Chapitre 1- Les Origines
Les origines de celle que les égyptiens nommaient Asèt, « le trône » et que les grecs transcrivirent en Isis, sont à chercher du côté du delta du Nil. Cette région où l’on trouve tant de marécages profonds et de forêts de papyrus symbolisait les eaux maternelles aux yeux des Anciens. « Les marais de Chemmis (Basse Égypte, seraient le lieu secret où Asèt retourne toujours pour cacher et protéger les hommes qui sont chers à son cœur : Osiris, son époux défunt d’abord, puis Horus-Harpocrate, son enfant solaire ».

Coiffée d’une perruque tripartite couleur « aile de corbeau », la déesse est couronnée d’un siège, qui, par sa forme épurée, évoque un escalier, une échelle, ou un petit escabeau qui favoriseraient l’ascension vers les régions célestes. En réalité, ce signe, S.t, le « siège », qui est également l’hiéroglyphe de son nom, symbolise le trône royal.
Parfois représentée sous la forme d’Hathor, la déesse de l’amour, de la joie et de l’ivresse spirituelle, Asèt peut arborer comme celle-ci, de hautes cornes de vache en forme de lyre qui enserrent un disque solaire.
Asèt, « la grande de Magie », qui maîtrise la science divine sait pourtant se montrer douce, (très) aimante et fait preuve d’une incroyable fidélité. « Lumineuse, et légère aussi, et cela depuis que deux divinités, et non des moindres-Amon, le principe caché de la création, et Chou, l’incarnation de la lumière « qui illumine le ciel après les ténèbres »-, lui ont conféré son premier souffle.

Un texte gravé dans le sanctuaire de son temple, à Dendara, raconte sa naissance : En ce beau jour de la veille de « l’enfant dans son berceau »[…], Asèt fut mise au monde à Dendara par Apit la Vénérable dans la demeure d’Apit [l’un des noms du Temple d’Asèt], sous la forme d’une femme noire et rose, douée de vie, douce d’amour ; il lui fut dit par sa mère Nout, quand elle la vit : « Sois légère [is] pour ta mère ! » C’est pourquoi son nom a été Isis ». Noire est-elle donc, comme tant d’autres déesses anciennes – il suffit de penser à Cybèle, à Déméter, à Diane ou à Aphrodite. Noire est-elle aussi, comme certaines vierges médiévales barbares et merveilleuses.
Aux origines, nous racontes les récits cosmogoniques, Rê-Atoum, le Créateur, émerge de l’océan primordial (Noun). Dans cet état indifférencié plongé dans l’obscurité, le démiurge solaire qui est « venu de lui-même à l’existence » se masturbe pour créer sa descendance (les textes évoquent son geste et sa semence, à l’origine de toutes choses, comme la « flamme ardente d’Atoum »). Selon d’autres textes, Rê crache, dans le dessein d’opérer une séparation. C’est ainsi qu’il donne naissance au premier couple composé de Shou, l’air et la lumière, et de Tefnout, qui personnifie l’ardeur du soleil. Puis un second couple vient au monde : Geb, le principal dieu de la terre, et Nout, la déesse de la voûte céleste que l’on voit étendue sur lui. Aidé de Shou, le démiurge sépare alors Geb de Nout, qui étaient alors unis, afin que le ciel étire son long corps étoilé au-dessus de la terre. De leurs étreintes passionnées, de cette hiérogamie (mariage sacré) entre le principe mâle et le principe féminin, naissent cinq enfants, dont Asèt et Osiris. C’est ainsi que leur histoire d’amour débute dans le ventre même de leur mère Nout.

« Isis et Osiris s’aimèrent avant même que de naître et s’unissaient furtivement dans l’obscurité du sein maternel » (Plutarque 45-125 apr. JC). Isis (Asèt) et Osiris sont jumeaux et grandiront au contact de leurs frères et sœurs (Seth, Nephtys et Haroéris (ou Horus l’Ancien). Cinq au total.
Osiris naît le premier et sera l’héritier légitime de son père.
Chapitre 2- Le Mythe Isiaque
C’est une histoire de jalousie fratricide et de violence, d’amour et de fidélité qui triomphe de la mort.
En un temps qui est celui des origines, Osiris, qui régnait sur la terre d’Egypte, est mis à mort par son frère et rival, le dieu Seth, sur la rive de Nedit, au bord du fleuve.

