sam 23 novembre 2024 - 18:11

A propos des émotions… Cinq habitudes à abandonner, ou à revisiter

1) Arrêtez de croire tout ce que vous pensez.

 Le « fonctionnement » de la pensée est dépendant de deux paramètres : Moi (raison, intuition, imagination) et le monde (pression sociale). Sachant qu’aucun n’est vérité.

Il y a – pour dire simple – les pensées exigeant une réponse immédiate par l’action (de l’ordre de la survie, pour soi ou autrui) et celles pouvant être reportées et « muries » par la réflexion.

Penser dans le cadre de « la vie de l’esprit » (définition classique de la spiritualité) relève d’un dialogue intérieur qui implique l’analyse, le doute, la critique. 

C’est un processus qui s’oppose aux réactions de notre instinct et aux influences extérieures. 

Qui est un jour juré dans une cour d’assises a immédiatement conscience que l’acte de penser équivaut à prendre une RESPONSABILITÉ

Il ne s’agit donc pas de croire (tenir pour vrai) tout ce que l’on pense (ou ce que l’actualité nous donne à penser !) mais faire la part des choses (trouver le juste milieu, la bonne mesure)

C’est pourquoi la justice humaine (qui relève d’un dialogue entre les représentants du peuple) a pour emblème une balance.

2) Arrêtez de vous juger sur vos émotions

 Le mot « émotion » vient de l’ancien français motion, c’est à dire mouvement, qui a généré émouvoir, puis émeute, et ensuite émoi.

D’abord distinguons les émotions (productions physiques) des sentiments (élaborations mentales)

Il y a classiquement cinq émotions de base : la peur, la colère, la tristesse, la joie, l’amour. 

C’est à partir de chacune d’elles que notre esprit génère les sentiments

  • De la peur : appréhension, crainte, souci, anxiété, etc.
  • De la colère : rancune, irritabilité, rage, mépris, etc.
  • De la tristesse : morosité, peine, regret, nostalgie, etc.
  • De la joie : jubilation, gaité, satisfaction, euphorie, etc. 
  • De l’amour : désir, affection, tendresse, compassion, etc.

Chaque émotion (avec son corollaire sentimental) est une source vive : elle ne demande qu’à jaillir pour exprimer ce que nous avons sur le cœur. Il ne s’agit donc pas de l’étouffer mais de la libérer à propos.

L’émotion est à la fois arme et outil, ouverture et bouclier. 

C’est l’imagination qui la décline en sentiments et forme ainsi nos jugements sur nous-même et les autres

Il faut les comprendre par un auto-questionnement. Pourquoi j’appréhende cette rencontre ? Pourquoi je n’aime pas telle personne ?

Ce sont nos réponses qui peuvent stopper les jugements inopportuns…et « habituer » notre cerveau à déclencher nos émotions à bon escient.

3) Arrêtez d’avoir besoin de trouver un sens à tout

 Dès qu’il s’est dressé sur ses pattes arrière devenues jambes, l’homme a découvert l’horizon. C’est la curiosité qui l’a incité à quitter son berceau africain et à entreprendre le tour du monde. Il a cherché à comprendre son environnement au fur et à mesure de sa progression.

Avec une volonté, à la fois « questionnante » et directionnelle, que le vocabulaire a désigné par le mot « sens », précisément à double signification.

Cette habitude a traversé les siècles : en manque d’origine pour lui-même, l’homme, grâce à sa faculté de penser et à son imagination       (encore elle !) a inventé le RÉCIT, et partant un début à sa propre histoire ;

Sont ainsi nés les mythes, les contes, les fables et les légendes, autant de fictions qui ont apaisé son angoisse existentielle tout en créant le réflexe devenu besoin, de d’expliquer le monde par son intelligence. Voire, parfois, de croire lesdites fictions et de les ériger en vérités !

Les premiers philosophes grecs ont commencé par penser la nature, puis Socrate, par eux formé, s’est mis à penser l’Homme. Depuis, la philosophie affirme que tout peut être pensé! (Pas sûr !)

Penser, c’est réfléchir et la réflexion questionne, à double sens (signifiance, destination) « Qu’est-ce que ça veut dire ? » « Où ça nous mène ? » 

Et entre deux personnes : « Qu’est-ce que tu me racontes? » « Où veux-tu en venir? » 

La technologie (Internet) qui a imposé l’immédiateté et la réponse à toute question a en même temps rendu l’homme vaniteux!

Le fait de « tenir le monde dans sa main » lui permet de penser qu’il est omniscient!

Il compense ainsi son impossibilité à expliquer le mystère de l’univers !

En cette période où « un plus petit que soi » domine le monde, s’impose un retour à l’humilité. L’homme doit accepter de ne pas tout savoir et a défaut d’ignorer si la vie a un sens, c’est à la sienne qu’il doit en donner un!

L’estime de soi et du semblable constitue ce sens même !  

La religion apporte des réponses. La franc-maçonnerie pose des questions. Il est plus important de chercher que de trouver !

Mieux que le sens, c’est souvent notre bon sens qu’il convient d’écouter. Car il est sagesse!

4) Arrêtez d’essayer de tout contrôler

Nous revenons ici à la peur, première de nos émotions inscrites en nous, depuis l’homme des cavernes. 

