Les tavernes de la Franc-Maçonnerie, des restaurants clandestins !

Des restaurants clandestins !

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1768

Depuis le Moyen Âge, les tavernes sont le pire ennemi de l’Église[1]. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que les loges ont commencé à être numérotées. Auparavant, une loge maçonnique tenait son nom de l’auberge, de la taverne (pubs à Londres, arrière-salles chez les traiteurs à Paris), dans laquelle les frères se rencontraient.

La réunion mythique, qui détermina la naissance de la Grande Loge de Londres et Westminster (celle des Anglais, les Moderns), se serait tenue le 24 juin 1717 (ou, selon le calendrier julien en vigueur en Angleterre à l’époque, le 4 juillet de la même année) dans la taverne At the Apple-Tree (au Pommier), taverne sur Charles-street, Covent-Garden.  Les quatre Loges fondatrices furent : outre celle qui recevait, At the Goose and Gridiron[2] , brasserie à St. Paul’s Church-Yard ;  At the Crown (à la Couronne), brasserie à Parker’s Lane près de Drury Lane ; At the Rummer and Grape (à la Coupe et au Raisin, Loge de Désaguliers), sur Channel-Row, Westminster. Puis, officiellement, le jour de la St. Jean-Baptiste, l’Assemblée et Fête des francs et acceptés maçons fut tenue à la susdite Oie et Gril dans la cour de la cathédrale St. Paul. Avant le dîner, le plus âgé Maître de Loge proposa une liste de candidats convenables ; les frères, à la majorité et à main levée, élurent Anthony Sayer (membre de l’Antiquity Lodge n°1 qui existe encore aujourd’hui), gentilhomme, Grand Maître des maçons lequel fut immédiatement investi des décors de son office par le plus âgé Maître, installé et félicité par l’assemblée qui lui rendit hommage.

Le compte rendu de cette première réunion fut rédigé par James Anderson lui-même en 1738 et repris dans l’édition de 1784. Roger Dachez en dit : «1717 est simplement le mythe historiographique, forgé pour “le bon motif”, qui a modelé pour jamais l’organisation de toute la Franc-Maçonnerie à travers le monde. C’est un repère symbolique de l’histoire maçonnique et, en tant que tel, il sera célébré dans le monde entier. Que la France, “Fille ainée de la maçonnerie”, puisse être le seul pays où cela ne se produirait pas relèverait donc de l’absurdité pure et simple[3].» 

En fait, ce qui fut fondé en ce solstice 1717, n’est ni plus ni moins qu’une société de Tavernes fédérant d’autres clubs du même ordre autour de l’idée d’organiser, en commun, une fête de la Saint-Jean d’été, afin que les festivités coûtent moins cher à chacun. Ce qui reste de très particulier à cette fondation est l’appropriation dont elle fit l’objet.

Dans la mesure où ce regroupement se composait de personnalités scientifiques et culturelles d’importance, il fut convenu de lui donner un nom rappelant une société déjà existante et disposant d’une bonne image de marque, voire d’une tradition de protection et d’une certaine liberté d’action. La maçonnerie ancienne fut donc arbitrairement libérée de ses devoirs et mystères propres pour devenir «libre», free et elle fut appelée freemasonry.

Quant à la rencontre qui détermina l’existence collective de la Grand Lodge (celle des Irlandais, les Ancients), elle  s’est tenue le 17 juillet 1751 à l’auberge Turk’s Head Tavern (Taverne de La Tête de Turc) dans la Greek street  du quartier nord londonien de Soho, à l’opposé géographique du lieu de fondation de la Loge de 1717 au sud.  Et en 1753, à la St Jean d’hiver (par opposition à la St jean d’été où fut créée la Grande Loge de Londres et de Westminster), fut créée la Grande Loge des Anciens. Les tavernes de Turk’s Head et Queen’s Head étaient fort anciennes et servaient depuis longtemps de siège à des sociétés de sociabilité, des clubs et cercles littéraires, philosophiques et artistiques. C’est dans l’une de ces deux tavernes, la Queen’s Head que se réunissait la Phylomusicae society, plus ancienne source d’une pratique rituélique du grade de Maître. Cette nouvelle structure prit ensuite l’habitude de se réunir dans une taverne occupée par une huitième Loge qui vint les rejoindre et leur offrir ses locaux ; la Loge «Temple and Sun» sur Shire Laneà Temple Bar, autre quartier de Londres.

À Paris, le 12 juin 1725, la Loge Saint Thomas, créée à l’instigation de Lord Derwentwater, réfugié catholique jacobite, s’installa dans une taverne-traiteur très fréquentée par les immigrants anglais, chez Barnabé Hute, rue de la boucherie. Une Loge concurrente fut installée par les protestants  calvinistes en 1732, quelques rues plus loin, à l’Auberge du Louis d’Argent (elle apparaît sur le Tableau général des 129 ateliers de  1930 sous le numéro 90, pl. n° 7a du texte Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde[4].

En 1737, les réunions maçonniques étant prohibées par des ordonnances du royaume et des arrêts du Parlement, une descente de police menée par le commissaire de police Jean de Lespinay eut lieu à la loge sise chez le traiteur Chapelot, rue de la Rapée ![5] (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3990355/f181)


[1] London Journal, début XVIIIe s.

[2] À l’Oie et le Gril, dont le nom était une parodie de la société musicale le Cygne et le Lyre qui avait l’habitude de se réunir dans le même bâtiment avant que celui-ci n’eût été transformé en taverne. La maison en brique avait cinq étages et la salle à manger du deuxième étage, où se réunissaient les frères, mesurait environ 28 m2.

[3] pierresvivantes.hautetfort.com/archive/2016/10/09/le-non-evenement-de-1717-5858336.html

[4] gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65456160/f336

[5] Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3990355/f181


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