ven 22 novembre 2024 - 20:11

La poignée de main… si chère aux francs-maçons

De notre confrère franceculture.fr – Par Yann Lagarde

Il y a quelques temps, crise sanitaire oblige, France-Inter s’est inquiétée de cette vieille coutume, si chère aux maçons de la poignée de main. Nous le constatons à chaque Tenue, la distanciation sociale, nous prive de ce rituel, créant ainsi une forte frustration. On pourrait penser que le coude pourrait remplacer sans peine la main, mais il n’en est rien. Les maçons sont orphelins et attendent avec impatience le retour à la normal pour se serrer la main selon leur grade… ou se faire la bise. Nous aborderons d’ailleurs ce second rituel dans un prochain article.

En Europe, vous avez l’habitude de vous saluer en vous serrant la main ? Pourtant, dans d’autres cultures, on a appris à se saluer sans se toucher.
 

On trouve les premières poignées de main dans l’Antiquité grecque, sur des stèles du Ve siècle avant J-C. Homère en faisait déjà mention dans L’Iliade.

Ils mettent pied à terre, et, joyeux,        
tous les accueillent avec les mains droites et de douces paroles

La poignée de main est alors une manière de sceller une alliance, de montrer qu’on vient en paix ou de prêter allégeance.

Selon une légende érudite, on pratiquait ce geste pour montrer que l’on venait sans arme dans la main et vérifier que l’autre ne cachait pas un poignard dans sa manche.

Un usage beaucoup plus récent

Pendant des siècles, ce geste est réservé à la politique et à la diplomatie, ce n’est pas encore un geste de salutation populaire.

C’est au XIXe siècle, dans le monde rural que la poignée de main se démocratise vraiment. Les paysans prennent l’habitude de “toper” dans la main de l’autre après une transaction, durant les foires ou les marchés.

Emmanuel Désveaux, anthropologue : « En se serrant la main, on se met en position d’égaux à égaux. C’est le signe d’un accord et d’une confiance et en même temps une manière de se congratuler d’avoir fait affaire. C’est au XIXe siècle que ce contractualisme se met en place, avec peut-être l’idée républicaine d’égalité entre les sujets qui se se substitue à des systèmes de révérence dans une hiérarchie. »

Avec la mondialisation et le commerce, la poignée de main s’est imposée dans les échanges. Mais cette forme de contact n’est pas évidente dans de nombreuses cultures.

Emmanuel Désveaux : « Je pense qu’il y a des civilisations du contact entre individus et des civilisations de la distance. Une civilisation de la distance, ce sont par exemple les Amérindiens du Nord ou du Sud, ce sont des gens qui prennent toujours leurs distances. Chez eux, la parole prime toujours sur le contact humain. Le serrage demain est en fait une formule intermédiaire, parce qu’on garde quand même une distance, on est à 80 cm, ou un 1 mètre de l’autre mais on a quand même un contact physique avec l’autre, même s’il est ponctuel et limité à une partie du corps. »

Dans de nombreuses cultures asiatiques, les salutations se font sans aucun contact. Au Tibet, par exemple,  le salut traditionnel se fait en tirant la langue, une manière de montrer qu’on n’est pas une réincarnation d’un roi maudit du IXe siècle, qui avait la langue noire selon la légende.

Des usages différenciés dans le monde

En Inde, le namasté (“je m’incline devant toi” en sanskrit) se fait les deux mains jointes au niveau de la poitrine. En Thaïlande, le wai se fait autant pour saluer que pour remercier. Plus les mains sont hautes, plus le respect témoigné est grand.

Au Japon, c’est “l’ojigi“, une courbette qui varie selon le statut de l’interlocuteur.

Emmanuel Désveaux : « Il y a tout un degré d’inclinaison entre celui qui se penche le plus et celui qui se penche le moins. Avec soit une surenchère comme au Japon, pour être le plus poli possible, soit des systèmes, comme en Inde ou en Chine où les gens s’inclinent face à l’autre, tout en gardant conscience de leur position sociale les uns vis-à-vis des autres. La poignée de main, elle abolit tout ça. Elle crée une véritable fiction d’égalité entre les partenaires. »

Un peu d’histoire

Plusieurs indices archéologiques antiques (dessins sur poterie, bas-reliefs) prouvent que l’introduction du geste est bien antérieure au Moyen Âge. La poignée de main est en effet attestée dès la Grèce antique.

Dans la Grèce antique, pendant plusieurs siècles des termes polysémiques ont été utilisés pour parler de saluts et/ou de poignées de mains, réalisés avec le côté droit.