En effet, Seth était jaloux de son frère Osiris et fit construire un coffre en bois précieux qu’il souhaitait offrir à celui dont les proportions s’ajusteraient parfaitement aux dimensions. Osiris s’y essaya et sans attendre, Seth referma l’imposant couvercle, assisté par 72 complices. Il scella le couvercle avec du plomb fondu, et emporta, avec l’aide de ses complices le coffre sur le Nil jusqu’à la mer.
A la nouvelle de sa disparition, toute la terre d’Egypte, hommes et dieux compris, se lamente, soudain dépossédée de son roi civilisateur. Isis, elle, est terrassée de douleur ; elle coupe une mèche de ses cheveux et enfiles ses vêtements de deuil. Ses larmes, versées en abondance, déclenchent la crue du Nil. Pourtant, la déesse se relève de son abattement, comme elle sera appelée à le faire encore, et décide de retrouver Osiris.
Ainsi débute la première quête d’Isis.

Selon le récit de Plutarque, commence alors pour la déesse un véritable jeu de piste, qui, à travers les marais et les mers, la conduit jusqu’aux rivages de Byblos, en Phénicie, où le coffre s’est échoué et où il a été enfermé dans les racines d’un immense tamaris.
Le roi de ce pays est séduit et fasciné par la taille exceptionnelle de l’arbre mais aussi par son parfum. Le souverain phénicien abat l’arbre et décide d’en faire une colonne de son palais, y enfermant du même coup le corps d’Osiris.
Guidée par le vent du destin, Isis parvient à la cour de Byblos où elle revêt sa forme humaine et séduit la reine par ses talents de magicienne (…). Puis elle finit par se révéler sous sa forme divine, nous dit encore Plutarque, et elle obtient d’emporter le coffre avec elle, libérant ainsi son époux de son long exil.
Dans le labyrinthe de Chemmis, son royaume aquatique et bien protégé, Isis va cacher le coffre qui abrite son époux. Mais une nuit de pleine lune, alors que Seth chasse dans les marais avec sa meute, il découvre le coffre. Fou de rage, l’assassin d’Osiris s’empare du corps de son frère et le découpe en quatorze, seize ou quarante-deux morceaux, selon les versions.
La seconde quête d’Isis va commencer.
Soutenue par sa sœur jumelle, la fidèle épouse d’Osiris va donc une fois encore parcourir l’Egypte et retrouver chaque morceau du dieu assassiné :
« Ma sœur, dit-elle à Nephtys, vois, c’est notre frère !
Viens, aide-moi à soulever sa tête, à recueillir ses os.
Viens, aide-moi à remettre en ordre ses membres.
Viens, aide-moi à ôter la terre de sa chair.
Ensemble, nous te reconstituerons, ô cher Osiris. »
Patiemment, la déesse va reconstituer le corps de son bien-aimé.

Une fois reconstitué par Isis, rien ne manque bientôt d’Osiris, excepté son phallus, avalé par un poisson du Nil. Elle modèle un sexe en terre et remplace le phallus disparu. Elle rend sa virilité à Osiris, dans l’espoir de concevoir un enfant de lui et donner un héritier au trône d’Egypte, convoité par Seth.
C’est sous la forme de son oiseau de prédilection, le milan, qu’Isis va voler au-dessus du corps inerte d’Osiris. Elle agite ses ailes près des narines du défunt pour lui rendre le souffle vital, mais, plus encore, pour lui insuffler l’esprit. Par sa puissance créatrice, par la force de son amour, Isis va donc tenter de réanimer son époux, dans l’espoir qu’il dépose en elle un germe d’avenir. Isis parvient à redonner vigueur à son mari défunt et à être fécondé par lui. Osiris revenu à la vie ira régner sur le monde des morts. Isis restée seule, mettra au monde leur fils Horus l’enfant (ou Harpocrate). Elle l’élèvera dans la solitude des marais du Delta, pour le soustraire aux foudres de Seth. Isis jouera un rôle protecteur durant l’enfance du jeune Horus.
Chapitre 3 – La symbolique maçonnique
Comment pouvons-nous interpréter ce mythe et en tirer l’essence symbolique ?

