L’alchimie est la pratique de l’Art Royal. Pourquoi le dit-on Royal ? Parce que les alchimistes du moyen âge cherchaient dans l’opération alchimique, l’obtention ou la naissance du Regulus, ou petit roi, germe de la pierre philosophale, enfant du mariage symbolique du Soleil et de la Lune.
Cette union symbolique des deux pôles, on la retrouve dans les noces chymiques de Christian Rosenkreutz. Elle figure le mariage intime des deux matières, c’est à dire du Soleil et de la Lune, du masculin et du féminin sacrés et sur un plan concret opératif, l’union de Mars et de Vénus. Cette union pour les alchimistes, aboutira à la production d’un petit roi ou Regulus, et qui donnera naissance au processus de l’Art Royal.
L’alchimie est plus un art qu’une technique. Elle est l’art de l’amour, art hermétique, sublimé par l’observation respectueuse et pénétrante du vivant.
Pénétrante, car il est une force qui pénètre tout ce qui vit et dans laquelle toute vie, toute matière trouve l’aliment qui lui est propre. La chimie, qui s’intéresse aux processus est exotérique, lors que l’alchimie, d’essence spirituelle, est ésotérique et hermétique.
Pratiquer l’alchimie, c’est mettre en œuvre ce merveilleux dessein qui consiste à extraire de toute matière, minérale, animale ou végétale, le principe de vie, l’étincelle divine au cœur de toute chose. Une fois la matière dissoute, elle est coagulée de façon subtile en une autre forme, qui lui donne un autre aspect et fait d’elle un organisme vivant participant à l’Œuvre divin. Car ce qui anime subtilement la matière, c’est l’étincelle d’esprit qu’elle recèle.
Du monde minéral au monde spirituel, l’apparente dureté des formes ou la subtilité de l’être n’est qu’une question de dosage ; dosage de l’étincelle divine, qui enlumine le minéral ou illumine l’esprit, sur une échelle progressive qui va du gris foncé au blanc étincelant. Cela les alchimistes le savent et mettent en œuvre le principe du solve coagula, pour dissoudre et recréer sans cesse ; pour modifier, grâce à la loi des correspondances, les dosages d’esprit et de matière, à l’intérieur du monde des formes par l’action du soufre, du mercure et du sel, c’est à dire de l’esprit, du corps et de l’âme du monde. Les alchimistes appliquent cette action aux formes subtiles, comme aux formes grossières, à l’esprit, comme à la pierre.
L’alchimie est ainsi un dialogue permanent du vivant avec le vivant. Elle dissout et recompose la matière après lui avoir fait subir une série de purifications. Elle effectue ce processus autant de fois que nécessaire jusqu’à obtention d’une substance qui reflète l’équilibre le plus parfait entre matière et esprit : la pierre philosophale.
Ainsi, la connaissance alchimique est-elle la capacité à faire vibrer notre être en harmonie l’être qu’on désire contacter ou connaître, qu’il s’agisse d’un être minéral, végétal, animal ou encore humain. L’alchimiste insuffle l’esprit dans la matière, que ce soit le corps minéral grossier d’une pierre brute, ou le corps astral d’un être humain. C’est pourquoi en alchimie, l’oratoire, n’est jamais loin du laboratoire.
L’alchimiste est donc conduit au travers de sa pratique à porter un autre regard sur la nature afin de “Délivrer l’esprit par la matière et délivrer la matière par l’esprit”.
Mais comment pratiquer l’alchimie demande le disciple ? C’est très simple lui répond le Maître : « Regarde la nature. Tu me dis que tu la connais déjà, que tu la regardes chaque matin par ta fenêtre, en te promenant dans la forêt, ou dans ton jardin… Non. C’est autre chose que je te demande. Lorsque tu ouvres ta fenêtre le matin, regarde les arbres sans cligner des yeux. Tu ne penseras à rien d’autre qu’à garder les yeux ouverts sans que tes paupières ne cherchent à faire concurrence aux ailes des papillons. Ainsi, tu évacueras les perturbations du mental.
Au bout de quelques temps, une minute complète parfois, une éternité ! Tu verras se dessiner autour des arbres comme un halo subtil. Puis peu à peu, quand les larmes commenceront à couler, tu ne te contenteras plus de voir ce halo, tu verras progressivement se dégager de chaque plante, de chaque brin d’herbe, comme une aura d’énergie subtile qui fera monter vers toi toute la force de la terre. Et cette aura se mêlant à la tienne, tu ne distingueras bientôt plus les formes pour n’en retenir que la vie. Cette force vibrante, colossale, qui élèvera bientôt les vibrations de ton corps jusqu’au point central de la Création, tu la garderas en toi, et lorsque dans ton laboratoire tu procèderas à l’Opération, tu remercieras sans cesse le Créateur de te faire accéder avec autant de simplicité au principe vivant de toute chose.
