sam 23 novembre 2024 - 02:11

(Éphéméride) 9 février 1975 : Notre Frère Pierre Dac passe à l’Orient Éternel

De son vrai nom, André Isaac (1893-1975), il va prendre le nom de scène Pierre Dac. C’est un humoriste et un comédien.

Sa vie profane

Il débute en octobre 1922 à La Vache Enragée, l’un des plus célèbres cabarets de Montmartre.

La Vache Enragée au 25 de la rue Lepic (Paris , 1925)

Très rapidement, il s’impose à travers des pensées et des monologues qui n’ont rien à voir avec le style des chansonniers d’alors.

Les plus illustres d’entre eux écrivent au jour le jour des couplets sarcastiques ou des parodies politiques.

Pierre Dac préfère passer des nuits entières à tourner en dérision les situations absurdes de notre vie quotidienne, les paradoxes insolites de notre société.

Il jongle avec les mots et manie le calembour avec dextérité. Le plus beau compliment que l’on puisse me faire à propos de mes textes, affirme-t-il alors, c’est de dire “c’est complètement con, mais c’est vrai. “.

Il devient rapidement le Roi des Loufoques un mot alors inconnu de la plupart des Français, mais qu’il a entendu des centaines de fois dans son enfance.

Il signifie « fou » en louchébem, de son nom complet largonji des louchébems, « jargon des bouchers », qui désigne l’argot des bouchers parisiens et lyonnais de la première moitié du XIXème siècle, la profession de son père.

Un papa affichant, en permanence, un humour dont le fils s’inspire pour créer des textes qui, soixante ans après, demeurent plus que jamais d’actualité.

Entre 1922 et 1940, il se produit ainsi dans tous les grands cabarets parisiens.

Il est à l’affiche de La Lune Rousse, du Caveau de la République, du Coucou ou des Noctambules.

On l’applaudit aussi au Fiacre, animé par René Goupil, plus connu sous le pseudonyme de O’Dett.

Tandis qu’en première partie débute un duo baptisé “Charles et Johnny”, il crée Le père des deux orphelines et surtout une parodie de Phèdre, qui va devenir un classique du music-hall.

Sur les ondes de Radio-Cité, puis sur le Poste Parisien, à l’heure de l’envol des stations privées, il crée les premières émissions humoristiques : L’Académie des Travailleurs du Chapeau, La Course au trésor et Le Club des Loufoques.

Chaque dimanche, il préside ainsi les sessions de la S.D.L. (Société des Loufoques) dont les initiales rappellent la S.D.N., l’ancêtre de l’O.N.U.

À l’antenne, il est entouré de GKW Van den Paraboum, Léopold Lavolaille et du Capitaine Adhémar de la Cancoillotte qui sont, en réalité, une seule et même personne : Fernand Rauzéna.

Ce comédien, capable de prendre plusieurs voix, se trouve aussi doué d’une immense culture : il connait le dictionnaire par coeur et peut réciter, sans se tromper, la plupart des définitions des mots de notre langue. Pendant dix ans, Dac et Rauzéna vont écrire des centaines de sketches pour la radio.

Un projet qu’il caresse depuis le lendemain de l’Appel du 18 juin : rejoindre en Angleterre l’équipe du Général de Gaulle n’est toutefois pas facile et, pour y parvenir, il va traverser des moments extrêmement difficiles.

Plusieurs tentatives d’évasion lui sont en effet nécessaires pour quitter la France occupée.

Un premier essai par les Pyrénées se termine à la Carcel Modelo de Barcelone. « Si Louis XIV se les étaient farcies comme moi, il n’aurait jamais dit : il n’y a plus de Pyrénées », s’exclame-t-il avant d’être enfermé pendant quatre mois dans une cellule habituellement réservée aux condamnés à mort.

Reconduit à la frontière, il est aussitôt incarcéré, pendant trente jours, à la maison d’arrêt de Perpignan.

Au juge qui lui demande pourquoi il a voulu fuir son pays, il répond « en France, il y avait deux personnages célèbres, le Maréchal Pétain et moi. La nation ayant choisi le premier, je n’ai plus rien à faire ici ».