Celui-ci se trouvait devant une alternative qui a été définie par le concept des « 3F » (en 1915 par le neurophysiologiste Walter Cannon)

Frigth (peur) = Fight (combat) ou Flight (fuite)

Cette peur (vulnérabilité) dans un milieu hostile, est devenue notre méfiance d’aujourd’hui. Quand elle se traduit par “la volonté de faire face soi-même”, le sujet s’expose à tous les fronts (tel un joueur de tennis qui recevrait plusieurs balles à la fois !)

Une obsession de la perfection lui donne une illusion de pouvoir sur les évènements. Le bénéfice secondaire (trompeur) est de penser que l’on est ainsi admiré, aimé davantage, préféré même ! 

Cette subordination volontaire au regard de l’autre est dangereuse en ce qu’elle aboutit à une mise sous stress et devient vite épuisante.

La névrose obsessionnelle (c’est de cela qu’il s’agit) conduit à la culpabilité, voire à la dépression. Comment s’en défaire?

Il convient notamment de passer par le Connais-toi toi-même (prendre conscience de ses limites). Puis aussi d’opter pour la délégation de tâche, qui revient à reconsidérer l’autre, aller vers lui, non en termes de regard gratifiant mais de confiance.

Certes le « lâcher prise » ne se commande pas. Mais remettre la raison aux commandes, c’est possible! Alors intervient le passage de la co-errance (avec des sentiments parasites : illusions, haute opinion de soi, « grandiosité » ) à la cohérence (modestie) !

 5) Arrêtez de prendre vos décisions en s’appuyant sur vos émotions (plutôt que ses valeurs)

Nous sommes ici dans le prolongement du « conseil » précédent. Notre vie quotidienne est une succession de décisions, donc de choix à opérer (et choisir, c’est éliminer, c’est se priver du reste !).

La raison est constamment nécessaire pour décider en toute sécurité (physique, matérielle, financière, entre autres).

Ce qui ne signifie pas l’exclusion de l’émotion (le bon choix rend serein, voire joyeux !).

Acheter une voiture, c’est pratiquement toujours passer par la raison   (moyens financiers) et la passion (esthétique du véhicule).

Si l’acte d’achat est prévu « pour épater la galerie » (montrer un rang social), donc avec le « registre émotionnel » aux commandes, il est à éviter.

La légende d’Ulysse illustre bien la question du choix entre émotions et valeurs : Au retour de la guerre de Troie, Ulysse fait escale sur l’île merveilleuse de la déesse Calypso. Elle en tombe folle amoureuse et lui promet l’éternité s’il reste avec elle.

Tenté, il pose son armure. Après sept ans de délices le jour, mais aussi de remords en secret la nuit, Ulysse décide de rentrer chez lui à Ithaque où l’attend sa femme Pénélope. Zeus permet ce retour. 

Plutôt que la vie éternelle, Ulysse choisit donc une vie de mortel réussie (appuyée sur des valeurs) plutôt qu’une vie d’immortel manquée (sans vécu de la gamme émotionnelle) !

L’éternité se vit au présent, chaque jour étant un « ici et maintenant ».

Ces valeurs (morales, spirituelles, existentielles) n’excluent pas l’émotion, bien au contraire (de la joie à la tristesse, laquelle a aussi son rôle adéquat). Et en l’occurrence, la plus belle, qui s’appelle l’Amour!

CONCLUSION

Il est à remarquer que ces cinq injonctions ont un point commun : elles renvoient à l’ORGUEIL. Il est nécessaire en termes de dignité, d’assertivité, d’estimation de sa valeur personnelle. Il est inapproprié lorsqu’il devient opinion trop avantageuse de soi, supériorité et vanité. Il ne convient pas non plus de déduire que les réactions émotionnelles sont néfastes. Une idée reçue, encore très répandue, fait penser qu’elles doivent être maîtrisées.

Combien d’enfants apprennent ainsi dès leur plus jeune âge à masquer leur ressenti, combien d’adultes « coincés » n’osent pas prendre la parole en public (en loge!) pour formuler un avis ou un désaccord? Rires et larmes sont ainsi ravalés, compliments et reproches rentrés.

A noter au passage ce principe (sorti de nulle part !) qui énonce qu’il ne faut pas dire « merci » ou complimenter en maçonnerie !

Toutes les émotions contrariées puis enfouies se transforment en toxines qui empoisonnent littéralement l’organisme. De la sorte, peuvent se fabriquer, dans notre société si cruelle, les timides, les anxieux, les stressés, les aigris ou les hargneux !

N’oublions jamais que l’émotion, c’est la vie !

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Gilbert Garibal
Gilbert Garibal
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et ancien psychanalyste en milieu hospitalier, est spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel, les faits de société et la franc-maçonnerie ( parus, entre autres, chez Marabout, Hachette, De Vecchi, Dangles, Dervy, Grancher, Numérilivre, Cosmogone), Il a écrit une trentaine d’ouvrages dont une quinzaine sur la franc-maçonnerie. Ses deux livres maçonniques récents sont : Une traversée de l’Art Royal ( Numérilivre - 2022) et La Franc-maçonnerie, une école de vie à découvrir (Cosmogone-2023).

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