mar 09 décembre 2025 - 07:12

La Science Quantique et l’Évolution Biologique

La science quantique, qui étudie les phénomènes physiques à l’échelle atomique et subatomique – tels que la superposition, l’intrication et le tunneling quantique[1] – a traditionnellement été associée à la physique. Cependant, depuis les années 2000, un domaine émergent appelé biologie quantique explore comment ces principes quantiques pourraient influencer les processus biologiques, y compris l’évolution.

Bien que l’évolution darwinienne repose principalement sur des mécanismes classiques comme la sélection naturelle et les mutations génétiques aléatoires, la biologie quantique suggère que des effets quantiques pourraient accélérer, optimiser ou même diriger certains aspects de l’évolution.
Cela ouvre des perspectives fascinantes : l’évolution n’aurait pas seulement exploité des processus chimiques et biologiques, mais aussi des phénomènes quantiques pour gagner en efficacité sur des milliards d’années.

Selon des recherches récentes, ces contributions incluent des rôles dans les mutations ADN, la photosynthèse, l’enzymatique et même l’évolution cognitive. Bien que spéculatives pour certaines, ces idées sont soutenues par des expériences et des modèles théoriques. Dans cette réponse, nous explorerons ces apports, en nous basant sur des études scientifiques contemporaines.

La biologie quantique est un domaine émergent à la croisée de la physique quantique et de la biologie. Elle explore comment les phénomènes quantiques – comme la superposition, l’intrication, le tunneling quantique ou la cohérence – influencent les processus biologiques. Ces effets, bien que longtemps considérés comme négligeables dans les environnements biologiques chauds et humides en raison de la décohérence rapide, se révèlent pertinents grâce à des expériences récentes. Ces travaux expérimentaux, souvent menés à l’échelle moléculaire, montrent que des mécanismes quantiques peuvent jouer un rôle dans des processus évolutifs clés comme la photosynthèse, la catalyse enzymatique, la détection magnétique et même les mutations génétiques. Voici une exploration détaillée des principaux exemples expérimentaux en biologie quantique, avec leurs implications pour l’évolution.

La photosynthèse, apparue il y a environ 3,5 milliards d’années, est un processus clé de l’évolution, permettant la conversion de l’énergie solaire en énergie chimique. L’utilisation de la cohérence quantique suggère que l’évolution a optimisé ces complexes pour exploiter des principes quantiques, augmentant l’efficacité énergétique dans des environnements compétitifs. Cela a probablement favorisé la survie des organismes photosynthétiques, influençant l’évolution des écosystèmes primaires.

Les enzymes sont au cœur des processus métaboliques qui ont permis l’évolution des organismes complexes. Le tunneling quantique augmente la vitesse des réactions (parfois par un facteur de 103 à 107), permettant aux organismes de métaboliser plus efficacement les ressources. L’évolution aurait sélectionné des enzymes optimisées pour ce phénomène, favorisant la survie dans des environnements aux ressources limitées. Par exemple, les premières formes de vie anaérobies ont pu bénéficier de cette efficacité pour coloniser des niches écologiques.

La navigation des oiseaux migrateurs, comme le rouge-gorge européen (Erithacus rubecula), repose sur une boussole biologique sensible aux champs magnétiques terrestres. En 2004, Thorsten Ritz, dans Biophysical Journal, ont proposé que cette magnétoréception dépend d’un mécanisme quantique dans la cryptochrome, une protéine de la rétine. L’hypothèse est que des paires de radicaux libres, créées par la lumière, forment des états intriqués dont la dynamique est influencée par le champ magnétique.

La magnétoréception a permis aux oiseaux et autres espèces (comme les tortues marines) de migrer sur de longues distances, augmentant leurs chances de survie en accédant à des ressources saisonnières. L’évolution aurait optimisé ce mécanisme quantique pour la navigation, favorisant la dispersion des espèces et leur adaptation à divers environnements. Cela illustre comment l’évolution peut exploiter des phénomènes quantiques pour des fonctions complexes.

Des chercheurs ont étudié les tautomères (formes isomères) des bases ADN, où un proton tunnelant change l’appariement (ex. : T se lie à G au lieu d’A). Ces erreurs, si non réparées, deviennent des mutations lors de la réplication. Des simulations quantiques ont montré que ce tunneling est plus probable sous stress environnemental (ex. : rayonnement UV).

