De notre confrère lemonde.fr
Dans les replis mystérieux de l’histoire, où les ombres des légendes se mêlent aux lueurs de la vérité, une figure captivante émerge : Saint George, le valeureux chevalier associé à la lutte contre le dragon, trouve un écho inattendu dans les arcanes de la franc-maçonnerie. À travers une série d’été publiée le 1er août 2025 dans Le Monde, ce récit explore avec finesse et poésie la possibilité que ce saint guerrier, célébré dans la tradition chrétienne, ait pu laisser une empreinte durable dans les loges maçonniques, ces sanctuaires de réflexion et de symbolisme.
Ce voyage initiatique nous invite à redécouvrir un personnage emblématique sous un jour nouveau, où courage, spiritualité et fraternité s’entrelacent.
Une légende ancestrale au service d’un symbole maçonnique

Saint George, figure légendaire du IIIe siècle, est né dans une Cappadoce marquée par les bouleversements de l’Empire romain. Fils d’un officier et d’une mère issue d’une noble famille, il gravit rapidement les échelons militaires avant de se convertir au christianisme, défiant l’empereur Dioclétien. Son martyre, célébré le 23 avril, a forgé une icône universelle : le chevalier terrassant un dragon, symbole du mal triomphé par la foi. Cette image, riche de sens, a traversé les siècles, s’ancrant dans les cultures européennes et au-delà.
Pour les francs-maçons, cette allégorie résonne profondément. Le dragon, figure du chaos et de l’ignorance, trouve un parallèle avec les obstacles que l’initié doit surmonter pour atteindre la lumière intérieure. Saint George, par son courage et sa quête de justice, incarne l’idéal du maçon cherchant à parfaire son âme. Bien que les archives historiques ne mentionnent pas explicitement son appartenance à une loge – la franc-maçonnerie prenant forme bien après son époque –, des indices suggèrent une influence symbolique. Des rituels et des gravures maçonniques du XVIIIe siècle, notamment en Angleterre, intègrent des références à ce saint, le dépeignant comme un protecteur spirituel des loges.
Une Présence Subtile dans les Loges

L’hypothèse d’une connexion entre Saint George et la franc-maçonnerie s’appuie sur des traces laissées dans les pratiques et les symboles. En Angleterre, où la Grande Loge est fondée en 1717, Saint George est célébré comme le patron des chevaliers et, par extension, des loges opératives. Le 23 avril, jour de sa fête, devient une occasion de rassemblements maçonniques, où des toasts sont portés en son honneur. Des gravures anciennes, conservées dans les archives de la United Grand Lodge of England, montrent des chevaliers en armure, souvent identifiés à Saint George, accompagnés d’outils maçonniques comme l’équerre et le compas.
Cette présence s’explique par l’attrait des francs-maçons pour les figures chevaleresques, perçues comme des gardiens de valeurs morales. Les hauts grades, comme ceux du Rite Écossais Ancien et Accepté, intègrent des références à des ordres de chevalerie, et Saint George, avec son aura de sacrifice, s’y inscrit naturellement. Certains historiens, comme Mark Tabbert, suggèrent que son mythe a été repris pour enrichir les récits initiatiques, offrant aux maçons un modèle de lutte contre les ténèbres intérieures.
Une Influence au-delà des Frontières

L’écho de Saint George ne se limite pas à l’Angleterre. En France, où la franc-maçonnerie se développe au XVIIIe siècle sous l’impulsion d’obédiences comme le Grand Orient, son image s’intègre dans les loges mixtes et féminines. Une loge parisienne, fondée en 1745 et nommée « Saint George et le Dragon », témoigne de cet engouement. Ses membres voyaient en lui un symbole d’unité transcendant les divisions sociales, un thème cher à la maçonnerie française d’alors.
Aux États-Unis, où la franc-maçonnerie connaît un essor au XIXe siècle, Saint George inspire des loges rurales. Des tableaux décoratifs, encore visibles dans des temples du Vermont, le dépeignent terrassant le dragon sous un ciel étoilé, entouré de symboles maçonniques. Cette iconographie reflète une volonté d’ancrer les valeurs chevaleresques dans un contexte local, où la lutte pour la liberté individuelle faisait écho à la révolution américaine.
Un Héritage Vivant
Aujourd’hui, l’héritage de Saint George dans la franc-maçonnerie reste discret mais vivant. Certaines loges continuent de célébrer sa fête, intégrant des rituels où le dragon symbolise les défis modernes – intolérance, ignorance, division. Des maçons contemporains, comme ceux interrogés par Le Monde, voient en lui un rappel de leur mission : transformer la société par la connaissance et la fraternité.
Cette série d’été nous invite à contempler Saint George non seulement comme un héros légendaire, mais comme un frère spirituel des francs-maçons. Son parcours, de la gloire militaire à la transcendance spirituelle, reflète le chemin initiatique que chaque maçon aspire à emprunter. À travers lui, la franc-maçonnerie tisse un lien entre passé mythique et quête intemporelle, illuminant les ténèbres d’un monde en quête de sens.
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Confusion dans les images qui accompagnent l’article avec le chevalier du xviiiè siècle, né esclave, violoniste et escrimeur hors pair ?
Comment pouvoir dire que Saint-George a été oublié ? C’est ne rien connaître à la musique. Pourquoi ne pas parler de sa juste opposition à Dumouriez, traitre à sa patrie et déserteur ? Pourquoi ne pas citer le beau livre d’Alain Guédé ?
Même les gens d’église se demandent aujourd’hui si st Georges a vraiment existé.!