En langue française, au xvie siècle, en 1587 on utilise l’expression pour donner la main & pour la recevoir dans une traduction du latin au français du verset 2 Machabées 14,19 du deuxième livre des Maccabées où Nicanor et Judas après avoir été ennemi choisissent de traiter et se réunir seul à seul pour conclure un traité et laisser l’amitié régner entre eux. L’expression francophone vient du latin ut darent dextras atque acciperent elle même issue de la version grecque originale δοῦναι καὶ λαβεῖν δεξιάς qui renverrait à la main droite.

En langue française, au xviie siècle, on utilise l’expression toucher la main plutôt que poignée de main :

  • l’expression salut et toucher la main à main est utilisée par l’Arioste dans une traduction naïve de 1618 ;
  • l’expression luy toucher la main en signe de paix & d’amitié, & emporter avec eux ce gage de foy & d’alliance est utilisée par Pierre Du Ryer, en 1653, dans Les Décades de Tite Live ;
  • l’expression toucher la main, pour dire qu’ils étaient d’accord. est utilisée dans les réponses aux Lettres provinciales publiées par le secrétaire de Port-Royal contre les PP. de la Compagnie de Jésus , sur le sujet de la morale des dits Pères, en 1657 ;
  • l’expression toucher la main de tous les assistants, & leur met la main sur la tête est utilisée en 1677 par Balthasar de Monconys à la suite d’un voyage en Égypte.

Au xviie siècle dans les terres australes, Denis Vairasse rapporte qu’« à leurs égaux ils font seulement un geste de la main, la posant sur leur poitrine, & puis la laissant tomber à côté » et « c’est dans les danses & non ailleurs que les jeunes hommes ont la liberté de leur toucher la main, & pour les personnes d’un même sexe, il leur est permis de se la donner en signe d’amitié ».

Au xviie siècle les Quakers l’adoptent pour signifier l’amitié et l’égalité. Au XIX, elle devient dans le monde anglo-saxon un geste de salutation virile.

Elle se diffuse ensuite dans le reste du monde : en Chine par exemple, en 1914, elle est enseignée dans les écoles, dans une volonté de rupture avec les anciennes salutations devant marquer la hiérarchie sociale. Désormais, la poignée de main symbolise un idéal démocratique égalitaire, que veut promouvoir la jeune République de Chine. En France, après la Première Guerre mondiale, alors que l’américanisation des mœurs et l’union sacrée des classes sociales ont gagné le pays, ce geste s’impose dans la vie quotidienne. Adieu d’un soldat américain pendant la Première Guerre mondiale.

Au xxe siècle, la poignée de main s’installe aussi dans le champ médiatique, notamment lors des rencontres entre chefs d’État et des évènements sportifs, matérialisant ainsi une égalité de principe entre chaque pays.

Poignées droitières

Beaucoup de ces poignées de mains sont droitières.

Deux hypothèses, assez similaires toutefois, proposent par exemple une explication quant à l’origine de cette pratique :

  • selon la première hypothèse, qui remonte au temps des chevaliers, tendre la main droite (car tous les chevaliers étaient formés pour être droitiers), indiquait que l’on n’avait pas l’intention de dégainer son épée pour s’en servir contre la personne d’en face ;
  • selon la seconde hypothèse, la poignée de main permettait aux interlocuteurs de montrer qu’ils venaient sans arme qui aurait pu être cachée dans le poing ou la manche12,11.

Variantes

Des poignées de main particulières servent aussi de signe de ralliement à une communauté : les francs-maçons ont ainsi une poignée de main particulière entre eux. Parfois, la poignée de main est remplacée par une séquence plus ou moins longue ou élaborée de gestes comme se taper dans la main à plat avant de se taper les poings fermés et de se taper la poitrine à l’emplacement du cœur. Certains gestes sont parfois difficiles à accomplir, comme claquer des doigts simultanément tout en se serrant la main en claquant son pouce sur la main de l’autre. Les poignées de main de la main gauche restent exceptionnelles.

Hygiène

Lorsque la poignée de main lève des considérations d’hygiène, comme durant une épidémie, des alternatives peuvent être utilisées comme la salutation par le coude.

Au cours de la pandémie de Covid-19 (2020), la poignée de main, au même titre que les autres contacts physiques, est déconseillée et s’est raréfiée, par mesure d’hygiène.

Héraldique

D’azur à la foi d’or, accompagnée en pointe d’une coquille d’argent.

La foi est la représentation d’une poignée de main en héraldique. La foi est normalement posée en fasce (ce qui n’est pas blasonné), mais peut également être en bande ou en barre. Elle est dite parée lorsque les poignets sont couverts de bracelets ou de manche. À l’origine, elles représentent l’allégeance.

Source Wikipedia

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