C’est une quête ; Isis est une femme pleine d’amour et de fidélité pour Osiris son mari et frère. Osiris représente la raison et la lumière, et Isis la nature, mère de toutes choses, dont le pouvoir s’étend sur le monde entier.
Lorsque Seth, le frère jaloux, qui est le double négatif d’Osiris, sépare Isis de son Amour, elle se retrouve perdue. La lumière qui l’éclairait a disparu. Son amour lui reste intact et son espoir également. Désormais dans le noir, les ténèbres, elle se met en quête pour retrouver son amant.
Isis va tenter de retrouver la lumière dérobée en acceptant de subir des épreuves.

Osiris, quant à lui, est enfermé dans son cercueil. Il ne voit plus la lumière. Il subit l’épreuve de la terre. Enfermé dans le cabinet de réflexion, il est contraint à vivre sa mort ; sa mort symbolique. Seul, sans aide il serait condamné aux ténèbres pour l’éternité. Il devra descendre au plus profond de lui-même pour renaître, pour se régénérer. Dans le cabinet de réflexion, nous retrouvons les sept lettres V.I.T.R.I.O.L. (Visite l’intérieur de le Terre, et par la purification tu trouveras la pierre secrète).
Osiris aura donc subi l’épreuve de la terre et connu sa mort initiatique.

L’eau est également présente tout au long du récit. Le cercueil qui renferme Osiris est porté par les flots et Isis, après avoir enfilés ses vêtements de veuve, verse des larmes en abondance. Plus tard, encore, elle ramènera le coffre dans les marais.
L’eau est symbole de vie, de purification et de régénération ; elle a un pouvoir curatif, miraculeux, et également le pouvoir de fécondité. L’eau est considérée comme une puissance féminine.
L’eau souterraine sort de la terre – des lieux inférieurs où l’homme a été initié – pour remonter vers la lumière Libératrice.
Osiris aura subi également l’épreuve de l’eau.
Retrouvé par son frère Seth, il sera découpé en quatorze morceaux et disséminé dans toute la terre d’Egypte.
Son corps laissé aux quatre vents, lui aura permis de subir l’épreuve de l’air.

Mais nous reviendrons plus tard mes frères sur cette partie du mythe qui voit Isis rassembler ce qui est épars.
Une fois reconstitué, Osiris, subira l’épreuve du feu. Le feu sacré, le feu Céleste. Isis par l’amour spirituel (car Osiris, comme nous l’avons vu dans le récit, n’est plus pourvu d’organe sexuel) va rallumer le feu, la lumière divine. De cet amour spirituel naîtra la beauté. Horus représentera l’union des deux principes :
L’homme et la femme ; la lune et le soleil ; la lumière et la nature.
Osiris aura alors subi l’épreuve du feu.
Mais, revenons mes Frères sur la symbolique du corps d’Osiris disséminé dans toute la terre d’Égypte.

Isis parcours l’Egypte, pour ne pas dire le monde, afin de rassembler ce qui est épars. Nous pouvons comprendre que, en ouvrant son compas, le Franc-maçon peut aller chercher au plus loin, au plus profond, dans son temple intérieur, la force de se rassembler et de parvenir à reconstituer son unité. En d’autres termes, la quête d’Isis pour rassembler ce qui est épars peut-être symbolisée par un cercle (ayant pour outil, le compas) et nous restons là sur un plan horizontal. Afin de réunir et réussir son unité, elle doit trouver son centre (le centre du cercle). Cette unité lui permettra d’accéder au plan vertical, c’est-à-dire celui de la conscience, de la spiritualité (nous retrouverons donc ici la symbolique du fil à plomb et la voûte étoilée).
Ainsi, Osiris est naturellement intelligible et bon, il est recherché et désiré par Isis, qui incarne la connaissance et la sagesse ; s’unissant à lui, elle « produit tout ce qui est bon et beau dans notre monde ».
Mes FF, nous pouvons aller encore plus loin et remarquer qu’Osiris une fois reconstitué subira les épreuves de la terre, de l’eau, de l’air et du feu en quasi simultanéité, puisque sa chair était pleine de terre, qu’il se trouve dans les marais, que son phallus est constitué de terre, qu’Isis lui insuffle la vie et lui fait subir le feu céleste de la procréation. Osiris, cependant transcendé a perdu sa virilité, sa masculinité. Il n’est plus homme, mais n’est pas femme non plus. Il est peut-être les deux ou aucune de ces formes ! Désormais libéré de ses attributs masculins, il est tout en conscience.
« Lorsque vous ferez du masculin et du féminin un unique, afin que le masculin ne soit pas un mâle et le féminin ne soit pas femelle (…) alors vous entrerez dans le royaume »
Cette union hors norme voit naître la beauté, la perfection, et c’est Horus.

