L’ouvrage s’inscrit dans la continuité de la production de Lucien Millo, Franc-Maçon depuis plus de vingt-cinq ans, officier à divers titres au sein des structures écossaises, Lucien Millo a reçu en 2025, lors du Masonica Nice, le Grand Prix « Lumière », distinction saluant la constance avec laquelle il a patiemment déplié le Rite Écossais Ancien et Accepté, des loges symboliques aux hauts grades. Il est notamment l’auteur de la série En silence… mes Frères ! pour les trois premiers degrés, ensemble Du Voile à la Grande Lumière sur les degrés de Perfection et les grades capitulaires, manuels de symbolisme écossais et études thématiques (L’Abeille et le Franc-Maçon, Le Vin et le Franc-Maçon, L’Amour et le Franc-Maçon, L’Idée de Dieu et le Franc-Maçon, etc.).

Le présent livre dont le tire exact est La Spiritualité cachée de l’Arche Royale (Domotique) – Au travers de l’exégèse du Rituel de Compagnon-Lorsque l’exaltation confine à l’illumination, transpose cette méthode d’exégèse rituelle au domaine de l’Arche Royale anglo-saxonne, dans sa version domatique, en prenant pour fil conducteur le rituel de Compagnon du Suprême Degré.
La préface, due à Zavoche Houchangnia, Pro Premier Grand Principal du Suprême Grand Chapitre des Maçons de l’Arche Royale de France, situe d’emblée l’ouvrage dans le cadre institutionnel de la Grande Loge Nationale Française (GLNF). Le Règlement général de la GLNF rappelle en effet que l’obédience « n’admet la pratique d’aucun degré au-delà de celui de Maître-Maçon et son complément qu’elle intègre […] au sein du Suprême Grand Chapitre des Maçons de l’Arche Royale de France, juridiction maçonnique souveraine » ; la préface émane précisément d’un dignitaire de cette juridiction, qui gouverne en France l’Ordre suprême de la Sainte Arche Royale et constitue le prolongement capitulaire reconnu par la GLNF.

Zavoche Houchangnia souligne d’abord la rareté, en langue française, des travaux consacrés à l’Arche Royale, essentiellement documentée par une littérature en anglais. Elle situe l’ouvrage de Lucien Millo comme une contribution destinée à combler cette lacune, en offrant aux Compagnons une présentation détaillée des personnages, des offices, des textes scripturaires et de la logique d’ensemble du rituel domotique. La préface insiste également sur l’intérêt d’un regard d’auteur issu du REAA, pratiquant l’Arche Royale, qui met en évidence la complémentarité entre les rites (six rites pratiqués au sein de la GLNF).
L’« Avertissement » précise le cadre choisi : il ne s’agit ni d’un manuel pratique pour la conduite des cérémonies, ni d’une histoire institutionnelle des chapitres, mais d’un commentaire suivi du rituel. L’auteur rappelle son parcours dans les loges écossaises, à l’origine d’une première série de sept volumes consacrés au 1ᵉʳ-30ᵉ degré du REAA, puis décrit le déplacement de son intérêt vers la voie spirituelle proposée par la maçonnerie anglo-saxonne. L’Arche Royale y est présentée comme un rituel vétérotestamentaire dense, centré sur le Dieu biblique et sur la dynamique de dépassement que suscite l’exigence d’« émulation ».

