnant est qu’il ne fit pratiquement jamais la moindre prestation en public avec ces instruments. C’est un paradoxe qui ne fut jamais vraiment élucidé.
Sinon beaucoup de vidéos anciennes et récentes sont disponibles sur la toile et je pense qu’il n’y a aucune mauvaise prestation de cet extraordinaire pianiste qui restera une pierre fondatrice essentielle dans l’histoire du jazz.
Yves Rodde-Migdal 28/6/2022
A lire et à consulter sur la toile :
http://www.jazzmusicarchives.com/artist/oscar-peterson
https://www.facebook.com/oscarpetersonlegacy/
https://www.theguardian.com/music/2007/dec/27/jazz.johnfordham
- Oscar Peterson et Richard Palmer, éd., A Jazz Odyssey : The Life of Oscar Peterson, New York, Continuum, 2002. - Jazz & Franc-Maçonnerie une histoire occultée, éditions Cépaduès par Yves Rodde-Migdal