Le tunneling quantique accélère potentiellement le taux de mutations, augmentant la variabilité génétique disponible pour la sélection naturelle. Sous stress, les bactéries pourraient exploiter des superpositions quantiques pour « tester » des mutations avant leur fixation, accélérant l’adaptation dans des conditions extrêmes. Cela suggère que l’évolution a pu tirer parti de l’incertitude quantique pour explorer plus efficacement l’espace des génotypes.

En 2020, une étude théorique et expérimentale par un traitement quantique de l’information pour les simulations quantiques a utilisé des marches quantiques (quantum walks) pour modéliser l’évolution sur des réseaux de génotypes. Les marches quantiques, où une particule explore plusieurs chemins simultanément via la superposition, contrastent avec les marches aléatoires classiques.
Ces expériences suggèrent que des processus quantiques pourraient avoir permis à l’évolution d’explorer plus rapidement l’espace des génotypes, facilitant l’émergence de nouvelles adaptations. Par exemple, dans les premières formes de vie, où les systèmes moléculaires étaient moins complexes, des effets quantiques auraient pu accélérer la diversification des phénotypes, un avantage crucial dans des environnements instables.

Une étude de 2019 a exploré les effets non-ciblés des radiations, où des cellules non exposées à des rayonnements montrent des dommages génétiques, potentiellement via l’intrication quantique. Ces expériences ont utilisé des cultures cellulaires irradiées partiellement, observant des mutations dans des cellules adjacentes non irradiées.
Ces effets pourraient avoir joué un rôle dans l’évolution en augmentant la variabilité génétique sous stress environnemental (ex. : rayonnements cosmiques). Cela aurait favorisé l’adaptation rapide des organismes primitifs exposés à des conditions extrêmes, comme lors des premières étapes de la vie sur Terre.

Malgré ces avancées, les effets quantiques en biologie restent controversés. La décohérence rapide dans les environnements biologiques chauds et humides limite la durée des états quantiques, rendant leur impact évolutif incertain. Des recherches futures, notamment en biologie quantique synthétique, pourraient confirmer si l’évolution a délibérément exploité ces mécanismes.

Le rôle de la mécanique quantique dans l’évolution basée sur la cognition

Un article, publié en 2023 dans Progress in Biophysics and Molecular Biology, explore de manière innovante les liens entre la mécanique quantique (MQ) et la biologie, en se concentrant sur le rôle de la cognition dans l’évolution.
L’auteur, John S. Torday, part d’une observation faite en 2021 : dans tous les systèmes d’information connus (comme les ordinateurs humains), la cognition génère du code qui contrôle les réactions chimiques, et non l’inverse. Il transpose cette logique à la biologie, contestant la vision classique des manuels selon laquelle les réactions chimiques produisent du code génétique d’où émerge la cognition. Aucune preuve expérimentale n’existe pour valider cette inversion, tandis qu’une démonstration mathématique – basée sur le problème de l’arrêt de Turing[2] – soutient que la cognition précède et crée le code. Torday asoutient que, tout comme il est impossible de prédire l’arrêt d’un programme pour tous les cas, il est impossible de réduire la cognition biologique à un simple produit des réactions chimiques. Au contraire, la cognition (assimilée à un processus décisionnel inductif) joue un rôle actif, analogue à un observateur quantique faisant des choix qui influencent les résultats biologiques. Cette perspective renverse la vision classique où les réactions chimiques produisent du code, puis de la cognition

 La question centrale posée est la nature et l’origine de la cognition en biologie. L’auteur propose une hypothèse audacieuse : la cognition biologique est liée à la MQ. Il suggère que le principe permettant à un observateur de faire s’effondrer une fonction d’onde (un concept clé de la MQ) confère aux organismes leur agency – c’est-à-dire leur capacité à agir sur le monde plutôt que d’en subir passivement les effets. Toutes les cellules vivantes étant cognitives, les humains, composés de ces cellules, seraient des observateurs quantiques.

Cela renforce l’idée centenaire en mécanique quantique que l’observateur ne se contente pas d’enregistrer un événement, mais influence activement son issue.

Le monde classique est régi par des lois déductives (déterministes), tandis que le monde quantique repose sur des choix inductifs (probabilistes). Leur combinaison forme une boucle de rétroaction maîtresse : perception (inductive, quantique) et action (déductive, classique), qui sous-tend toute la biologie. L’auteur applique des définitions basiques d’induction (inférer des généralités à partir de cas spécifiques), de déduction (appliquer des règles générales à des cas particuliers) et de computation (processus algorithmiques) aux propriétés de la MQ pour argumenter que l’organisme, en tant que tout, façonne ses parties et son environnement – et non l’inverse, où les parties assembleraient mécaniquement le tout.

