jeu 18 décembre 2025 - 20:12

Quand l’Église discute avec la Franc-maçonnerie régulière et de tradition : le dossier enfin révélé

Daté du 15 novembre 2017 et marqué « document confidentiel », un Mémoire inédit a tenté de répondre à une question brûlante : que faire, pastoralement, de catholiques engagés dans des loges régulières et de tradition – théistes, non mixtes, étrangères aux joutes politico-religieuses en loge – sans trahir la doctrine romaine ? Huit ans plus tard, le rappel de Rome (2023) resserre l’étau. Le Mémoire, lui, demeure une pièce de discernement.

Mémoire pour un accueil pastoral

Le Manifeste : explication détaillée du Mémoire avant toute analyse

Un texte daté, situé, et volontairement borné

Ce Mémoire n’est pas un traité général sur “la Franc-maçonnerie” au sens large. Il se présente comme la synthèse d’échanges entre des représentants mandatés de trois obédiences Grande Loge Nationale Française (GLNF), Grande Loge Traditionnelle et Moderne de France (GLTMF), Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra (GLTSO) et deux évêques délégués : Jean-Charles Descubes et Michel Dubost, dans un groupe de travail autorisé par la présidence de la Conférence des évêques de France.

CEF

Le Mémoire consigne un calendrier de réunions (d’octobre 2016 à octobre 2017).
Ce périmètre est capital : citer ces noms ne crée pas une hiérarchie entre obédiences, cela décrit les parties prenantes d’un dossier précis.

Son point de départ : une souffrance pastorale, pas une revendication politique

Le texte expose une réalité humaine : des catholiques membres de ces loges disent vivre une souffrance parce qu’ils se sentent “fils de l’Église” et ne comprennent pas une condamnation globale, tandis qu’ils perçoivent leur double appartenance comme un enrichissement.
Le Mémoire va plus loin : il mentionne des itinéraires où la rencontre de Francs-maçons a accompagné, chez certains, un retour à la foi en Jésus-Christ.

Le cœur du “manifeste” est là : la question n’est pas d’abord institutionnelle, elle touche la paix de la conscience.

Ce qu’il appelle “régulière et de tradition

Le Mémoire rappelle une généalogie : la rupture de 1877 (abandon de l’obligation de référence au GADLU par le Grand Orient de France (GODF) et la constitution d’un courant qui entend rester fidèle à une verticalité théiste et à une tradition des origines.
Il décrit une maçonnerie qui se veut spiritualiste, qui n’entend pas se poser “au-dessus” des religions, et qui travaille l’amélioration morale et intérieure, sans prétendre au statut de religion de substitution.

Le texte donne aussi à voir, concrètement, ce que cela signifie rituellement (prière, langage du Temple, sanctuaire de la vérité).

Blason du Vatican

Les nœuds doctrinaux identifiés par le Mémoire

Le Mémoire ne nie pas les objections romaines : il les reprend et les traite comme des points à éclairer.

  • Relativisme : il reconnaît que l’Église soupçonne une dissolution de la vérité ; il discute l’idée d’un relativisme constitutif des obédiences régulières, en distinguant le fait que la loge ne tranche pas les dogmes et le droit de chaque frère de tenir pour vraie sa propre foi.
  • GADLU : le texte pointe le risque d’un GADLU compris comme déisme “minimal”, et répond que ce n’est pas une doctrine des obédiences régulières ; il rappelle la différence entre “nom commun” et théologie révélée.
  • Initiation et grâce : il reconnaît l’objection selon laquelle l’initiation pourrait absolutiser le perfectionnement éthique et rendre la grâce invisible ; il soutient, au contraire, que le cheminement initiatique peut disposer à accueillir la grâce, sans la produire.
  • Secret et serment : le Mémoire explique la logique symbolique des pénalités et insiste sur un point très fin : le serment s’imprime dans la mémoire, parle à l’homme “dans l’intime de sa conscience”.
  • La place du Christ : question posée frontalement par les évêques (“Quelle place décisive est reconnue à Jésus-Christ ?”) et réponse qui tente de maintenir l’orthodoxie du catholique, tout en assumant la pluralité religieuse de la loge.
Logo-GLNF-Officiel

Le point de bascule : “péché grave” et communion

Le Mémoire rappelle la déclaration romaine de 1983 : l’adhésion aux associations maçonniques est qualifiée de « péché grave » avec impossibilité d’accéder à la communion.
Puis il adopte une stratégie très “morale catholique” : il rappelle les conditions du péché grave (matière, connaissance, liberté) et pose la question : l’adhésion à une loge régulière et de tradition entraîne-t-elle nécessairement cet état, “automatiquement” ?

Sa conclusion : une demande de clarification, pas une reconnaissance

GLTMF logo

Le Mémoire formule un vœu : que l’autorité compétente précise que, pour la paix des consciences, les catholiques adhérant en France à une obédience régulière et de tradition ne seraient pas concernés par la déclaration de 1983 – tout en disant ne pas demander une reconnaissance officielle.

Voilà le “manifeste” : non une provocation, mais une tentative de distinguer afin d’éviter l’amalgame.

Analyse : quel intérêt, aujourd’hui, pour un tel Mémoire ?