C’est ainsi que toute opération, tu ne pourras conclure que par une prière ; une prière à l’âme du monde, prière au principe vibratoire de toute chose, à la Force sacrée de l’univers qui dynamise et ordonne toute Création en insufflant son feu divin à travers la matière et les âmes.
C’est pour cela que tu ne pourras distinguer en leur essence l’alchimie opérative, voie humide ou voie sèche, de l’alchimie spirituelle ou voie brève qui est le principe même de toute initiation ».
Ainsi parle le Maître à son disciple, car avant de savoir, il s’agit de percevoir…
Dans le règne minéral, la pierre philosophale transmute le plomb en or, dans le règne végétal elle accélère la fabrication des élixirs et sur le plan humain elle devient être de feu, par lequel la nature spirituelle se renouvelle.
De façon similaire à la franc-maçonnerie, l’alchimie aborde les phénomènes de l’intérieur vers l’extérieur, donc de l’essence vers l’apparence formelle.
Ainsi, Art royal et franc-maçonnerie fusionnent-ils totalement en leur principe. Oswald Wirth auteur, entre autres d’un ouvrage consacré à l’Art Royal, définit la mission de la Franc-maçonnerie comme rejoignant pleinement la cohérence alchimique au travers de l’alchimie spirituelle.
Initiation donc, et travail ; travail sur la Connaissance avec des outils symboliques, et travail sur soi qui est méditation, travail sur les éléments et l’alchimie intime du corps spirituel, qui est alchimie du feu céleste.
Ora et labora, Prie et travaille, devise des premiers alchimistes mais également règle de vie des bénédictins, dont ceux-ci n’ont sans doute pas la paternité. Qu’on soit ou non dans la foi, qu’il s’agisse de prière d’initié ou de méditation, le travail sur soi est incontournable pour faire fructifier les germes que l’initiation a jetés en nous.
Notre rituel d’initiation fourmille de symboles alchimiques. Regardons simplement le cabinet de réflexion, qui réunit les trois principes alchimiques de base que sont le Soufre, symbole de l’esprit, le Sel, symbole de la Sagesse et de la Science, et le mercure sous la forme du coq, attribut d’Hermès.
Vous n’approchez pas la pratique de l’Art Royal. Vous êtes en plein dedans, dès que vous entrez en loge. N’avez-vous pas entendu dire ici et là aux agapes, ou lors d’une discussion que notre rituel est magique ? Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Un premier travail peut consister à allier fructueusement connaissance et symboles. Les symboles sont les portes que nous ouvre l’initiation pour aller vers notre être intérieur autrement dit, pour bâtir notre temple intérieur et réaliser en nous la quintessence des éléments, l’or alchimique de notre âme.
La Franc-maçonnerie symbolique et tout particulièrement la Franc-maçonnerie Egyptienne met pour cela à notre disposition tout une panoplie d’outils. En étudiant simplement ce que nous apportent ces outils, sans même aller chercher ailleurs, il y a là le travail de tout une vie. C’est pourquoi il est couramment admis que toute l’essence du travail initiatique est accessible à travers les trois premiers degrés de la franc-maçonnerie, qui matérialisent l’Œuvre tout entier. Mais encore faut-il ouvrir les yeux pour voir et devenir conscient du trésor qui est devant nous.
Tout d’abord le rituel. Le rituel de Memphis-Misraïm a une valeur alchimique certaine. Je ne ferai pas ici pour vous le travail, car chaque travail est unique et délivre au cherchant les messages qui correspondent à sa quête. D’où le sens de « ora et labora ».
Parmi les outils que la franc-maçonnerie met à notre disposition, il y a aussi, bien naturellement nos outils, l’équerre, le compas, la règle, pour ne citer qu’eux et le travail symbolique que le maçon effectue avec ces outils. Le maçon qui travaille chaque jour son être intérieur n’est pas en franc-maçonnerie spéculative. Affirmer qu’on ne doit demeurer que spéculatif c’est accepter d’ânonner comme de bons élèves, la science des ignorants. La Franc-maçonnerie symbolique est initiatique. C’est à dire qu’elle participe à la création du temple intérieur, à l’épuration de ses lignes. De spéculative, pour le maçon qui travaille, elle devient pleinement opérative, par la pratique de l’Art Royal, de l’alchimie subtile, qui transforme ainsi l’or des bâtisseurs en or du temps, intégré à notre âme.