Il le confirme quelques semaines plus tard en repassant en Espagne, muni cette fois, d’un passeport canadien au nom de Pierre Duval.

Arrêté à bord d’un train, il passe près d’une année en détention, successivement à Barcelone, Lerida et Valencia de Alcantara.

Par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, il finit par être échangé, comme beaucoup de prisonniers, contre des sacs de blé.

Le temps de traverser le Portugal et d’attendre, à Alger, le moment opportun, et le voici enfin sur ce qu’il considère comme sa terre promise.

Le 31 octobre 1943, Pierre Dac devient officiellement, au micro de la BBC à Londres, l’un des « Français qui parlent aux Français ».

Les Français parlent aux Français est une émission quotidienne radiophonique en français sur les ondes de la BBC (Radio Londres)

Pendant neuf mois, à travers ses éditoriaux et ses chansons, il va combattre l’occupant à coups de polémiques qui vont toucher leurs cibles.

Plusieurs fois par semaine, sur les ondes de la BBC, Pierre Dac va engager des duels oratoires qui sont aujourd’hui entrés dans l’histoire.

Son monologue, prononcé en juin 1944 contre Philippe Henriot, demeure en particulier un modèle du genre.

Attaqué sur les ondes de Radio-Paris par cet éditorialiste au service de l’occupant, il lui répond par un texte d’une gravité extrême, intitulé Bagatelle pour un tombeau.

Des paroles prophétiques puisqu’il prononce l’épitaphe de son adversaire, quinze jours avant qu’il ne soit abattu par des résistants.

Ses interventions sont réalisées en direct, à l’inverse des chansons enregistrées plusieurs fois par semaine, dans les studios de Maida Vale, dans la banlieue de Londres. “

Ses émissions sont un prélude à la carrière qu’il fera avec Francis Blanche.

Il crée alors le Parti d’en rire (1949) puis ‘le MOU’ mouvement ondulatoire unifié avec Jean Yanne et Goscinny : ces initiatives le conduisent à être candidat à la présidence de la République quelques années avant Coluche.

Il s’est également lancé dans l’écriture de romans parodiques comme Du côté d’ailleurs… (1953), Les Pédicures de l’âme en 1974.

Information méconnue du public, Pierre Dac s’avère être le précurseur du faux journal télévisé.

Sa vie maçonnique

Pierre Dac a été membre de la Grande Loge de France. Du moins, c’est comme tel qu’il est mentionné dans le bulletin de la « Ligue universelle des Francs-Maçons » de janvier 1982.

On le dit initié à la Loge « Les inséparables d’Osiris ». C’est sous l’influence de son ami Léo Campion (1905-1992), chansonnier et caricaturiste, 33e , qu’il reçut les bienfaits de l’initiation, mais fut, semble-t-il, déçu.

Pour d’autres, il est reçu Apprenti à la Loge « Les Compagnons ardents » de la Grande Loge de France le 18 mars 1946. Il en restera membre jusqu’en 1952.

Le rituel des voyous

Pierre Dac a rédigé une parodie de rituel maçonnique devenue célèbre dans la franc-maçonnerie française, le Rituel du Premier Degré Symbolique de la Grande Loge des Voyous.

Le Taulier est le Vénérable Maître ; les 1er et 2nd Matons sont les deux Surveillants ; le Bignoleur, le Couvreur ; le Greffier, le Secrétaire et le Baratineur l’orateur. Ce rituel des voyous vous semble obscur ?

Extrait :

« L’ouverture des travaux :

Le Taulier : Frangin deuxième maton, quel est le premier turbin d’un maton en carrée ?

2e Maton : Taulier, c’est de bigler si la carrée n’a pas de courants d’air et si la lourde est bien bouclée.

Le Taulier : Veux-tu bien gaffer frangibus ?

2e Maton : Frangin bignoleur, veux-tu bigler si la carrée est aux pommes et décambuter en loucedé pour arnaquer les loquedus ?

Le Bignoleur (de retour) : Y’a que dalle Chef !

2e Maton : Frangin Taulier, la cabane est réglo… »

Sources : http://www.zinfos974.com ; Le Ligou

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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