A:.L:.G:.D:.G:.A:.D:.L:.U:. et vous toutes mes SS:. et mes FF:. en vos grades et qualités.
Nous nous limiterons aujourd’hui au travail du premier degré, même si ce sujet semble prédestiné aux grades supérieurs. Tout d’abord, je voudrais commencer cet exposé par une histoire qui me semble bien résumer l’évolution du travail en franc-maçonnerie :
Un homme d’une vingtaine d’années se promène sur un boulevard, découvre à droite une petite ruelle et l’emprunte. Il y a un porche à quelques mètres et sous ce porche un agresseur est caché. Au passage de notre homme, il l’attaque, le met KO et lui vole son portefeuille en prenant la fuite. Notre homme se relève, se soigne et va ensuite s’inscrire dans un club d’art martiaux où il pratique durant 20 ans.
Un jour, il repasse par ce même boulevard, vois une petite ruelle à droite et l’emprunte à nouveau. Il y a toujours le même porche et le même agresseur qui attend ses victimes. Lorsque notre héro est attaqué, cette fois, il se défend et règle son compte à l’agresseur grâce à ses techniques martiales. Il en profite ensuite pour récupérer son portefeuille volé 20 ans plus tôt et reprend sa route. Il continue aussi la pratique des arts martiaux pendant encore 20 ans.
Et puis un jour, il y a 60 ans, il se promène sur le boulevard, il voit une petite ruelle à droite, il passe devant. Il ne sait pas pourquoi, une petite voix l’invite à continuer son chemin. Il tourne la tête et change de trottoir pour rentrer chez lui tranquillement.
Cette allégorie en 3 tableaux symbolise parfaitement le travail maçonnique. Lors du premier tableau, on pense être la victime d’un agresseur, c’est injuste. Dans le deuxième tableau on pense avoir évolué en nous réparant par la vengeance. Nous croyons alors être mieux que l’agresseur, c’est plus acceptable moralement. Mais en réalité, nous sommes toujours dans la confrontation. Même si nous croyons en sortir victorieux, nous sommes toujours une des deux extrémités de la même histoire de cette violence que nous sommes certains de fuir. Dans le troisième tableau, la paix et l’harmonie règnent. Il ne se passe rien de particulier, car notre essence n’est plus obligée de se frotter au chaos pour grandir. On peut sans difficulté saisir le parallèle avec la franc-maçonnerie. J’aimerais partager avec vous une pensée de la sagesse amérindienne : « La paix n’est pas l’absence de conflit. Il s’agit plutôt de notre capacité à faire face à ce conflit avec harmonie et justesse ». Nous pensons trop souvent à tort que notre travail maçonnique doit nous conduire dans un état de divinité lumineuse, en quasi lévitation. C’est une illusion, le monde des bizounours n’existe que pour les enfants. Notre sagesse vient selon moi du sens que nous donnons à chaque événement vécu.
Dès notre entrée en loge, nos rencontres avec nos FF:. et SS:., nous permettent de créer des liens, un peu comme dans notre histoire. Il arrive parfois qu’on soit agacé, qu’on soit aussi parfois agaçant et puis il y a des cas où rien ne se passe et tout va bien… c’est l’harmonie.
Dans les deux premiers cas, cela peut susciter un travail vers l’extérieur, pour forcer indirectement l’autre à devenir conforme à ce que nous jugeons être “normal”. Il existe aussi la possibilité d’envisager un travail d’introspection, afin de se réconcilier avec sa violence intérieure et arriver enfin à ne plus pénétrer dans ces petites ruelles dangereuses qui nous attirent inconsciemment pour leur violence. Car soyons lucides, lorsqu’il y a violence entre deux acteurs d’une scène (agresseur / agressé), il y a bien rencontre pour une même histoire, avec deux humains concernés par la violence. Un est émetteur et l’autre est récepteur, mais ils sont tous deux en vibration de cette même violence. De vous à moi, combien d’entre nous, sommes capables de nous remettre en question lorsque nous croyons être victimes, juste en travaillant sur nous pour changer notre futur ?
Cette question est fondamentale : combien de maçons, parmi les 150 000 qui pratiquent en France, recherchent concrètement un travail personnel sur leur pierre ? Tout le monde sait ce que le voisin doit changer, mais combien peuvent faire réellement un travail d’introspection ?