Un exemple clé est fourni par les systèmes informatiques humains : des agents cognitifs écrivent du logiciel qui contrôle le hardware. En biologie, cela se traduit par la cognition cellulaire générant du code génétique qui pilote les réactions chimiques. L’effondrement de la fonction d’onde par l’observateur est présenté comme le mécanisme physique produisant de la négentropie (réduction de l’entropie, ou création d’ordre), essentielle à la vie et à l’évolution.

Les implications sont profondes pour la biologie et la MQ. En biologie, cela résout le « problème de l’information » : la cognition n’est pas un épiphénomène émergent des réactions chimiques, mais leur source première, avec la MQ fournissant le fondement physique pour les choix évolutifs. Pour la MQ, cela élargit le rôle de l’observateur au-delà des expériences physiques, en l’intégrant à la cognition cellulaire et humaine, et en reliant les domaines déductif et inductif dans une boucle unifiée pour la vie.

Cette perspective invite à repenser la biologie non comme un assemblage passif de parties, mais comme un processus actif où le tout influence ses composantes, ouvrant des pistes pour de futures recherches interdisciplinaires.
À l’avenir, des avancées en calcul quantique et en biophysique pourraient révéler d’autres rôles du quantique dans l’histoire du vivant.

Le quantique et l’évolution maçonnique

En reprenant les informations de l’article paru le 9 mai 2023
·  La dualité onde-particule : Analogie avec le franc-maçon qui est à la fois «  pierre brute »  (matière) et « pierre cubique à pointe »  (esprit illuminé): « Le quantum, plus petit que l’atome, défie le temps et l’espace newtoniens – comme l’initié défie les dogmes pour embrasser l’infini. »  
. Le théorème de Bose-Einstein : Exemple central pour illustrer comment des particules simples fusionnent en un tout complexe sous conditions « initiatiqes »  (froid extrême = silence intérieur ?). Cela symbolise l’émergence du vivant et de la conscience maçonnique.
. Relativité et quantique : Einstein pour l’infiniment grand (l’univers comme Temple de Salomon), la mécanique quantique pour l’infiniment petit (le soi comme microcosme). Lien avec le Delta maçonnique : une « trinité consubstantielle »  (énergie, matière, potentiel) qui évoque l’ondicule quantique.
·  Critique du manichéisme profane : Le franc-maçon, par sa perception symbolique, transcende les oppositions binaires (lumière/ténèbres, bien/mal) pour une vision unitaire, « quantique »  de l’existence.
·  Implications initiatiques : Le texte invite à méditer sur le « potentiel d’existence »  – comme un qubit en superposition, l’initié porte en lui toutes les possibilités jusqu’au « mesure »  (l’expérience rituelle).


[1] En mécanique quantique, les particules ne se comportent pas comme des objets solides, mais comme des ondes de probabilité, décrites par une fonction d’onde. Cette fonction rencontre une barrière énergétique, sa fonction d’onde ne s’arrête représente toutes les positions possibles où la particule pourrait se trouver. Lorsqu’une particule pas brutalement : elle s’étend légèrement au-delà de la barrière, même si l’énergie de la particule est inférieure à celle nécessaire pour la franchir. Cela signifie qu’il existe une probabilité non nulle que la particule apparaisse de l’autre côté de la barrière, comme si elle avait « tunnelé » à travers. Le tunneling quantique aurait permis aux enzymes d’évoluer pour devenir ultra-efficaces, donnant un avantage adaptatif aux organismes dans des environnements où les ressources étaient limitées. Cela a probablement favorisé la diversification des métabolismes et la complexification des formes de vie. le tunneling de protons dans l’ADN peut provoquer des mutations, augmentant la diversité génétique disponible pour la sélection naturelle. Cela confère une flexibilité évolutive, permettant aux organismes de s’adapter rapidement à des environnements changeants, comme lors des premières étapes de la vie sur Terre ou sous des stress modernes (pollution, rayonnements). Le tunneling quantique, en accélérant les réactions chimiques et les mutations, aurait contribué à l’émergence de structures biologiques complexes, comme les organismes multicellulaires, au fil de l’évolution.

[2] Ce problème pose une question essentielle : est-il possible de créer un algorithme universel capable de déterminer, pour tout programme informatique et toute entrée donnée, si ce programme va s’arrêter (terminer son exécution) ou continuer à tourner indéfiniment (boucle infinie) ?

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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