jeu 04 décembre 2025 - 16:12

Funérailles laïques : quand la République cherche une salle digne pour nos adieux

Une proposition de loi déposée le 14 octobre 2025 à l’Assemblée nationale veut garantir la mise à disposition gratuite de salles municipales pour les funérailles laïques et permettre la présence d’un représentant de l’État à ces cérémonies. Au-delà du débat technique, c’est bien de liberté de conscience, de dignité et de rituel républicain qu’il est question – des thèmes qui résonnent fortement avec la sensibilité maçonnique.

Il y a des chiffres qui, à eux seuls, dessinent une attente profonde du pays. Selon un sondage évoqué par le député Christophe Bex, 83 % des personnes en France se déclarent favorables à l’accueil de cérémonies d’obsèques laïques dans une salle communale.

Derrière ce pourcentage écrasant, on entend la voix de toutes celles et ceux qui ne souhaitent pas de cérémonie religieuse, mais refusent que le dernier adieu se limite à un coin de cimetière battu par le vent ou à une salle de crématorium anonyme, minutée, standardisée.

C’est dans ce contexte qu’a été déposée, le 14 octobre 2025, la proposition de loi n°1954,

« relative à la mise à disposition gratuite de salles municipales adaptables et à la présence d’un agent de l’État dans le cadre de funérailles laïques et républicaines ». Le texte a été renvoyé à la commission des lois de l’Assemblée nationale.

Il ne crée pas un “nouveau droit” sorti de nulle part : il vise à organiser, clarifier et généraliser une pratique déjà possible juridiquement, mais inégalement appliquée sur le territoire.

Concrètement, la proposition prévoit qu’une commune qui dispose d’une salle municipale adaptable ait l’obligation de la mettre gratuitement à disposition des familles souhaitant organiser des funérailles laïques. Elle organise aussi la possibilité, pour un représentant de la commune ayant qualité d’officier d’état civil, d’être présent à la cérémonie, à la demande des proches du défunt, tout en prévoyant une clause de conscience en cas de refus. Enfin, le texte articule ce dispositif avec la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, qui garantit depuis longtemps déjà le droit de chacun à choisir le caractère civil ou religieux de ses obsèques.

Ce qui se joue ici dépasse la simple “mise à disposition de salle”. Il s’agit de savoir si la République assume pleinement qu’elle peut, elle aussi, proposer un cadre symbolique, digne et chaleureux à l’ultime passage. Mariages civils, parrainages républicains, célébrations de citoyenneté… notre droit connaît déjà des rites laïques. Les funérailles restent pourtant, trop souvent, le maillon faible de cette chaîne : faute de lieux publics identifiés, les familles se débrouillent, entre cimetière, chambres funéraires et crématoriums, avec une grande disparité de moyens selon les territoires.

Pour les francs-maçons, qui travaillent sans relâche la liberté de conscience, la dignité de la personne humaine et la laïcité comme espace commun, la question ne peut laisser indifférent. Une cérémonie de funérailles laïque, lorsqu’elle est pensée, préparée, entourée, est un véritable rite de passage : on y dit la mémoire, la fidélité, la transmission, l’amour… autant de valeurs que nous explorons en Loge, mais qui concernent d’abord la société tout entière. Offrir à ces moments un cadre républicain identifiable, accessible et non marchand, ce n’est pas “s’opposer aux religions”, c’est reconnaître que la laïcité peut, elle aussi, proposer un langage symbolique et une ambiance de recueillement.

Assemblée nationale en France
Assemblée nationale en France

Au cœur de cette démarche se trouve la plateforme de pétitions citoyennes de l’Assemblée nationale. La proposition de loi n°1954 a donné lieu à une pétition officielle, enregistrée sous l’identifiant n°4672, qui appelle les citoyennes et citoyens à soutenir le texte : Pétitions Assemblée nationale

Le fonctionnement est désormais bien cadré : à partir de 100 000 signatures, une pétition est mise en ligne avec une visibilité accrue, et à partir de 500 000 signatures, la Conférence des présidents de l’Assemblée peut décider d’organiser un débat en séance publique, sous conditions de répartition géographique des signataires.

On sait que ces pétitions ne lient pas juridiquement les députés. Leur portée est essentiellement politique et symbolique. Mais en République, le symbole compte. Dire, noir sur blanc, que des centaines de milliers de personnes souhaitent que les funérailles laïques aient, elles aussi, droit à des lieux décents, identifiés, chauffés, accessibles – et pas seulement à des espaces résiduels – c’est poser une question claire aux élus : voulez-vous que la liberté de conscience se traduise concrètement, jusque dans la manière d’accompagner nos morts ?

Pour les lecteurs et lectrices de 450.fm, l’enjeu résonne doublement. D’un côté, comme citoyens : l’idée que « la dignité ne s’arrête pas à la vie », selon la formule citée par Christophe Bex, rejoint la vieille intuition humaniste et républicaine d’un État qui ne se contente pas de gérer des procédures, mais qui prend soin des personnes, du berceau au tombeau. De l’autre, comme francs-maçons : la réflexion sur les rites funèbres, sur la place de la mort dans la cité, sur la façon de dire adieu dans un langage laïque mais symboliquement riche, est au cœur de nombreux travaux de Loge.

Les temples maçonniques ne sont pas des salles communales et ne sauraient se substituer aux mairies. Mais ils rappellent, par leur existence même, qu’un espace dédié, pensé, structuré, change tout dans la manière de vivre un moment décisif. Entre la salle impersonnelle louée à l’heure et le sanctuaire religieux, la salle municipale ouverte aux funérailles laïques pourrait devenir l’un de ces lieux intermédiaires où se tissent mémoire, fraternité et reconnaissance.

Assemblée nationale

Il appartiendra aux parlementaires de débattre du texte, aux associations et aux collectivités d’en mesurer les implications pratiques, et aux citoyens de décider s’ils souhaitent soutenir la pétition sur le site de l’Assemblée nationale. Notre rôle, ici, est d’attirer l’attention sur ce débat : lorsqu’une société se demande comment accompagner ses morts, elle dit en creux ce qu’elle pense des vivants. La République saura-t-elle offrir un visage humain, fraternel et laïque à ce dernier rendez-vous ? C’est cette question que cette proposition de loi met silencieusement sur la table.

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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