sam 06 décembre 2025 - 16:12

Une approche de la Kabbale

Q.Q.O.Q.C.C.P.

Qui, Quoi, Où, Quand, Comment, Combien ? Pourquoi.
Ces sept questions scolastiques permettent d’examiner la quasi-totalité des problèmes humains. Nous tâcherons de répondre à la plupart de ces questions dans l’exposé forcément élémentaire présenté ici !

Le but principal de cet exposé est de donner envie aux lecteurs d’approfondir par eux-mêmes ce sujet qui exige de nombreuses définitions, de longs développements sans pour cela que le fonds soit très complexe tout en ayant une forme et une histoire compliquées par la superposition d’une chronologie de plusieurs siècles, d’une vaste étendue géographique du Moyen Orient à l’Europe, et de l’usage d’idiomes, de concepts, de logiques et d’alphabets très divers.

         Il n’y a pas de voyelles en hébreu, et le mot K’b’l’ qui caractérise ce qu’a vécu Moïse sur le Mont Sinaï est un verbe signifiant « révélation » ou « réception ». Il s’agit à la fois de la réception d’un message, du message reçu et de celui qui a reçu le message. Le récipiendaire est donc constitué en tant que constituant potentiel du message reçu.

         Dans notre corpus maçonnique le terme « initiation » semble le plus approchant dans ses diverses acceptions.

         Une nouvelle histoire commence, une construction nouvelle est entreprise         

La Kabbale est apparue au XII ème siècle de notre ère dans les communautés juives de Provence, Languedoc et Catalogne, avec des pointes vers la Castille et l’Aragon d’une part, et le bassin méditerranéen à partir de 1492, date de l’expulsion des Juifs d’Espagne. Un retour en Israël et en Égypte se produit et de solides écoles y sont fondées avec une diaspora vers le nord de l’ Europe, Allemagne, Pologne, Ukraine, et Pays Baltes.

         C’est à cause de l’Exode que les kabbalistes ont réuni leurs enseignements secrets pour passer d’une Tradition orale dont la fiabilité était reconnue et prouvée à une Tradition scripturaire plus sensible aux variations, ajustements et commentaires ainsi qu’aux déviations et biais idiomatiques.

         La Kabbale, telle que nous pouvons la percevoir aujourd’hui, résulte de deux mouvements opposés dans la chronologie : une phase de coagulation et cristallisation et une phase de dispersion et dissertation, chaque groupe alors différenciant un courant spécifique à partir de 1500 environ.

         La Kabbale établit ses théories scrupuleusement non-dogmatiques à partir de trois livres principaux dont la rédaction s’étend sur quasiment deux millénaires.

         Les noms donnés à ces livres sont des acronymes évoquant leurs parties constituantes

         Le premier est le TaNaKh :

T comme Thora-Chebiktav, Loi de Moïse, écrite, que nous nommons « Pentateuque » faite de cinq livres composant la ThoRa

  Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome.

N comme  NéViiM, comportant les Vingt-et-un livres des Prophètes et Juges.

K comme KéTouViM, comportant les treize livres des écrits dits « Hagiographiques » qui relatent les faits et gestes marquants du peuple juif.

         Le deuxième est le TaLMuD, ou ThoRa-ChéBéaL-Pé qui fut à l’origine un enseignement exclusivement oral dit « Acroamatique » car réservé à une élite d’initiés ; l’exode poussa les rabbins à l’écrire pour ne point risquer d’abolir la Loi par des oublis ou des erreurs.

         Le TaLMuD est composé de deux parties :

la MiCHNa, partie invariable qui reflète la Loi et les Prescriptions ;

la GuéMaRa, qui se présente sous deux versions :

                   Celle de Jérusalem, datant de 380 après J.C.

                   Celle de Babylone, élaborée entre 376 et 500 après J.C.

         Rappelons l’oralité des premiers temps, l’écriture manuelle de 1492 et après, et enfin l’impression à Venise et Mantoue en 1523 assortie de deux commentaires :

                   celui de RACHI (Rabbi Chlomo Ytzakhi qui vécut en Champagne entre 1050 et 1120)

                   et celui des Tossafistes (de tossafot signifiant « additions ») groupe d’auteurs ayant écrit en France, Angleterre et Allemagne aux XII ème et XIII ème siècles. Pour être complet notons que le Talmud ainsi lu comporte deux catégories de textes :

                   une partie juridique de droits civils et religieux, c’est la HaLaKah, ou « cheminement » ;

                   une partie comportant homélies, prédications, exégèses, données scientifiques et symboliques, c’est la Aggada, ou « le dire » contenant donc les Aggadot.

