Avec son numéro 11 de décembre 2025, LUMEN propose une radiographie nette de la vie de la Grande Loge Nationale Française (GLNF) et de ses axes de transmission. Le dossier consacré à l’antimaçonnisme rappelle surtout une évidence moderne : le vieux soupçon a changé d’outils, pas de logique.

Une lettre d’information qui conjugue mémoire, vie des Provinces et vigilance contemporaine
La Grande Loge Nationale Française publie avec ce numéro 11 de LUMEN une lettre d’information d’une densité notable, où se croisent l’actualité institutionnelle, la vitalité provinciale, la transmission rituélique et une réflexion lucide sur les vents contraires qui, périodiquement, cherchent à obscurcir l’Art Royal. Fidèle à l’esprit d’une publication interne ouverte sur le monde, ce numéro fait dialoguer l’immédiat et le long terme, la gestion et l’initiation, la culture et la protection de l’image de l’Ordre.

L’éditorial du Grand Maître, le TRF Yves Pennes, place d’emblée la barre sur un moment fédérateur. La Tenue annuelle de Grande Loge, tenue à Paris le 6 décembre, y est décrite comme bien davantage qu’une séquence administrative, même si elle demeure le temps nécessaire des bilans et des votes. Elle est surtout présentée comme une expérience vécue de fraternité, un rassemblement où l’unité d’une Obédience et la diversité de ses pratiques rituelles se rendent visibles, dans une atmosphère où l’on se reconnaît, où l’on se retrouve et où l’on se relie. La présence de délégations étrangères y apparaît comme un signe de rayonnement et d’universalité de la franc-maçonnerie régulière.

Dans la rubrique consacrée à la vie de l’Obédience, le numéro met en avant une actualité à la fois patrimoniale et dynamique. L’inauguration de la nouvelle Bibliothèque de la GLNF transforme un espace du siège en un véritable sanctuaire du savoir. 2500 ouvrages y sont désormais exposés, accompagnés d’objets maçonniques rares qui rejoindront en 2026 le futur musée en préparation. Le lecteur y croise des jalons d’histoire et de culture remarquables, tels que les Constitutions de 1723, une édition ancienne de la Divine Comédie, la collection de Villard de Honnecourt, ou encore une rarissime reliure maçonnique triangulaire de Gruel. Cette mise en valeur du patrimoine dit quelque chose d’essentiel. Une tradition vivante ne se contente pas d’honorer ses archives, elle les transmet comme une lumière utile au présent.

Ce même mouvement de transmission se retrouve dans l’annonce d’une grande première. La GLNF s’est dotée d’une Loge d’Instruction et de Démonstration Émulation (LIDE), inaugurée le 24 octobre 2025, dans une filiation qui fait écho à l’Emulation Lodge of Improvement (ELOI) de la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA). Une première démonstration de cérémonie d’initiation a réuni plus de 80 Frères au Temple de Pisan, et d’autres rendez-vous sont prévus en 2026. Le signal est clair. La régularité ne se proclame pas uniquement, elle se travaille, se montre et s’enseigne.

Les pages provinciales dessinent ensuite une cartographie vivante d’initiatives. La Province Paris-Plaine Monceau expérimente une communication plus lisible et plus pédagogique, associant un canal WhatsApp à une série vidéo quotidienne, La Minute, conçue pour rappeler avec simplicité ce que l’on fait en Loge et ce vers quoi conduit la voie initiatique. La Province d’Aquitaine valorise l’installation de ses nouveaux Vénérables Maîtres, tandis que la Province d’Occitanie organise une cérémonie du souvenir à Toulouse, en présence de représentants d’autres obédiences et d’autorités civiles, dans une émotion où l’étoile flamboyante devient la métaphore d’une fidélité qui continue de guider les pas.
Côté Tenues provinciales, plusieurs temps forts témoignent d’une fraternité active et d’un goût certain pour la mise en forme symbolique. L’évocation d’une Tenue commémorative marquée par la construction d’une pyramide symbolique lisible comme un triptyque mémoire-engagement-avenir illustre ce souci de donner chair au langage du rite. D’autres rassemblements importants, réunissant plusieurs centaines de Frères et de délégations, confirment une sociabilité initiatique qui s’exprime autant dans la rigueur des travaux que dans la beauté d’un esprit de Province.

La rubrique Nos Rites poursuit son exploration du paysage rituélique interne avec un éclairage sur le Rite Standard d’Écosse. Présenté avec son précepteur national, il est décrit comme un rite chaleureux, ancien et exigeant, attaché à la transmission orale, à une forte place accordée aux chants et à la musique, et à une atmosphère d’accueil où le visiteur est littéralement célébré. Le texte rappelle aussi la profondeur historique de ce Scottish Working et ses particularités symboliques et vestimentaires, comme le tablier porté sous la veste ouverte et l’ornementation de tartan, signes d’une mémoire opérative transposée dans la maçonnerie spéculative.

