De notre confrère la1ere.franceinfo.fr – Par Quentin Menu
Séparation de l’Église et de l’État
La France, terre de laïcité depuis la loi de 1905, affiche fièrement sa séparation stricte entre Église et État. Pourtant, dans plusieurs territoires d’Outre-mer, cette règle sacrée ne s’applique pas, défiant les principes républicains. En Guyane, une ordonnance royale vieille de 197 ans, signée par Charles X en 1828, lie encore aujourd’hui les pouvoirs publics au financement de l’Église catholique. De l’Alsace-Moselle à Mayotte, en passant par Saint-Pierre-et-Miquelon et les territoires du Pacifique, des exceptions troublantes perdurent.
Pourquoi ces territoires échappent-ils à la laïcité universelle ? Une circulaire du ministère de l’Intérieur de 2011 et les célèbres « décrets Mandel » de 1939 lèvent le voile sur ces particularités historiques et culturelles. Plongeons dans cette enquête pour comprendre ces anomalies et leurs implications.
Une racine historique : L’ordonnance de 1828 en Guyane

Il y a tout juste 197 ans, le roi Charles X scellait un pacte unique en signant une ordonnance régissant le culte catholique en Guyane, alors colonie française. Ce texte, jamais abrogé, fait de ce territoire une exception parmi les départements d’Outre-mer. Lorsque la loi de 1905 a été adoptée, elle n’a pas été étendue à la Guyane, contrairement à la Guadeloupe, la Martinique ou La Réunion, départementalisées en 1946. Résultat :
la Collectivité territoriale de Guyane alloue aujourd’hui environ 1,1 million d’euros annuels pour rémunérer les prêtres et entretenir les églises, une pratique qui choque les défenseurs de la laïcité.

Cette anomalie a suscité des levées de boucliers. Des recours judiciaires et des propositions parlementaires ont tenté de la faire tomber, mais le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont maintenu l’ordonnance en vigueur, arguant de son caractère historique. Récemment, un accord entre l’Église catholique et la Collectivité a été conclu :
les nouveaux prêtres seront désormais payés par le diocèse, soulageant les finances publiques mais plongeant l’institution religieuse dans une crise budgétaire.
Des exceptions à travers l’outre-mer

La Guyane n’est pas un cas isolé. L’Alsace-Moselle, sous domination allemande lors de la promulgation de la loi de 1905, conserve un régime concordataire hérité du XIXe siècle, permettant le financement des cultes catholique, protestant et juif. À Mayotte, à majorité musulmane, les « décrets Mandel » de 1939 autorisent l’État à subventionner le catholicisme et l’islam via des missions religieuses sous tutelle préfectorale. Saint-Pierre-et-Miquelon et les territoires du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) suivent un schéma similaire, avec un soutien principalement accordé à l’Église catholique, et au protestantisme en Polynésie.
En revanche, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et La Réunion appliquent pleinement la loi de 1905, garantissant une séparation stricte. Là, pas de fonds publics pour les cultes : tout repose sur les dons des fidèles, alignant ces territoires sur l’Hexagone, renforcé par la loi séparatisme de 2021.

Les décrets Mandel : un encadrement spécifique
Signés par Georges Mandel, ministre des Colonies en 1939, ces décrets visent à encadrer le fait religieux dans les territoires où la loi de 1905 ne s’applique pas. Ils instaurent des missions religieuses, gérées par des conseils d’administration sous l’œil du préfet, permettant à toutes les religions de recevoir des fonds publics. En Guyane, seule l’Église catholique a créé une mission, tandis qu’à Mayotte, le catholicisme et l’islam en bénéficient. Dans le Pacifique, l’Église catholique domine, avec un soutien au protestantisme en Polynésie, reflétant les sensibilités locales.
Pourquoi ces différences ?
Une question d’histoire et de culture

La circulaire du ministère de l’Intérieur du 25 août 2011 éclaire ces écarts : la loi de 1905 n’a pas été uniformément appliquée en raison des « particularités locales » au moment de sa promulgation et des évolutions statutaires des anciennes colonies. En Guyane, l’ordonnance de 1828, ancrée dans une époque coloniale, a résisté aux vents de la laïcité. À Mayotte, l’influence islamique prédominante a justifié un régime adapté. Dans le Pacifique, les traditions missionnaires catholiques, héritées de la colonisation, ont perduré. Ces exceptions, bien que critiquées, tiennent compte des héritages historiques et des identités culturelles, posant un défi au principe d’égalité républicaine.
Implications et débats contemporains

Ces régimes spéciaux suscitent des tensions. En Guyane, le financement public des prêtres est perçu comme une entorse à la laïcité, d’autant que l’accord récent avec le diocèse peine à stabiliser la situation financière de l’Église. À Mayotte, le soutien aux cultes soulève des questions sur la neutralité de l’État dans un contexte multiconfessionnel. Des voix s’élèvent pour harmoniser les pratiques, mais les spécificités locales freinent toute réforme. Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2013, a jugé que ces exceptions ne violaient pas la Constitution, tant qu’elles respectent la liberté de conscience.
Une perspective historique et philosophique

