La lutte et l’éducation contre le racisme n’ont pas empêché l’émergence du racialisme, cette revendication de la couleur de peau comme seul marqueur de valeur morale.
Quand j’étais gamin, dans les années 80 donc, le corps enseignant tentait de sensibiliser et d’éduquer au mieux les enfants à la lutte contre le racisme. Il faut dire que ces années là, nous étions sous un gouvernement et un Etat de gauche (encore que ceci soit sujet à débat, mais c’est une autre histoire), qui se voulait humaniste et universaliste. L’idée était de rassembler et d’inclure les descendants d’esclaves antillais, des colonisés ou travailleurs immigrés des pays d’Afrique ou d’Océanie ou d’offrir une vie nouvelle aux Boat People arrivés d’Asie. Le racisme était une réalité à l’époque : insultes régulières, mesquineries policières (héritées de la guerre d’Algérie) etc. Il fallait également compter avec les messages de l’extrême-droite, selon laquelle les immigrés voleraient leurs emplois aux bons français. Notons qu’il s’agit ici d’une constante : les plus racistes sont eux-mêmes descendants d’immigrés etc. D’un côté, nous avions donc les plus conservateurs vivant dans la crainte de l’étranger susceptible d’être un agresseur/violeur/escroc/meurtrier et expliquant que notre pays était, je cite « un pays de race blanche ». De l’autre, chez les progressistes, notre pays devait être une terre d’accueil et nous devions accueillir les immigrés et exilés avec toute l’humanité dont nous pouvions être capables. Car bien souvent, les immigrés et exilés fuyaient des catastrophes que l’Occident avait provoquées. On remarquera que trente ans après, rien n’a changé… Ce qui me fait citer M. Michel Rocard (que l’on tronque trop souvent) : « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part ».
Il y avait également une tentation forte : le modèle de l’Apartheid d’Afrique du Sud. Le rêve des plus conservateurs était probablement d’instaurer une forme d’Apartheid. Ce qu’ils échouèrent à faire, en dépit de singularités (discriminations à l’embauche, à l’entrée en discothèque etc.).
Les scientifiques eux-mêmes mirent tout le monde d’accord : la notion de race n’a strictement aucun sens en ce qui concerne l’humanité. Pas de race de quoi que ce soit. Et le message que tentaient de nous inculquer nos instituteurs, c’est que la couleur de peau n’est en aucun cas liée à la valeur morale de qui que ce soit. Autrement dit, le racisme n’a aucun p….. de sens.
Certes, la société n’est pas parfaite, loin de là. Il suffit de lire la presse chaque jour. Mais nous n’avons pas encore atteint le degré de l’Afrique du Sud des années 80 ou des Etats-Unis ségrégationnistes. Les problèmes que nous connaissons ne sont pas les mêmes, ce qui ne les rend pas moins graves, certes, mais ne les rend pas comparables non plus. Nous ne sommes pas aux States, et si nous pouvions éviter de les imiter (sauf en ce qui concerne la politique de M. Joe Biden, mais c’est une autre histoire), nous nous en porterions mieux.
Et puis sont arrivés les machins-studies, l’intersectionnalité des luttes, la désignation de l’Homme Blanc Dominant comme ennemi universel responsable des malheurs du monde, l’appropriation culturelle, le mouvement woke et cette absurdité qu’est le racialisme.
Selon les tenants de cette dernière idéologie, le méchant Homme Blanc Dominant serait incapable de compassion, d’empathie et donc ne devrait pas s’exprimer au nom d’autres que lui, qui eux sont les gentils parce que minoritaires, dominés et oppressés historiquement…
C’est avec ces théories que des polémiques ont été déclenchées parce qu’un éditeur a choisi une traductrice européenne blanche de peau pour traduire en langue néerlandaise l’oeuvre de la poétesse américaine Amanda Gormani…
En fait, il faut comprendre que pour le racialiste, la valeur morale de l’individu est liée à la couleur de son épiderme. Mieux, elle est une fonction croissante de la concentration en mélatonine de l’épiderme. Donc, si on a la peau blanche, on est une personne mauvaise et si on a la peau noire, on est une personne bonne… Et si on est entre les deux, tant pis, on est prié de ne pas chercher à s’intégrer aux « réunions non mixtes racisées ». J’imagine qu’il faut correspondre à un nuancier, non ? Mais du coup, que fait-on des personnes atteintes d’albinisme ? Dans quelle case du nuancier faut-il les cataloguer ?
Assigner une identité en fonction de la concentration en mélanine, ou attribuer une valeur morale à la couleur de peau, n’est-ce pas exactement la définition du racisme, que cherchaient justement à combattre les instituteurs des années 80 ?
J’ai l’impression que le travail fait par la société civile, l’Education Nationale, SOS Racisme, la Marche des Beurs, Amnesty International mais aussi les loges maçonniques a volé en éclats ! Et je suis très en colère. Mes parents, nos prédécesseurs se sont battus contre le racisme. Je me suis moi-même engagé contre l’extrême-droite durant mes études. Tout ça pour quoi ? Pour entendre dire que je suis une personne mauvaise parce que homme et blanc de peau. Heureusement, il suffit d’observer les personnes dans les transports en commun pour se rendre compte que les théories racialistes n’ont strictement aucun sens : l’incivisme, l’égoïsme et la bêtise n’ont pas de couleur de peau. Les hautes valeurs morales non plus, d’ailleurs.
Certains soirs, j’aimerais déposer les armes mais mon serment de Franc-maçon m’en empêche. En fait, ces comportements sont avant tout le fait d’ignorants, de fanatiques et d’ambitieux, dont le but est d’imposer un modèle communautariste dans une société universaliste. Autrement dit, de séparer ce qui ne devrait pas l’être. C’est un combat de tous les instants que de rassembler ce qui est épars et de réunir tout le monde. Pourtant, des outils, des ciments existent : la fraternité comme valeur, la laïcité, l’amour pour ceux qui y croient encore… Ou la misanthropie, qui permet elle aussi d’abolir les frontières.
Moralité : quand vous en avez assez des discours communautaires en tout genre, quand les étiquettes diverses vous agacent, ou quand la course au misérabilisme vous fait désespérer de l’humanité, faites comme moi, soyez inclusifs, soyez universalistes, devenez misanthropes.
Je vous embrasse.
PS : Faites encore mieux : lisez Tania de Montaigne ou Rachel Kahn. Des regards nuancés et intelligents.
iIl est aussi possible que cette polémique n’ait été qu’un coup grossier destiné à créer un buzz autour de la sortie de l’ouvrage d’Amanda Gorman, the Hill we climb.