         Ces deux parties ne sont pas étanches ; dans le Aggada il y a toujours une perspective juridique, dans la Halakah, il y a toujours une connotation scientifique ou exégétique.

         Le troisième livre est le Zohar, qui est une œuvre pseudépigraphique attribuée donc à un auteur mythique par son auteur réel,Moïse de Léon qui – au cœur de la Castille – le rédigea en araméen entre 1240 et 1305, et l’attribua au Rabbin Siméon Bar Yochaï et à son fils qui vécurent reclus dans des grottes en Israël pendant 13 ans au II ème siècle de notre ère, lors de la répression romaine. Cette attribution est un hommage manifestant la continuité de la Tradition.

         Deux courants principaux irriguent donc la Kabbale :

                   Le courant théosophique, le plus abondant, apparu au XII ème siècle en Languedoc et à Gérone ; représenté par Isaac el Ciego et Nahmanide. L’exode du XVI ème siècle fit migrer Moïse Cordovero en Israël ; il fonde à Safed une école où se distingue Isaac Louria qui réinterprète en quelques années le Zohar et l’ensemble des textes fondateurs, créant ainsi la « Kabbale lourianique ».

         L’influence néoplatonicienne de Maïmonide s’unit aux espérances messianiques et apocalyptiques issues des textes anciens post-exiliens contemporains de la destruction du premier Temple en 580 avant J.C.

                   Nous noterons la vision d‘Ezéchiel du char divin ou Merkaba, le livre d’Enoch, les prophéties d’ Elie le premier, qui donnent une extrême complexité à cette topographie du divin où les uns cherchent par la raison, et les autres par le sentiment ou l’intuition à atteindre leur vie intérieure afin d’y rencontrer l’idée de Dieu ! (Freud saura s’en souvenir!)

         L’autre courant est le courant prophétique, né en 1270, représenté par Aboulafia à Saragosse. Il centre tout sur l’Homme, et considère que l’expérience mystique est le but suprême ; c’est la Kabbale extatique où, après de nombreux exercices et une longue ascèse, on obtient d’être en présence de Dieu lors de ce que nous nommerions aujourd’hui « un état modifié de conscience ». Les soufis musulmans, les hésychastes chrétiens, les disciples de Saint Ignace de Loyola et ses « exercices spirituels »et Sainte Thérèse d’Avila ou Angèle Foligno usent de techniques similaires et prétendent à des résultats identiques ; Georges Bataille, dans « L’expérience intérieure » définit ainsi une spiritualité athée – voire « athéistique » – en rapprochant l’extase de la crise comitiale affectant le cerveau lors de l’orgasme sexuel ou lors d’une souffrance extrême qui inonde le cerveau d’endorphines et d’ocytocine.

Franz Kafka en1923

         Un troisième courant, magique et théurgique, est de moindre importance, c’est le Sabatianisme ; apparu en 1660, il s’acheva catastrophiquement en apostasie ; il subsiste encore, caché et profondément modifié soit dans une pratique populaire de voyance et de guérisseurs, soit dans des fictions romanesques telles « le Golem » de Gustav Meyrink, ou « Le Baphomet » de Pierre Klossowski de Rolla, soit encore dans les gravures de Alfred Kubin, ami de Franz Kafka. Les occultistes actuels, sans même le savoir, usent, mésusent et abusent des pseudo-enseignements de cette Kabbale pervertie … hélas celle-là seule qui est prétendument « dévoilée » par une presse en manque de tirages !

         Pour être complet, il faut évoquer le Hassidisme qui est caractérisé par deux périodes distinctes en deux aires distinctes.

                   Le Hassidisme médiéval allemand tout d’abord, qui se développe entre 1150 et 1250 ; il se démarque un peu des spéculations abstraites théosophiques et mystiques pour donner un ensemble de règles de vie conduisant à un idéal humaniste d’un type d’Homme accompli selon la Loi, certes, mais aussi selon les contraintes du temps, des lieux, des autres religions.

                   Le Hassid Ashkénaze d’Allemagne est un homme pieux dont la Foi mystique est soutenue par l’observance des règles purement religieuses ; ascétisme, renoncement et altruisme en sont les Maîtres Mots.

