Je m’apprêtais à sortir quand je suis tombé sur une phrase de Saint-Augustin : « Noli foras ire, in teipsum redi; in interiore homine habitat veritas. », « Ne t’en va pas au-dehors, rentre en toi-même ; c’est à l’intérieur de l’homme qu’habite la vérité ». La vérité ? Diable (que le saint me pardonne) savoir où habite la vérité, c’est tout de même quelque chose ! Depuis belle lurette je voulais la voir, la vérité, d’autant plus qu’elle est nue en sortant du puits, comme chacun sait. C’est sacrément engageant, non ? Merci Saint Augustin !
Bref, me voilà me recroquevillant, me rabougrissant, me minimisant, accomplissant des efforts considérables pour rentrer en moi-même. Je tenais absolument à trouver le puits, mettez-vous à ma place ! Mais se rapetisser n’est pas une mince affaire. C’est très douloureux, surtout au niveau du crâne. On se demande même si on va pouvoir garder ses pensées. Heureusement qu’elles n’étaient pas bien grandes ni très nombreuses, mes pensées…
Pourtant, il est absolument nécessaire de devenir tout petit petit car il n’y a pas beaucoup d’espace de libre à l’intérieur de soi. Sans compter que le cœur, ça fait un de ces boucans ! Tout assourdi je me rapprochai du poumon et là il y avait un courant d’air à vous plaquer contre les parois pour ne pas être expulsé. Il fallait s’accrocher aux petites aspérités comme un escaladeur de l’extrême.
J’arrivai, non sans mal, au plexus solaire pour observer le soleil de minuit qui ne s’y couche jamais. Quel spectacle ! On voyait arriver les émotions par trains entiers, les wagonnets les déchargeaient et elles se bronzaient quelque temps avant de repartir, toutes guillerettes, vibrant et se trémoussant avec une lascivité qui faisait penser que l’amour existe.
Mais toujours pas de puits.
Soudain je l’ai vue, la vérité. Mon cœur battait la chamade ; heureusement qu’il était loin. J’écarquillais les yeux, car c’était dans un espace en clair-obscur, qui me semblait très vaste, l’estomac sans doute. J’ai pu m’y étirer à mon aise avant d’accoutumer mes yeux à la pénombre. Elle était là sur la margelle, revêtue de la beauté d’Aphrodite, avec des seins de Vénus de Milo et des hanches pleines, comme celles des Grâces de jadis. Une vraie femme, me suis-je dit. Pas étonnant que la vérité soit courtisée ; avec un tel corps ! Elle s’approcha de moi, me prit la main et me regarda. À mon grand étonnement, elle avait des yeux totalement transparents. Approchant ses lèvres, elle m’embrassa alors d’un baiser profond et brûlant qui me fit chavirer d’un coup et je tombai dans le puits en n’écoutant que l’écho de mes cris.
Jean François Maury
Quel talent de conteur avant la chute dans le puits !
La Vérité est donc si lointaine et mystérieuse ???
Vaut mieux donc mentir effrontément, aller se rhabiller et sortir de chez soi ???
Autant de questions ….. jusqu’à la fin de l’été !!!