On notera enfin la présence de rubriques culturelles et d’ouverture. Des conférences ouvertes au public mettent en valeur une franc-maçonnerie qui assume son articulation entre spiritualité et initiation, notamment autour d’un thème significatif, La spiritualité maçonnique, source de bien. Les salons du livre de Bordeaux et Strasbourg rappellent, eux, que la transmission passe aussi par la cité, dans le dialogue avec le public et avec les autres sensibilités maçonniques.
Quelques données viennent enfin apporter un éclairage de contexte.
Au 1er septembre 2025, la GLNF comptait 32 676 Frères.
La lettre mentionne aussi des repères d’ancienneté et de tranches d’âge, signes d’une Obédience attentive à sa démographie interne et à l’équilibre des générations.
Focus
L’antimaçonnisme 2.0 ou la vieille ombre à la vitesse des plateformes
Le cœur analytique du numéro se déploie dans un dossier au titre explicite, L’Antimaçonnisme 2.0, fantasmes anciens, réseaux modernes, sous-titré par une formule qui résume l’enjeu contemporain, Le complot maçonnique à l’ère des réseaux sociaux.

Les_Mysteres_de_la_franc-maconnerie_devoiles_par_Leo_Taxil
Le dossier part d’un constat historique simple et puissant. L’antimaçonnisme, depuis le XIXe siècle, se nourrit d’un récit très stable, nourri par des mythologies déjà connues, de Léo Taxil aux représentations de propagande comme Forces occultes sous Vichy. Le décor change, la trame demeure. Société secrète, desseins occultes, infiltration de tous les centres de décision. Une rhétorique de soupçon fabriquée pour produire du vertige.
La rupture ne se situe donc pas tant dans la nature des accusations que dans leur mode de circulation. Les réseaux sociaux ont constitué un accélérateur inédit. Des messageries comme WhatsApp ou Telegram remplacent le bouche-à-oreille, YouTube se substitue aux anciennes salles de projection militantes, TikTok fabrique des chambres d’écho bien plus rapides que les pamphlets d’autrefois. Le dossier insiste sur la dimension mondiale de cette diffusion et sur la difficulté désormais à circonscrire un discours qui se régénère en permanence.

Il dresse une cartographie des figures actuelles de cette dénonciation numérique, en soulignant la variété de leurs origines idéologiques et la manière dont certains anciens francs-maçons deviennent des cautionnements médiatiques de récits construits sans preuves. Le texte évoque aussi la convergence de l’antimaçonnisme avec d’autres grands récits complotistes contemporains, où se mêlent peurs technologiques, fantasmes d’ingénierie sociale et réécritures pseudo-religieuses de l’histoire du monde. L’usage de vidéos dopées à l’IA et de procédés proches du deepfake est présenté comme un facteur d’attractivité supplémentaire, renforçant l’illusion documentaire.

L’intérêt du dossier est de ne pas se contenter de décrire. Il suggère une ligne d’attitude. Répondre frontalement à tous les récits revient souvent à alimenter un puits sans fond. Il est plus juste de cultiver une image vertueuse, de rendre visibles les œuvres réelles, les valeurs vécues, la dimension spirituelle et initiatique du travail maçonnique. Dans cet esprit, la présence de la GLNF sur TikTok, qui relaie des témoignages de Frères et compte près de 18 000 abonnés, est présentée comme un signe encourageant d’un contre-récit plus juste et plus transparent.

Au fond, ce dossier fait écho à tout le reste du numéro. La meilleure réponse à la caricature demeure souvent la patience de la preuve, la pédagogie de la tradition, la discrète solidité du travail accompli. Une bibliothèque rénovée, des loges d’instruction actives, des Provinces qui expliquent mieux ce qu’elles vivent, des conférences ouvertes qui reprennent la parole dans la cité. Autant de manières de rappeler que la franc-maçonnerie n’a pas besoin d’un mythe pour exister. Elle a besoin de lumière, de méthode et de Frères en marche.
LUMEN n°11 montre une Obédience qui travaille sur deux fronts complémentaires. D’un côté, consolider la transmission, les rites, la culture et la vie des Provinces. De l’autre, regarder sans naïveté la mécanique contemporaine du soupçon et la vitesse des plateformes. L’antimaçonnisme 2.0 ne se combat pas par l’indignation. Il se neutralise par la constance, la clarté et la qualité du travail maçonnique rendu visible quand il le faut.