         Cet homme fait l’hypothèse d’une « après-vie » dans laquelle – grâces à ses vertus – il verra la Gloire de Dieu et ainsi vivra parmi les Anges.

         Il est convaincu de l’efficience magique des formules, mais proclame sa méfiance de l’orgueil de la possession de ces pouvoirs ; on comprend très bien que des dérives hérétiques eurent lieu … humain ! Trop humain !

Kabbale de la misère provoque souvent les misères de la Kabbale !

                   Le Hassidisme polonais & ukrainien n’a aucun rapport avec le précédent ; il est apparu aux XVIII & XIX èmes siècles.

         Israël Baal Shem Tov en est le fondateur et la figure emblématique décédé en 1760.

         Les éléments messianiques sont réduits à la portion congrue par une extrême défiance quant au mélange trop démobilisant des vues apocalyptiques et des phantasmes mystiques.

         La théorie de l’exil, où il est dit qu’il est plus utile de servir Dieu hors de Palestine que de l’adorer en Palestine, fait accepter des situations dont nous connaissons les atroces conséquences, encore de nos jours où la Bête s’agite et tente de mordre ou d’égorger !

         Les enseignements sont diffusés sous forme de contes, d’anecdotes et de récits dont on peut reconnaître une très lointaine parenté avec la « Légende dorée » de Jacques de Voragine.

         Les histoires décrivent les pratiques et actes quotidiens qui établissent une relation avec Dieu l’Éternel.

         Il y a prépondérance de la Parole vers Dieu et de l’Action vers les Hommes pour manifester en synergie une Foi vivante.

         La Kabbale intellectuelle semble bien loin, mais nous y revenons incontinent en parlant de ces concepts et mots que vous attendez tous et qui constituent le fonds de commerce ésotérique à la FNAC ou chez AMAZON !

         Les temps, les lieux, les hommes étant posés, voyons maintenant quel est le travail du kabbaliste, quelles sont ses méthodes.

                   Le kabbaliste définit 4 niveaux de lecture ou compréhension pour un même texte.

         Le premier niveau est le PSCHAT. C’est le sens littéral qui respecte la logique narrative ; il est lisible et compris par tous comme s’il s’agissait d’un roman historique édifiant ; ce sens est donc accessible aux commentaires grammaticaux, philologiques, historiques, moraux et philosophiques.

         Le deuxième niveau est le REMEZ. C’est le sens allusif ; il est présent dans le texte mais ne se dégage qu’après associations d’idées ; il est lisible comme le serait une poésie ou une allégorie : par métaphores et antonomases, ou des syllepses jouant sur la polysémie, qui sont tournures rhétoriques ; le commentaire est interprétatif, la logique peut être tournée ou contournée par des contrastes voulus ou du « non-sense », les données spatio-temporelles sont parfois bousculées !

         Le troisième niveau est le DRACH. C’est le sens sollicité ; il est absent du texte, mais résulte des réponses apportées aux questions posées à propos du texte et son contexte (ou prétexte!) L’interprétation est intérieure au lecteur, dépend de lui, de sa culture, de son vécu : elle est donc existentielle ; il n’y a plus aucune logique autre que conjoncturelle, c’est-à-dire en lien direct de causalité avec l’état du lecteur et de ses capacités à un débat intime et intellectuel : ce que l’on nomme en médecine le « colloque singulier » du praticien formulant « ab imo pectore » son diagnostic, son pronostic et sa prescription thérapeutique.

         Le quatrième niveau est le SOD. C’est le sens caché, ou secret ; il est voilé au point que nul ne sait s’il existe, si même il a été voulu ; il est absent du texte, quand bien même serait-ce sous formes d’ellipses, d’aposiopèses, de lacunes, d’illogismes, de fatrasies, coquecigrues,asyndètes, amphigouris, de cacographies, de phébus (ainsi que je me délecte ici à le faire comme exemples possibles de ce que n’est pas ce sens secret!)