Ne nous voilons pas la face, même si chacun de nous vient pour trouver la lumière et la fraternité, dès que le premier dérangement survient… nous faisons comme l’éléphant. Tout petit il est attaché avec une corde et un pieux au sol. Il va tirer, une fois, mille fois… sans succès. Puis un jour il renoncera. Une fois adulte, il pourrait tirer avec succès, mais il n’osera jamais se libérer. Il reste attaché à sa corde mais surtout à ses vieux schémas, son monde connu. Pour ce qui est de notre travail maçonnique, il en est de même, on oublie facilement les belles théories. On se comporte au dedans comme au dehors et les frontières de la sagesse disparaissent assez rapidement. Les exemples ne manquent pas. Pour les uns, la frustration viendra d’un plateau ou d’un office qui nous échappe. Pour d’autres, ça pourra être pour un tablier ou un grade mérité, mais attribué à un autre. A une échelle plus grande, on l’a vu récemment, il peut s’agir du grand maître qui sème la zizanie dans l’obédience et à une échelle plus petite, deux candidats qui s’affrontent pour un maillet.
Nous voyons alors apparaître dans la loge, une fusion des matériaux. L’athanor, sous l’effet du feu des passions transmute les métaux et transforme des hommes et des femmes habituellement très fraternels en ennemis jurés. La rencontre brutale des passions renvoie à la case départ toutes ces bonnes volontés. Tout ce que la maçonnerie nous enseigne disparait alors comme par enchantement. On peut donc considérer sans risque d’erreur que le travail mental en maçonnerie, comme dans le reste d’ailleurs, ne mène nulle part. Le vrai travail se trouve dans des couches nettement plus profondes de la conscience ou de l’âme.
Parmi les moyens d’évolution, il est un sujet à travailler, celui sur la substitution. D’où, le thème de ce travail aujourd’hui. : « Les secrets de la substitution en Franc-Maçonnerie »
Tout d’abord qu’est-ce que la substitution ? La définition nous dit qu’il s’agit de : « mettre une personne, ou une chose, à la place d’une autre. Et en quoi ce travail peut il donc nous aider dans notre évolution maçonnique ? »
Regardons autour de nous, nous avons des équerres, des règles, des compas, des tabliers, un soleil, une lune, des maillets…
Chacun sera d’accord avec moi, aucun de ces objets n’a d’utilité opérative en tant que tel. Il s’agit exclusivement de symboles spéculatifs. Tous étant porteurs de sens et de valeur. On peut donc affirmer que leur utilité réside dans ce qui ne se voit pas, ce qui est donc invisible… voir absent !
Continuons la démonstration, nous travaillons ici sur un rite égyptien. Chacun de nous connait donc parfaitement le « mythe osiriaque ». Dois-je le rappeler ? (raconter la légende si besoin)
Dans ce mythe, une femme immaculée enfante d’un Dieu. Ce dernier, aimé de tous, est ensuite tué par un groupe d’humains. Son corps disparait puis réapparait sous une autre forme, mais avec une essence régénérée pour donner la vie à nouveau. Le parallèle est proche avec l’histoire du christ tout le monde l’aura compris.
Dans le cas d’Osiris, la renaissance s’effectue sous la forme d’Horus, son fils, qui naitra grâce aux efforts d’Isis sa femme (sœur). Ainsi, Horus est appelé le petit Osiris. Il va devoir cependant affronter les forces du mal et de la matière en combattant Seth, son oncle qui a assassiné son père. Au final, il s’agit d’un substitut du dieu initial. Notez au passage qu’on parle bien de renaissance et non de résurrection. On assiste à une transmutation et non pas une transformation.
Ainsi, vous conviendrez avec moi que nous travaillons sur des objets qui ne nous servent pas pour ce qu’ils sont, sur un Dieu remplacé par son fils, puis en loge je suis avec des frères ou des sœurs avec lesquelles je peux m’accrocher à tout moment. Rien de ce que je crois ou de ce que je vois n’est-il donc réel ? Tout ceci n’est pas très rassurant quand même, surtout si on démarre un travail initiatique !
Comme le dit le célèbre Mulder dans une série TV non moins célèbre, “la vérité est ailleurs”. Alors ou se trouve t’elle ?