L’« Avant-propos » développe ce cadre doctrinal. Il revient sur la Sainte Arche Royale de Jérusalem, sur le statut de « Suprême Degré » et sur la manière dont la tradition britannique articule Dieu, le peuple et le Temple. Il examine l’influence de la théologie biblique sur les rites anglo-saxons, en particulier sur le Rite d’Émulation, et cite le Manuscrit Graham comme texte de référence. Ces éléments visent à situer l’Arche Royale dans une perspective précise avant l’analyse proprement dite du rituel de Compagnon. Une table des abréviations des livres bibliques, en fin de volume, complète ce dispositif méthodologique.
Un chapitre liminaire est consacré aux « Précisions historiques sur la généalogie de l’Arche Royale ». Il rappelle les principales étapes de la formation du grade dans les îles Britanniques au XVIIIᵉ siècle, la fixation progressive des textes, l’insertion dans les systèmes de hauts grades du Rite ancien York et de la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA), ainsi que les modalités d’introduction en France et en Europe continentale. Les variantes de pratique (systèmes à plusieurs degrés successifs ou à degré unique) sont distinguées et replacées par rapport aux trois degrés symboliques. Ce chapitre situe la démarche de l’auteur dans le champ de la maçonnerie capitulaire et souligne la spécificité du contexte domatique.

La première partie, intitulée « L’assise traditionnelle historico-légendaire du Suprême Degré de l’Arche Royale », expose le cadre narratif du grade.
Le chapitre I, « Les périodes post-salomonienne et post-hiramique », traite du récit de l’exil à Babylone, de la libération du peuple hébreu, du retour et de la reconstruction du Temple. Les principaux passages des livres d’Esdras, de Néhémie, d’Aggée et de Zacharie sont repris pour montrer comment le rituel sélectionne et réordonne ces séquences, afin de construire une dramaturgie centrée sur la découverte et la mise en sûreté de l’Arche et du Nom divin. Le second développement présente « une légende au service de l’élévation spirituelle : la découverte de l’Arche Royale », en décrivant la manière dont la tradition capitulaire associe fouilles, crypte, voûte, triple tau et dépôt du Tétragramme, dans le prolongement, réorienté, de la légende du Maître maçon.

Le chapitre II, « Des figures marquantes du judaïsme ancien à vocation initiatique », est structuré en cinq sections, chacune centrée sur un personnage mobilisé par le rituel : Esdras et Néhémie, présentés comme des « missionnés » chargés de la restauration de la Loi et des murailles ; Zorobabel, décrit comme un « prince messianique » au rôle politique marqué ; Josué et Aggée, respectivement Grand Prêtre et prophète, associés à la reconstruction du second Temple ; Cyrus, souverain perse qualifié de bienveillant ; enfin Zorobabel, Josué et Aggée envisagés ensemble comme incarnations des trois pouvoirs royal, sacerdotal et prophétique. Pour chaque figure, les données scripturaires sont résumées, puis mises en relation avec les conférences et les lectures rituelles.
La deuxième partie, « Les fondamentaux initiatiques du Suprême Degré de l’Arche Royale », examine les notions structurantes du grade en lien direct avec le texte cérémoniel. Les premiers développements portent sur la crypte et la voûte comme espace d’enfouissement et de redécouverte, sur la fonction des voiles successifs qui marquent le passage de l’extérieur vers le centre, ainsi que sur le rôle du Grand Sanhédrin comme instance de jugement et de discernement. Sont ensuite étudiés le statut du Nom divin et de sa perte, la question de la substitution d’un mot de remplacement à un mot ineffable, le rapport entre le Volume de la Loi Sacrée et les décisions des Principaux, et la manière dont l’économie du grade articule justice, miséricorde et fidélité à l’Alliance. Cette partie décrit également les principaux déplacements du candidat, leurs correspondances verbales et les obligations qui en découlent.
Les chapitres qui suivent poursuivent l’analyse systématique du rituel de Compagnon du Suprême Degré, en détaillant les différentes séquences de l’initiation capitulaire : introduction de l’Excellent Maître dans le Chapitre, fonction des Survenants et des Gardes des Voiles, progression du candidat au fil des épreuves, communication des signes, mots et attouchements spécifiques, proclamation d’exaltation. Les commentaires portent sur la cohérence d’ensemble du dispositif cérémoniel, la hiérarchie des offices et le rapport entre récit biblique, texte rituélique et instructions orales.