Dieu a pris Hénoch, comme dans Genèse 5:24 : « Et Hénoc marchait avec Dieu, et il n’était pas ; car Dieu l’a pris. (KJV) illustration des Figures de la Bible de 1728 ; illustré par Gérard Hoët (1648-1733) et d’autres, et publié par P. de Hondt à La Haye ; image reproduite avec l’aimable autorisation de la collection biblique Bizzell, bibliothèques de l’Université de l’Oklahoma

         Les initiales de ces quatre mots forment l’acronyme PaRDèS qui signifie « verger », et dont nous avons fait « paradis » que nous confondons abusivement avec le « jardin d’Éden » qui – lui – est géographiquement situé par le mythe entre les deux fleuves Tigre et Euphrate d’où Henoch, Fils de Caïn à ne pas confondre avec Enosch fils de Yared et père de Mathusalem, arrière-grand-père de Noé, ou Enoch fils de Seth, qui partira pour fonder à l’Est, au Levant, à l’Orient, la première ville mythique. Tout est lié, comme vous le constatez ! Enosch, fils de Yared, est le septième patriarche biblique, identifié par la littérature rabbinique àMétatron, il est celui qui révéla la Parole divine à Moïse ; Il y a donc un Hénoch, fils de Caïn qui nomme les choses et définit un espace, et un Enosch, fils de Yared qui utilise la Parole pour commencer le décompte du temps. La fête juive HANOUKKA fait mémoire de cette double initiation spatio-temporelles.

                   Nous avons mentionné, dans notre définition, du courant théosophique de la Kabbale rabbinique, qui appuyait ses enseignements sur la vision apocalyptique d’Ézéchiel ; cette doctrine se divise en deux thèmes :

         le premier est le Ma’sch Bereshit, relatif au premier mot de la Genèse : « Bereshit » / « au commencement », écrit et identifié cependant avec la deuxième lettre de l’alphabet hébraïque, la première étant « Aleph » ! C’est un enseignement cosmologique et cosmogonique qui recentre en permanence sur la Torah les spéculations gnostiques qui foisonnent dans les controverses rabbiniques.

          C’est précisément le rôle de la Michna, la Loi invariable, que de mettre en garde contre des approfondissements dangereux provoqués par de téméraires ratiocinations !

         Le deuxième thème est le Ma’asch Merkaba qui traite d’un voyage extatique accompli par le prophète Ézéchiel, à la suite duquel il décrit « le Char et le Trône divins » avec une profusion de détails et de structures sur la traversée des 7 cieux.

         Toute une littérature, dite des Heykhalot, ou Palais divins,est issue de ces écrits rassemblés aux III et IV èmes siècles.

         Pour la petite histoire, nous noterons que des auteurs en mal de merveilleux ont interprété ces textes comme étant des récits d’extra-terrestres en avance sur nos civilisations et venus de lointaines galaxies ! Cela continue aujourd’hui car certains prétendent que le CoVid est en provenance de Sirius !

         Dans la suite de ces textes est situé le Séfer Yetsira, Livre de la Création et de la Formation, écrit en 946 par Sabbataï Donnolo en Italie du Sud.

         C’est dans cet ouvrage que sont évoqués les trente-deux voies merveilleuses de la sagesse, qui réaffirment que le Monde est une émanation de Dieu.

                   Trente-deux résulte de l’addition des dix Séphirot ou nombres primordiaux avec les vingt-deux lettres de l’alphabet, fondatrices de la nomination puis de la description du Monde.

Saint Augustin

         Nous dirons simplement que cette forme de Kabbale postule l’existence d’un Dieu caché, unique et tout-puissant, ubiquiste et omnipotent dénommé En SoF : infini, inconnaissable, deus absconditus tel que traduit par Saint Augustin. Il est la Cause Première, Cause des causes, et l’on reconnaît là une nette influence aristotélicienne, introduite par Maïmonide et ses disciples.

         Les dix Séfirot sont donc une manifestation en quelque sorte « éclatée » ou « analytique » d’ En Sof, issus de l’ ÉTINCELLE NOIRE de la Percussion de la Parole contre le Néant ; le Néant se fendille, explose dans ce qui est nommé « la brisure des vases », d’où est issu l’Adam Kadmon, androgyne primordial d’où jaillit l’Humanité ; il est une préfiguration du « REBIS » des alchimistes et du redoutable « BAPHOMET » des satanistes occultistes.

         Remarquons au passage cette « COÏNCIDENTIA OPPOSITORUM » d’origine pythagoricienne, disséquée par Nicolas de Cues dans son traité « De docta ignorantia », et qui alimentera également les « quodlibétales » scolastiques théologiques et nominalistes médiévales.

         Nous retrouverons cette pratique anticipatrice du « brain storming » moderne dans les discussions et commentaires adogmatiques des rabbins pratiquant le « Mahloqet ».