Ces divergences rappellent que la laïcité française, née d’un contexte métropolitain, a dû s’adapter aux réalités coloniales. L’ordonnance de 1828 en Guyane témoigne d’une époque où l’Église soutenait l’administration coloniale, une alliance que la loi de 1905 a cherché à rompre en métropole. Les décrets Mandel, quant à eux, reflètent une tentative de contrôle administratif des cultes, un héritage du paternalisme colonial qui perdure.
Un équilibre fragile

La loi de 1905, pilier de la laïcité, ne s’applique pas uniformément, créant un patchwork confessionnel en Outre-mer. Entre héritage historique, identités culturelles et pressions modernes, ces exceptions posent un défi permanent à l’unité républicaine. Si des ajustements progressent – comme en Guyane –, la question reste ouverte : jusqu’où la France peut-elle concilier laïcité et diversité ? Cette énigme, digne d’un Sphinx moderne, appelle à un dialogue continu pour préserver l’esprit de 1905 tout en respectant les singularités.
Sources documentées :
- Circulaire du ministère de l’Intérieur, 25 août 2011.
- Décision du Conseil constitutionnel, 2013.
- Archives historiques sur l’ordonnance de 1828 (Guyane).
- Rapports officiels sur les décrets Mandel, 1939.
- Données statistiques sur les financements cultuels (Collectivité de Guyane, 2025).
Autres articles sur ce thème
Aller à l’encontre d’un mythe suscite toujours des réactions passionnées ! Le réalisme politique c’est la capacité de concilier des contraires !
A ce sujet l’exemple de Wallis et Futuna est particulièrement édifiant !
Pour résumer, le général de Gaulle a besoin d’un consensus pour faire les essais de la bombe atomique dans le Pacifique. Les territoires de Wallis et Futuna en 1959 sont sous le régime du protectorat ! Pour avoir l’accord de ces territoires le général leur propose d’adhérer à la République Française en leur conférant un certain nombre de droits. En 1959 le référendum est organisé et accepté. en 1961, Wallis et Futuna intègrent la République française avec comme droits spécifiques principaux :
– La reconnaissance du droit coutumier : Le royaume de Wallis et les deux royaumes de Futuna sont reconnus par la République
– L’enseignement primaire est sous la responsabilité de l’église catholique
– les Futuniens et les Wallisiens ont droit à la gratuité des soins
– les Futuniens et les Wallisiens sont exemptés d’impôt.
Ce que les gouvernements actuels sont incapables de faire en Nouvelle Calédonie pour établir la Paix de Gaulle l’a fait et les députés ont voté sans discuter !
Les dogmatiques rigolos qui réclament la sainte laïcité à corps et à cris ne sont pas sérieux ! La Paix exige des concessions ! Le déni de ces réalités c’est de la bêtise !
J’ai signé la pétition pour la constitualiser ces 2 articles de la loi de 1905 quand on est au GO c’est normal?
mais ceci dit j’aimerai mieux que l’on mette notre énergie à défendre ces principes ,mettre au pli les catholiques intégristes oui d’ailleurs ils nous détestent toute obédiences confondues la bible ne protège pas de l’intégrisme. Mais occupons nous aussi des de ces religions qui actuellement ont pour seuls objectifs de détruire le vivre ensemble du moins ce qu’il en reste!
mais ce type de combat est le grand oublié de la FM
La loi de 1905 ne s’applique pas non plus en métropole dans trois départements : ceux de l’Alsace et la Moselle…
pas mieux!
Arretons de toujours fourrer son nez où c’est du temps perdu.
Les F M travaillent soit disant à l’amélioration de la société… alors ouvrons des chantiers qui traitent de l’insécurité dans ce beau pays laïque, de comment faire que la France qui est devenue une poubelle ne soit pas jetée à la décharge !!!!!!
La promulgation de la loi de 1905 considérée comme pilier de la laïcité est malheureusement battue en brèche et mise sur la sellette quand on sait quelle devrait garantir la séparation stricte des Églises et de l’État.
Les voix doivent continuer de s’élever, des débats, des protestations, des réformes doivent raisonner afin d’ harmoniser ces pratiques au risque de faire table rase sur les spécificités locales. Et la décision de 2013 rendue par le Conseil Constitutionnel est très péremptoire, car
le respect de la liberté de conscience ne rime pas avec devoir de gratitude ; oui. l’on est tenté de croire que L’église qui a soutenu l’administration coloniale attend le retour de l’ascenseur cette fois de la part des collectivités publiques auquel cas l’héritage colonial perdurerait encore sous une forme de néo paternalisme mettant ainsi en défi le principe d’égalité républicaine.
Très respectueusement…