5ᵉ Étape de notre Voyage
Bonjour à vous, chers lecteurs et fidèles compagnons de route ! À ceux qui nous suivent depuis le tout premier pas du Bateleur, qui ont traversé le silence de la Papesse, l’explosion créatrice de l’Impératrice et la rigueur de l’Empereur, bravo. Nous voici arrivés à la cinquième étape de notre périple au cœur du Tarot d’Oswald Wirth. Pour les nouveaux venus, prenez place : le voyage ne fait que s’approfondir.
« Et si… ? »
Oubliez l’image d’Épinal du dogmatique rigide. Le Pape n’est pas un donneur de leçons qui assène des vérités toutes faites. Face à nos certitudes blindées et nos vies parfois trop bien rangées dans le « carré » de nos certitudes, il est cette présence bienveillante qui murmure : « Et si… ? » Et s’il y avait autre chose ? Et si le plafond n’était pas la limite ? Il ne nous force pas à croire. Il lève simplement le doigt vers le haut pour nous indiquer qu’il y a « peut-être » quelque chose de plus grand que nous.
Il est l’éveilleur qui ouvre la fenêtre pour laisser entrer l’air frais du sacré dans une réalité devenue trop mécanique, trop MATÉRIELLE.

Le Pontifex : L’Architecte de l’Invisible
L’Arcane V : le Pape, du grec pappas (père), incarnant une figure paternelle qui guide, protège et transmet, porte bien son nom ! Mais sa fonction première est celle de Pontifex : le « faiseur de ponts ». Après la stabilité de marbre de L’Empereur (IV), qui a structuré notre monde matériel, l’initié doit maintenant apprendre à transmettre et à relier. Le Pape fait le pont entre le visible et l’invisible, entre la matière (le 4) et l’esprit. Il ne s’agit plus de construire des murs pour se protéger, mais de bâtir des arches pour s’élever.
Analyse au cœur du « Miroir des Symboles »
L’ouvrage : Le Tarot miroir des symboles nous offre des clés précieuses pour comprendre cette figure médiatrice :
Le 5, la Verticalisation de l’Être :
Géométriquement, le Pape brise la stabilité statique du Carré (4). Le 5, c’est le point central qui s’ajoute aux quatre coins : la Quinte-Essence. C’est le chiffre de l’homme, mais de l’homme debout, vivant, qui insuffle l’Esprit dans la Matière. Le Pape marque l’étape de la verticalisation spirituelle : il nous invite à quitter l’horizontalité de nos relations quotidiennes pour lever les yeux.
L’Union de la Raison et de l’Intuition :
Regardez les deux petits personnages agenouillés à ses pieds. Ils ne sont pas là en soumission, mais en écoute. Ils représentent les deux pôles de notre compréhension : la Raison et l’Intuition (ou la Foi). Par son geste de bénédiction (deux doigts levés, deux pliés), le Pape unifie ces deux aspects. Il nous enseigne que la véritable Gnose n’est ni une foi aveugle, ni une logique sèche, mais l’alliance intelligente des deux.
Le Miroir de l’Ombre : Le Face-à-Face avec La Lune (XVIII)

Dans la structure cachée du Tarot, chaque carte possède son « pendant« , son reflet inversé. Le Pape (V) fait face à La Lune (XVIII).
- Le Pape (V) incarne la voie solaire, l’enseignement clair, la Foi lumineuse et le dogme qui rassure en plein jour.
- La Lune (XVIII) incarne la voie nocturne, l’Illusion, le doute, l’inconscient et les mystères troubles. Pour être complet, l’initié doit connaître les deux : la clarté de l’enseignement doctrinal (Le Pape) et la traversée solitaire des zones d’ombres et des mirages personnels (La Lune). Le Pape est le phare qui nous guide ; La Lune est l’océan obscur que nous devrons un jour explorer.
La Lumière à l’Orient
Pour nos lecteurs familiers des loges, la figure du Pape résonne étrangement. Assis entre deux colonnes ( vertes dans le Tarot de Wirth, symbolisant la nature), il incarne l’autorité spirituelle bienveillante. Il évoque immanquablement le Vénérable Maître siégeant à l’Orient. Comme lui, il a pour charge de transmettre la Lumière et de maintenir la Tradition vivante. Dans certains rites, il rappelle aussi la fonction de l’Expert, celui qui guide le candidat sur le chemin, ou encore l’Orateur, gardien de la Loi. Il est celui qui transforme le rassemblement d’hommes en une assemblée spirituelle.
L’Archétype Narratif : Le Mandateur Spirituel
Si nous relisons le Tarot comme un conte initiatique selon les codes de Vladimir Propp, quel rôle joue le Pape ? Il est le Mandateur (ou Destinateur). Si l’Empereur (IV) donnait au Héros une mission concrète (bâtir, conquérir), le Pape lui confie sa mission spirituelle. Il est le mentor, le « Vieux Sage » (comme Merlin ou Gandalf) qui révèle au héros que sa quête a un sens plus élevé. Il ne donne pas l’objet magique (ce sera le rôle de l’Ermite ou de la Papesse), mais il donne la vocation. Il est l’impulsion qui transforme une simple aventure en quête du Graal.

Aparté : Quand le Bœuf devient « A » (La Magie de l’Écriture)
Puisque Le Pape incarne la transmission et le savoir, arrêtons-nous un instant sur l’outil même de cette transmission : l’Écriture. Comme le détaille le chapitre sur les origines de l’alphabet, saviez-vous que notre alphabet, outil intellectuel par excellence, puise ses racines dans le monde agricole le plus concret ?
Prenez la lettre A. Si vous la retournez, pointe en bas, que voyez-vous ? Un triangle avec deux cornes. Une tête de Bœuf. Dans les écritures proto-sinaïtiques (ancêtres de nos alphabets), on dessinait une tête de bœuf pour désigner l’animal, symbole de force vitale. En langue sémitique, le bœuf se disait ‘Alp (ou Aleph). Par le principe d’acrophonie, on a fini par utiliser ce dessin non plus pour l’animal, mais pour le son initial du mot : « A ».
- Les Phéniciens ont couché la tête sur le côté.
- Les Grecs l’ont redressée cornes en bas pour créer l’Alpha.
- Les Romains ont fini de styliser le tout pour donner notre « A ».

La lettre hébraïque Aleph (א), associée au Bateleur, garde ce sens de « Bœuf« , d’énergie primordiale. C’est la grande leçon du Pape : le spirituel (la lettre, le concept) prend toujours racine dans le matériel (le bœuf, la force vitale). Pour s’élever, il faut d’abord être bien ancré.
Conclusion : Le Passage vers la Liberté

Le Pape n’est pas une finalité, c’est un passage. Il est le pont. Il nous a enseigné, structuré, inspiré. Il a ouvert la fenêtre. Mais le savoir théorique ne suffit plus. Il faut maintenant l’éprouver dans la chair. Il faut quitter la salle de classe et se confronter à la vie, la vraie. C’est la dernière arcane du quinténaire illustrant l’apprentissage des savoirs nécessaires au cheminement initiatique.
Le disciple a écouté le Maître. Maintenant, le disciple doit devenir un homme (ou une femme) libre et faire un choix. L’énergie change. Le cœur s’emballe. La semaine prochaine, nous quitterons la sécurité du Temple pour la croisée des chemins. Nous rencontrerons le doute, le désir et la liberté avec L’Amoureux (VI).
« Je ne suis pas la Lumière, je suis la fenêtre qui la laisse entrer », disait le Pape.
« Le Tarot miroir des symboles »