         Isaac Louria explique la Manifestation par le « Tsim Tsoum », ou retrait de Dieu en Lui-même. Il ne s’agit pas d’une concentration, mais bien d’un retrait ménageant un espace réel dans le Néant primitif.

         Le Kabbaliste a pour mission de réparer cette brisure des vases qui, seule pourtant, lui donne prise sur le réel par les possibilités – très cartésiennes – d’isoler un temps d’étude des éléments de l’ensemble. Le travail, nommé tiqquoun permettra de réparer. Une seconde brisure des vases est inhérente à l’Homme lui-même en raison de son orgueil à prétendre définir l’infini, et de sa vaniteuse présomption à vouloir simplement s’atteler à la tâche.

         Le Chemin des Séfirot est donc issu de la Kabbale rabbinique, mystico-apocalyptique, revue et sur-interprétée par Isaac Louria.

         Un deuxième chemin est issu de la Kabbale dite extatique et pratique, d’Abulafia, c’est le Chemin des Noms.

         Abulafia a cherché quelque chose susceptible d’acquérir la plus haute importance sans avoir – par elle-même – une quelconque importance. L’alphabet hébreu possède ces critères. Abulafia se base sur la forme abstraite des lettres sur lesquelles il développe une théorie de contemplation mystique en tant que constituant du – ou des – nom(s) de Dieu.

         La Kabbale extatique s’attache à découvrir dans les lettres et combinaisons de lettres, tous les noms de Dieu par systèmes d’équivalences, puis se dédie à organiser ces noms en formules qu’il s’agira de répéter « jusqu’à plus soif », jusqu’à se trouver en transes et donc en présence de Dieu ! Les soufis et les moines hésychastes chrétiens ne font pas autrement.

         Les lettres hébraïques résultent d’une réécriture totale d’un alphabet hiéroglyphique antérieur de plusieurs siècles dit « protosinaïtique ».

La Kabbale

         Les lettres changent de forme, mais conservent leur sens originel en conservant le son de leur prononciation désignant les substances, des objets, des animaux ou des gestes. Les signes sont générés par la circulation d’un point selon les déplacements rectilignes d’une matrice carrée. Quelques arrondis adoucissent les formes et facilitant une écriture rapide et cursive. Nos compagnons opératifs créant leur marque distinctive de tâcheron, n’agissent pas autrement.

         L’alphabet se présente donc comme une figure idéogrammatique reconstruite par simplification des tracés, réduction des sons en phonèmes presque monosyllabiques et abstraction des associations des signes associés en mots capables de contenir la création en la nommant, et la décrivant, définissant en elle des relations, des lois, des analogies par les différentes fonctions et natures des mots telles que substantives, adjectives, verbales, etc.

Susceptibles aussi de dire ce qui ne se voit pas par des figures de rhétorique telles que métaphores et symboles, exprimant donc la Parole de Dieu et la Loi grâce aux niveaux de lecture, méthodes d’interprétations dont nous avons précédemment parlé.

         Se souvenir en permanence que l’humain n’a de métaphores qu’humaines en provenances analogiques avec ses perceptions, sensations et émotions.

         Il y a la genèse des lettres à partir des lettres-mères ; il y a la prononciation de la lettre au moyen des lettres de son nom ; le dessinateur Hergé pour son pseudonyme a utilisé le procédé en isolant les initiales de son patronyme,Rémi, et de son prénom, Georges ; on voit que l’on peut réitérer le procédé quasiment à l’infini :

Victor Hugo

         Hache Eu Erre Gé É, ou encore : Gé Eu O Erre Gé Eu Esse Erre Ai Aime I … Etc.

         De même Victor Hugo dans Booz endormi :

         « Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeh » où la ville imaginaire gagne son nom par l’absence de rime à la consonance « D » du verbe « demandait » terminant le dernier vers du poème.

         Nous voyons qu’un monde surgit au-dessus du monde en provenance de cette réaction en chaîne, surtout si un réseau est établi entre ce que désignent les mots dans la réalité tangible et ce que désignent les pictogrammes originels.(on peut établir une analogie de conception de ce qui précède avec ces « prédelles » explicatives autant qu’ornementale que la peinture religieuse prévoit sous ses polyptyques ou retables).

         Il y a ensuite les manipulation dans les mots qui se font selon deux techniques principales.