1) Parce qu’il oblige à quitter la caricature

Dans l’espace public, la querelle Église/maçonnerie est souvent récitée comme un catéchisme de guerre : d’un côté “Rome condamne”, de l’autre “la loge s’émancipe”. Le Mémoire fait mieux : il identifie les vrais lieux de friction (vérité, révélation, grâce, signes, conscience) et force chacun à parler sur pièces.

2) Parce qu’il montre que la “régularité” ne dissout pas le problème.

Grande Loge Unie d’Angleterre – GLUA

 Elle le rend plus fin : croyance en Dieu, GADLU, pas de politique ni de religion en loge, tradition, non-mixité (Basic Principles édicté en 1929 par la Grande Loge Unie d’Angleterre – GLUA). Cela retire une partie des conflits historiques. Mais Rome ne juge pas seulement des usages ; elle juge une compatibilité de principes. Et la déclaration de 1983 le dit explicitement : principes “irréconciliables”, adhésion interdite, conséquence sacramentelle.
Le Mémoire a donc cette vertu : il déplace le débat vers le centre réel – le régime de vérité, le statut du symbole, la place du Christ.

3) Parce qu’il éclaire la notion décisive : la lisibilité des signes

L’Église est une économie de signes (sacrements, communion, appartenance visible). La loge est aussi un langage de signes (serment, secret, progression, reconnaissance). Quand deux langages se superposent, le risque n’est pas seulement intellectuel : il est sémiotique. Le Mémoire le suggère en profondeur : un engagement n’est pas qu’une intention, il est aussi un signe.

Siège du Dicastère pour la Doctrine de la Foi

4) Parce qu’il reste actuel malgré le rappel romain de 2023

En novembre 2023, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi (DDF) – anciennement Congrégation pour la Doctrine de la Foi, héritière du Saint-Office et, plus loin, de l’Inquisition romaine, chargé de promouvoir et sauvegarder l’intégrité de la doctrine catholique en matière de foi et de mœurs –, saisi par un évêque aux Philippines, a réaffirmé que l’adhésion active à la franc-maçonnerie demeure interdite, en renvoyant explicitement à la Déclaration de 1983 sur les associations maçonniques.
Autrement dit : le vœu final du Mémoire (une clarification dérogatoire) n’a pas trouvé, à ce jour, la réponse espérée.


Mais l’intérêt du Mémoire demeure intact : il enseigne une méthode de discernement qui évite deux fautes symétriques – la condamnation indifférenciée et l’assouplissement imaginé.

5) Et la question délicate : citer trois obédiences, est-ce “offusquant” pour les autres ?

Logo-GLTSO

Si nous écrivons avec probité, non. Parce que le texte n’affirme pas : “il n’existe que trois obédiences régulières”. Il dit : “ce dossier précis a été porté par trois obédiences identifiées”.
Le respect fraternel consiste à ajouter une phrase de cadre : la diversité maçonnique française existe, mais elle n’est pas l’objet de ce Mémoire-là. C’est une limitation de source, pas un jugement.

Le Mémoire de 2017 n’est pas un passe-droit ; c’est une mise à l’épreuve. Il place l’Église devant sa responsabilité pastorale, et la franc-maçonnerie régulière devant sa responsabilité spirituelle : ne pas se raconter d’histoires.

À l’ombre du Temple comme au seuil de l’autel, la question devient austère, presque belle : de quel Dieu parlons-nous, sur quel registre vivons-nous, et comment protégeons-nous la conscience sans la flatter ? Le reste – le bruit, les postures, les camps – n’est que poussière de chantier.

Drapeau du Vatican
Drapeau du Vatican

6 Commentaires

  1. Ces effets de collaboration avec les gouvernant de la république sont considères favorables au recrutement de quandidats mais que voyons nous venir en majorité des profanes intéressés par le carnet d adresse et des promotions rapides et peu de travaux souvent traités par IA
    ALORS OBEDIANCES ALLEZ VOUS REAGIR DANS L INTERET DE LA FRANCE

  2. La vérité est toujours difficile à énoncer mais il y a beaucoup de choses vraies dans les propos de dom casmaran ( l ange de l air source vitale de vie)

  3. Il est remarquable d espérer mais dans l opinion publique la maçonnerie en France est considérer comme détestable comme intrigante avec effet de pression sur la république et la laïcité comme argument contre les kto jamais contre les autres religions c est ce qui devrait préoccuper les obediances régulières ou pas reconnues ou pas

  4. Profonde hypocrisie du GO puisque lutte permanente contre les kto
    Erreur ce sont les rites qui sont porteurs de theisme ou de deisme
    Le reaa avec ces grades de vengeance et le geste de couper la tête du pape et du roi ne peuvent appartenir à la katolicite
    En réelle émulation et le régime rectifié sont les seuls à pouvoir y être présent
    Quant au standard d Ecosse c est une plaisanterie il n y a que des us et coutumes dans chaque loge pas de standard, rituel récent créé pour faire plaisir aux écossais louable mais pas de tradition

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Alexandre Jones
Alexandre Jones
Passionné par l'Histoire, la Littérature, le Cinéma et, bien entendu, la Franc-maçonnerie, j'ai à cœur de partager mes passions. Mon objectif est de provoquer le débat, d'éveiller les esprits et de stimuler la curiosité intellectuelle. Je m'emploie à créer des espaces de discussion enrichissants où chacun peut explorer de nouvelles idées et perspectives, pour le plaisir et l'éducation de tous. À travers ces échanges, je cherche à développer une communauté où le savoir se transmet et se construit collectivement.

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