Nous retrouvons, ici la symbolique ternaire (mais pour qui veut bien voire, certainement bien plus…). Isis, la Mère (la Vierge puisqu’elle enfante par parthénogénèse ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas de fécondation), reçoit le souffle divin du Père afin d’accueillir le Fils. Nous retrouvons, ici toute la symbolique du nombre 3 et en parallèle la Trinité des Evangiles.
L’association de un et deux nous donne trois, ce qui nous ramène à l’unité.
Ainsi, Isis, plus qu’une déesse, représente le creuset, le principe créateur universel de toute l’humanité, elle a été capable, à force d’amour, de persévérance, de trouver le principe créateur. Son amour, lui a permis de faire naître le feu Céleste et d’engendrer le monde à venir.
Isis peut également être associée à l’arche d’alliance.

D’autre part, Isis accouchera d’Horus au solstice d’hiver (se rattachant aux autres mythes fondateurs : Mythra, Jésus).
Isis aura donc perdu son frère-époux, partit régner sur le royaume des morts et enfanter le monde à venir. Cette veuve aura donc préparé l’avenir, un avenir prêt à recevoir la lumière, pour ceux qui la cherchent et pour ceux la porteront !
Nous sommes, nous francs-maçons les Enfants d’Isis, autrement dit : « Les Enfants de la Veuve ».
« La Veuve est celle sans qui le Dieu Osiris demeure cadavre. Elle est le vecteur permanent de tradition en tradition jusque dans le mythe d’Hiram » (que je n’aurais pas évoqué ici, vous le comprendrez !).
La mort est « inertie, isolement, lassitude et dispersion », soit une perte d’axialité. La Veuve connaît « ce qui n’est pas encore venu à l’existence, c’est-à-dire l’énergie qui demeure en potentialité, elle sait faire apparaître cette énergie en lui donnant forme ; elle possède le moyen de maintenir la vie en la régénérant. »
Bibliographie :
- ISIS l’Eternelle – Florence Quentin (édition Albin Michelle)
- ISIS, Mère des Dieux- Françoise Dunand (édition Babel)
- Hiram et la reine de Saba-Julien Behaeghel (édition Maison de vie)
- Symbolisme Maçonnique Traditionnel – Jean-Pierre Bayard (éditions Maçonniques de France)
- Le rituel du 1er degré maçonnique
chapitre 3 passionnant, et surtout très instructif.
comme l’a montré Eliade Mircea dans son « histoire des religions », on s’aperçoit que la recherche du Divin est propre à tous ceux qui cherchent.
Merci pour ce partage de connaissances.
Ma petite expérience me révèle que l’éveil peut nous sortir d’un état mortifère, le stade de l’égo, des personnae.
Le souffle divin peut nous transformer intérieurement, nous ne nous transformons pas seul mais accompagné. par ce souffle, ce feu.
Une tabula rasa s’opère.
La vision du monde n’est plus tout à fait celle du mental. Cela s’opère, se dévoile par des expériences toujours en présence de ce souffle qui est à l’interieur de nous et à l’extérieur.
La douceur, l’amour, la joie Est de cette union subtile, volatile et pourtant d’une TOTALE FIDÉliTÉ à chacun de nous.
Les mots sont difficiles à choisir pour exprimer les expériences d’état de transformation de Conscience aussi les mythes sont-ils plus forts pour décrire notre ontologie humaine, du vivant.
Merci de citer Jean-Pierre Bayard, j’ai vécu prés de Marie et Jean-Pierre , enfant comme voisine et amie de leurs enfants. Il existait une loge sous sa maison de Maison – Lafitte avant de s’installer à Angers.