         La première est d’aspect mathématique. Les lettres hébraïques servaient également à la numération et avaient la valeur de chiffres et de nombres. On peut donc les additionner selon certaines règles concernant la prise en compte, ou non, des retenues en base décimale. On réduit ainsi les mots en nombres et en les ajoutant, on les accouple, les réduit encore et en les décryptant, on trouve d’autres mots qui sont dits descendants des premiers ou apparentés. Cette technique est nommé « la Guématrie », et se subdivise en sous-techniques dont aucune n’est antinomique aux autres ou exclusive des autres. La souplesse du système n’a donc d’égale que sa complexité.

         La deuxième a déjà été vue : c’est la technique des acronymes, rencontrée avecTaNaKH, ou encore PaRDèS. Nous l’utilisons aujourd’hui fréquemment pour nommer des institutions ou entreprises ou encore pour créer des néologismes … à la différence près que nous sourions des jeux de mots qu’ils permettent au lieu de leur donner un sérieux qui permettrait de les utiliser en poésie ou en art lyrique : influence du PAF sur le PIF, OTAN en emporte l‘ONU… Cette technique est nommée Notarikone, et autorise la construction de textes codés que Cervantès, Juif, utilisa et que Georges Pérec, Juif lui aussi, réemploya dans l‘Oulipo, entendez « OUvroir de la LIttérature POtentielle ».

         Une troisième technique vous est connue et vous paraîtra ludique ou puérile : c’est la technique des jeux de mots, :

Anagrammes, :mare/amer/rame// Marie-José/j’ose aimer//

Pierre Larousse pousse l’arrière, je t’aime souvent je sème à tous vents.

Palindromes ; tu l’as trop écrasé, César, ce Port-Salut ;

Homonymes : aire/aire //homophones : ère/erre ;

Paronymes : Conjoncture /conjecture ;

Pataquès : élimination/illumination ;

Calembours : le combat sanglant de l’arène ;

Contrepèteries : Duce, tes gladiateurs circulent dans le sang, signé de notre Frère Pierre Dac sur radio Londres.

Nous en terminerons là avec « la philanthropie des ouvriers charpentiers » abreuvés à « La cuvée de Bernard Laporte » étant bien connu que « Le poète est un coureur de fond(s) ;

Devant nos fouilles curieuses, ta chute impie devant le Temple !

         Le fait qu’en hébreu on n’écrive pas les voyelles accroît le champ des possibilités : rien que le son des lettres épelées donne un message homophonique : « elle aime haine », « Elle est Maine », « hélé, mène », et l’anagramme donne : « aime Hélène », « aime Héllène », paronymie donne : « l’amant, Léman,lamine, l’amine, limon, l’iman, l’humain, lumen, Lhomond, l’Oman, ».

         Cette technique est nommée TéMouRa, et permet de changer aisément un texte en un autre, ce dont se sont emparés tous les charlatans et gourous qui se sont évertués à démontrer que la Bible annonçait Tchernobyl, la Vache folle et la fin du monde à Bugarach.

         Il est important de dire que le Kabbaliste honnête entreprendra son travail selon deux axes principaux : un premier axe qui respectera scrupuleusement l’a-dogmatisme, non-polémique des origines pour une totale ouverture des discussions, l’acceptation sans exclusives de toutes les opinions, à charge – évidemment – de réciproque ; un deuxième axe, où il n’utilisera dans son étude que ce qu’il sait et non ce qu’il paraît, qu’il emprunte sans références, ou vole dans des rumeurs infondées. Il peut donc s’approprier une idée mais en citant ses sources ; en opérant une critique serrée des motifs de son emprunt.

                   NOUS ARRIVONS AU TERME DE NOTRE PARCOURS !

         Une maxime de la Kabbale dit explicitement :

« Il faut savoir renoncer à la rage de conclure »

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Christian Belloc
Christian Bellochttps://scdoccitanie.org
Né en 1948 à Toulouse, il étudie au Lycée Pierre de Fermat, sert dans l’armée en 1968, puis dirige un salon de coiffure et préside le syndicat coiffure 31. Créateur de revues comme Le Tondu et Le Citoyen, il s’engage dans des associations et la CCI de Toulouse, notamment pour le métro. Initié à la Grande Loge de France en 1989, il fonde plusieurs loges et devient Grand Maître du Suprême Conseil en Occitanie. En 2024, il crée l’Institution Maçonnique Universelle, regroupant 260 obédiences, dont il est président mondial. Il est aussi rédacteur en chef des Cahiers de Recherche Maçonnique.

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