« L’altruisme est une source de bonté pour vous et les autres
Le remède qui calme les ennuis
La grande voie vers la sagesse
La nourriture pour tous ceux qui la pratique
Efficace pour faire progresser le bien-être des autres
Grâce à elle, vous atteignez votre plein objectif personnel. »
Le Bouddha Shakyamuni, qui vécut il y a 2500 ans, est considéré comme un être exemplaire, car il était profondément pénétré par la grande compassion. Son engagement altruiste n’était pas limité à quelques actes de bonté de temps à autre. Il se concentra sur la seule pratique de la grande compassion pour un nombre incalculable d’éons, vie après vie. Une grande sollicitude envers autrui et la pratique d’une sagesse sans faille l’ont libéré des anomalies, doté des qualités exceptionnelles d’un grand maître éveillé, sa renommée est parvenue jusqu’à nous.
D’autres célèbres grands maîtres aux nombreux adeptes comme Moïse, Jésus et Mohammed ont basé leur puissance sur l’altruisme. À travers l’Histoire, les personnes dont la vie nous inspire profondément sont des êtres qui ont choisi de se consacrer à aider les autres. Ils retiennent l’admiration et nous prenons plaisir à lire tout ce qui les concerne. Les biographies des gens dont l’action a été néfaste provoquent effroi et dégoût quand nous les lisons ou dès que nous les évoquons. Ces livres ne parlent pas uniquement du vécu d’êtres humains, ils montrent les différences d’attitudes, leurs motivations à aider ou à nuire. Nous constatons, en parcourant avec objectivité les vies des personnes éminentes de ces trois milles dernières années, que les êtres bienfaisants ont été motivés par l’altruisme, alors que les malfaisants n’ont cherché qu’à nuire autour d’eux.
Une personne peut paraître belle physiquement, mais en lui consacrant du temps, on devine une personnalité peu avenante et notre opinion change. À l’inverse, un individu peu séduisant peut être chaleureux, et nous pensons : « Cette personne est merveilleuse ! » La beauté intérieure est la plus remarquable. Certains animaux, comme des êtres humains, ont aussi une belle apparence corporelle. Mais je doute que les bêtes jugent les gens sur leur beauté physique. Ils sentent instinctivement leur caractère, si ceux qui les approchent sont sympathiques ou agressifs. À cet égard, l’animal est parfois plus digne de confiance qu’un humain, qui en fonction de son intérêt du moment est sournois, ou, à l’inverse, facilement trompé.
Je suis d’avis qu’il faut avoir de la bienveillance vis-à-vis d’autrui pour qu’en retour les gens soient gentils avec nous. Les humains dépensent des sommes d’argent invraisemblables pour être physiquement attirants. Et, en comparaison, ils ne consacrent presque rien pour avoir un esprit accueillant. Le recours aux autres est possible pour avoir un corps agréable, mais vous êtes seul à pouvoir générer un esprit altruiste.
L’ALTRUISME POUR S’AIDER SOI-MÊME
Tsongkhapa répétait souvent : « Travailler au bien-être des autres est un moyen d’accomplir le sien en suivant la voie. » C’est une vérité profonde : plus votre dévotion au profit des autres est grande, plus, en retour, vous en bénéficierez. Certains apprécient l’altruisme et le louent parfois, mais sans voir son intérêt pour leur propre bien-être. D’autres s’engagent dans une intense dévotion à l’égard des autres, en se sacrifiant, parce qu’ils négligent leur bonheur. Or, il ne faut pas arrêter de se préoccuper de son développement personnel, mais cesser de se chérir à outrance, d’être égocentré en permanence. Dans les écrits bouddhistes, il est question de chérir les autres plus que soi-même.
Si l’état d’esprit transformatif de chérir autrui n’a pas été adopté au lieu de l’ineptie égocentrique de s’aimer soi-même, vous ne trouverez aucun bien-être dans ce monde, et l’ultime état altruiste de la bouddhéité est hors de portée. Shantideva dit :
Sans vous détourner
De votre bonheur personnel afin de soulager la souffrance des autres,
Non seulement vous n’atteindrez pas la bouddhéité,
Mais, en plus, n’attendez aucun plaisir dans le cycle de l’existence.
L’interdépendance est l’essence de la société humaine. Quelle que soit la puissance d’un individu, il ne réussira jamais seul. Les humains sont sociables, si bien qu’ils dépendent les uns des autres. Le désir échoue dans la tâche de rassembler ce qui est favorable, même pour nous. Car, au fond, il est partial. Dans le désir, ce qui ressemble à de l’affection pour quelqu’un mute ensuite en préjugés, puis fût-elle infime, la haine arrive à s’y glisser. L’altruisme est le meilleur moyen pour regrouper ensemble des éléments positifs car il est impartial. Il ne nous pousse jamais à réagir de manière irrationnelle et nuisible. Le sentiment altruiste a une nature positive.