Comme nous pouvons le comprendre avec les mythes et les légendes, ou encore, en regardant nos symboles de loge, c’est par l’absence et l’extraction de l’essence cachée, que se révèlent à nous la compréhension ressentie du travail maçonnique. Pour prendre un parallèle assez éloquent, c’est en quelque sorte grâce à la pierre posée sur la tombe du défunt, que nous pouvons mieux effectuer notre travail de deuil. L’absence de l’être aimé se cristallise dans la pierre, devenue porteuse de la valeur amour. La pierre se substitue alors à la personne disparue. Pourtant cette pierre n’est pas la personne, et pire, le corps au dessous, n’est plus la personne non plus ! Où est donc l’être que nous pleurons ? (accessoirement je rajouterais même « qui pleure qui », mais ne nous égarons pas dans des taquineries intellectuelles)
Prenons un autre exemple concret, le sautoir du second surveillant qui est reconnaissable à son fil à plomb. La loi de la gravité nous amène instinctivement à prendre conscience du mouvement ciel > terre et de la verticalité, signe que l’on retrouve dans le symbole féminin de vénus qui est bien descendant.
Continuons maintenant avec le sautoir du premier surveillant avec son niveau à plomb, qui pour sa part représente plutôt mars, l’horizontalité, le masculin.
Rapprochons les deux lignes et nous avons une équerre à 90°, comme celle du vénérable. Si nous croisons nos deux lignes, on obtient une croix c’est à dire 4 équerres, soit 360°. Nous sommes donc en présence non pas de signes qui nous indiquent une direction, mais plutôt de symboles qui portent un sens et par conséquent, produisent un effet. Or, l’effet produit résulte non pas du symbole lui-même, mais bien de la substitution. Car l’équerre seule n’aurait aucun effet si elle ne recelait pas un message, une essence qu’il convient de décoder. Je vais revenir plus en détail sur ce principe.
Prenons un peu de recul et raisonnons maintenant par l’absurde. Intéressons-nous à un symbole totalement vide de sens et d’effet : le petit LU (le gâteau de chez Lefèvre Utile). Tout le monde le connait ? Vous ne le savez peut-être pas, mais il est très symbolique. Il a 4 oreilles qui correspondent aux 4 saisons, il a 52 dents qui correspondent aux 52 semaines et vous pouvez vérifier, il y a aussi 24 trous au centre qui correspondent aux 24 heures. Pourtant, je peux vous assurer qu’en restant une année durant en prosternation devant un petit LU, il ne se passera rien.
Quant à l’équerre que l’on retrouve dans la mise à l’ordre, le signe pénal, le pas d’apprenti, et même la prise de parole à trois personnages en loge… elle est bien porteuse d’un sens concret. Essayons de voir de quelle substitution il pourrait bien s’agir.
Je vais vous aider à me suivre dans cette logique. Imaginez une ligne de temps. Chaque trait sur la ligne symbolise une seconde. Posez sur cette ligne notre fameuse équerre pour représenter la seconde présente dans sa verticalité, bien enracinée dans la terre. Grâce à une télécommande magique fournie par le Dieu Chronos, arrêtons le temps quelques instants. Cette seconde est donc le “ici et maintenant”. La seconde d’avant est déjà morte, nous devons en faire le deuil. Elle a transmuté et se trouve désormais contenu dans la seconde du présent.
Quant à la seconde d’après qui n’est pas encore née, nous devons faire le deuil de son espoir. Car il est possible qu’on ne la voit jamais ? La seule seconde qui soit réelle et digne d’intérêt, est bien celle du moment actuel. Celle qui symbolise le présent. Notre équerre peut donc maintenant se charger du sens de la seconde immédiate, tout en conservant, bien vivante, la mémoire ou le potentiel, des deux autres secondes (passée et future). Comme le rappelle d’ailleurs notre rituel, nos travaux débutent à midi, l’heure de la verticalité absolue, celle du présent.
Nous voyons bien dans cette scène, un exemple d’histoire de substitution derrière le symbole. Je n’en dirai pas plus pour ce soir. Car maintenant, il s’agit avec votre âme de maçon de vous laisser toucher par toutes les substitutions qui nous entourent et de laisser agir ce principe en vous afin de l’extrapoler.
Une bonne planche étant une planche qui suscite plus de questions que de réponses, il me semble urgent de rendre la parole.
J’ai dit