Le chapitre VII, « La spécificité des trois Conférences », occupe une place centrale.
Le sous-chapitre I, « La Conférence Historique », comporte deux volets : « Les trois Loges : une commémoration symbolique », qui montre comment la conférence recompose l’histoire de la construction et de la reconstruction du Temple autour de trois moments rituels ; « La fonction ésotérique du Grand Sanhédrin », qui analyse le rôle doctrinal de cette assemblée, à la fois organe de décision et lieu d’interprétation de la Loi.
Le sous-chapitre II, « La Conférence Symbolique », est le plus développé. Il traite successivement de l’« Arche caténiforme » comme modèle architectural décrit dans ses formes et proportions ; des « six lumières de l’Arche Royale », interprétées comme signes conjoints de la Loi et du pouvoir ; du « triple tau » envisagé comme signe polyphonique ; des « cinq corps platoniciens », utilisés pour illustrer la géométrie sacrée appliquée à l’architecture du Temple ; des « décors du Compagnon », marqueurs d’appartenance capitulaire ; de « l’influence symbolique des bannières » regroupant les tribus d’Israël ; de « l’importance initiatique du Volume de la Loi Sacrée, de l’Équerre et du Compas » dans la configuration de la table du Premier Principal ; de « l’association du glaive et de la truelle », articulation entre défense et construction ; enfin des « outils symboliques du degré de Compagnon ». Chaque section reprend les éléments de la conférence, explicite les références bibliques et met en regard les usages de l’Arche Royale et ceux du REAA.
Le sous-chapitre III, « La Conférence Mystique », aborde les éléments doctrinaux de plus haute portée : les « cinq signes mystiques de l’Arche Royale », décrits avec leurs modes d’exécution et leurs significations ; le « double cube » comme forme de l’espace sacré, avec ses correspondances numériques et scripturaires ; le mot composé « Jah-Bul-On », replacé dans l’histoire des débats maçonniques et analysé dans sa structure linguistique et sa fonction rituelle ; les lettres hébraïques aleph, beth et lamed, envisagées comme images du Divin et clés de lecture de certains passages de la conférence. L’auteur suit le texte mot à mot, en proposant des éclaircissements philologiques et en rappelant les principales hypothèses interprétatives.

Une troisième sous-partie, intitulée « La clôture », traite de ce qui suit immédiatement la conférence mystique. Un premier développement est consacré à « la triade initiatique des trois Principaux » : dénomination, fonctions, insignes, rôle dans la conduite du Chapitre et dans la réception des candidats. Un second développement analyse « la paix » comme « principe ontologique et vertu maçonnique », thème présent dans la formule de clôture du grade et relié aux textes prophétiques du retour d’exil.
Un chapitre conclusif, « La préparation au passage à la pensée néotestamentaire », examine la manière dont certains éléments du grade ont été relus, au fil de l’histoire, à la lumière du christianisme : interprétations christologiques de certaines figures, lectures typologiques du Temple, glissements de vocabulaire dans les versions ultérieures des conférences. Les évolutions textuelles et les inflexions doctrinales sont signalées sans débat confessionnel.

L’ouvrage se termine par un « Épilogue » rappelant la démarche d’exégèse suivie, par des tables des illustrations permettant de localiser rapidement schémas, plans et représentations symboliques, et par une bibliographie recensant rituels, travaux historiques, études symboliques et commentaires théologiques. L’ensemble se présente comme un instrument de travail pour les membres de chapitres de l’Arche Royale et, plus largement, pour les maçons intéressés par la tradition capitulaire anglo-saxonne, qui souhaitent disposer en français d’une présentation détaillée de la structure, des références bibliques et des principaux symboles de ce Suprême Degré.
La Spiritualité cachée de l’Arche Royale (Domotique)
Au travers de l’exégèse du Rituel de Compagnon-Lorsque l’exaltation confine à l’illumination
Lucien Millo – LiberFaber, 2025, 526 p., 25 €, ISBN 978-2-36580-340-3
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