Pour ne pas mourir, nous agissons. Et sans prendre certaines dispositions, nous serions déjà morts. Quels que soient nos actes, ils aboutissent au résultat souhaité lorsqu’ils tiennent compte de la nature réelle de la situation. Recherchez ce qu’il faut pour préparer un repas (et je l’admets, je ne sais pas cuisiner !). La volonté de le faire ne suffira pas sans savoir quels légumes doivent être achetés, comment les couper et les cuire. Il est donc essentiel, quand vous vous engagez dans une action, de connaître la réalité de la situation.
Quel est notre véritable situation ?
Le bonheur que nous souhaitons dépend de nombreuses causes et conditions, comme la souffrance que nous cherchons à éliminer. C’est encore le cas, pour connaître le véritable statut du bonheur ou de la souffrance, il faut effectuer une analyse étendue, et non voir cela sous un angle fermé. Observer un facteur unique ne suffira pas pour devenir heureux ou annihiler la souffrance.
Sous l’emprise du désir ou de la haine, la prise de conscience est réduite, dirigée vers un objectif. Quand la colère vous envahit au point d’être poignante, vous n’arriverez pas à comprendre l’entrelacs des conditions qui sont à l’origine de la situation. Dans le cas contraire, ce sentiment de haine n’aurait pas surgi. La focalisation mentale sur un facteur unique, au milieu de nombreux autres, soulève un problème. Vous fermez la porte à l’ouverture d’esprit et, au-delà, à votre propre joie.
Pour se manifester, les émotions aliénantes ont besoin d’une cible précise : un soi existant, apparemment réel et véritable, autonome. Lorsque les émotions aliénantes entrent en scène, il devient difficile de remarquer que la situation relève de multiples éléments étroitement liés. En l’absence du désir et de la haine, ce contexte d’interdépendance est plus facile à analyser.
Nous sommes tous sensibles, d’autre part, à ce que l’altruisme soit une disposition mentale non aliénante. Par nature, le sentiment altruisme est généreux, ce qui permet de prendre plus aisément en compte un nombre important d’éléments interdépendants. En économie, politique, commerce, sciences, culture et protection sociale, ou d’autres activités, rien n’est la conséquence d’un seul facteur. Puisque sa vraie nature repose sur un vaste réseau de conditions, plus le point de vue est élargi, plus forte est la capacité à construire quelque chose de positif ou éliminer d’autres phénomènes négatifs.
Essayer d’évaluer un problème en dehors d’une large perspective amène une quantité d’ennuis à nous et aux autres. Les situations complexes à travers le monde viennent de vue globale car nous ne considérons qu’une seule facette du problème. Ou les ennuis sont attribués à un seul être, et il est considéré comme étant à l’origine du problème, et nous pensons : « Voilà mon ennemi ! » Se centre sur ses propres intérêts est le problème, avoir de la sollicitude pour les autres est la solution.
Je dis souvent aux gens que je rencontre que les enseignements bouddhistes contiennent une explication abondante sur l’interdépendance, cette notion n’en est pas exclusivement l’apanage. Mais elle est critique pour saisir de nombreuses situations dans le monde. Cette idée d’inter connexion touche une multitude de domaines d’application car elle apporte une vision holistique. L’altruisme est la porte ouverte vers cette vue élargie.
LE COURAGE DE L’ALTRUISME
La sollicitude envers les autres est un acte de courage. Être renfermé sur soi, avec son « moi » apporte peur et anxiété. Il en découle un sentiment d’anxiété, un mal-être dans un corps vulnérable aux incidents de santé. Or, se plonger profondément dans la pratique de l’altruisme donne du courage. La peur recule. Le stress intérieur diminue, avec des répercussions positives sur la tension sanguine : un bien-être général s’installe.
Récemment, j’ai assisté à une rencontre scientifique à New York. Un médecin a signalé que les individus qui usent fréquemment du pronom « je » souffrent de maux cardiaques. Il n’a pas étayé son propos, mais il me semble que l’emploi excessif de « je » centre la personne sur elle-même et limite ainsi ses perspectives. Elle se replie intérieurement. Une situation peu favorable pour un cœur sain. Or, avoir de l’empathie pour les autres est essentiel. Cela procure une large ouverture d’esprit qui modifie complètement nos perspectives. Si j’étais docteur, je prescrirais probablement à mes patients : « Soyez altruiste pour aller mieux ! »
Nous appartenons à ce monde et, chacun, nous avons des opportunités pour aider les autres. Des marques de sollicitude envers ceux qui partagent votre vie professionnelle auront des conséquences. Car, s’ils ne sont que dix, l’ambiance générale sera plus agréable avec moins de dissensions. Imaginons qu’à leur tour, ils agissent de concert avec leurs partenaires. Les effets seront progressifs, mais finalement ils auront une action transformative. Voilà comment changer le monde.
Texte présenté par Ida Radogowski
Ida a créé avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçon (nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme.
La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr