Même si la première de couverture porte l’étrange mention « Réflections », comme une énigme typographique invitant à percer le voile des apparences, Le rejet de l’Occident – Réflexions sur l’ésotérisme, le complotisme et le refus de la société libérale de Stéphane François se révèle une œuvre d’une profondeur initiatique rare.

Dans l’obscurité du monde profane, où la raison instrumentale projette une lumière froide, dépourvue de chaleur, l’auteur, tel un Maître d’Œuvre guidé par la flamme du Delta Lumineux, nous convie à une quête sacrée, un voyage au cœur des souterrains de l’âme humaine.
Cet ouvrage n’est pas une simple analyse. C’est un véritable rituel de passage. Une invitation sincère à franchir le seuil du temple intérieur pour explorer les courants ésotériques, complotistes et antimodernes qui, tels des fils d’or, tissent une tapisserie spirituelle dans un Occident désenchanté.
Chaque page vibre d’une intention sacrée, chaque idée est une pierre polie, ajustée avec soin pour édifier une cathédrale de pensée, où le profane et le sacré s’entrelacent dans une harmonie mystérieuse, guidée par l’équerre de la rigueur et le compas de la contemplation.

Stéphane François, né en 1973 sous les cieux de France, incarne la figure de l’initié-voyageur, un historien des idées et politologue dont l’esprit, façonné par l’étude des âges charnières – l’Antiquité et le XXe siècle –, s’est affiné dans la contemplation des courants qui défient les voiles de l’illusion. Formé à l’histoire, armé d’un DEA en science politique de l’Institut d’études politiques de Lille et d’un doctorat en science politique de l’Université Lille II, où il a sondé les paganismes de la Nouvelle Droite, il s’est fait architecte des marges de la pensée. Chercheur associé au Groupe Sociétés, Religions, Laïcités du CNRS, maître de conférences à l’IPAG de l’Université de Valenciennes, il a parcouru les sentiers de l’érudition, enseignant l’histoire contemporaine et la science politique avec la gravité d’un gardien des mystères.

Ses écrits, publiés dans des sanctuaires de la connaissance tels que Religioscope, Journal for the Studies of Radicalism, Politica hermetica, Sociétés ou Raisons politiques, et ses contributions au site « Fragments sur les temps présents », révèlent un esprit en quête perpétuelle de la Vérité cachée. Parmi ses œuvres, L’occultisme nazi (CNRS Éditions, 2020), préfacé par l’éminent Johan Chapoutot, témoigne de sa capacité à plonger dans les ténèbres des idéologies marginales pour en extraire des éclats de lumière.
Tel un alchimiste, Stéphane François transmue la matière brute des pensées alternatives en un or philosophique, offrant à ses lecteurs une méditation sur les forces souterraines qui façonnent notre époque. Dans Le rejet de l’Occident, l’auteur nous guide à travers un labyrinthe sacré, où l’ésotérisme et le complotisme se révèlent non comme des aberrations, mais comme des expressions d’une quête immémoriale : celle du sens, de la transcendance, de l’harmonie perdue.
Avec la précision d’un compas et la droiture d’une équerre, il trace les contours d’une pensée irrationnelle qui, loin d’être chaotique, s’organise en une cosmologie cohérente, un refus de l’aridité matérialiste au profit d’un réenchantement du monde. Cette exploration, menée avec une rigueur scientifique tempérée par une empathie initiatique, nous invite à dépasser le jugement hâtif pour contempler ces phénomènes comme des reflets de l’âme humaine, des tentatives, parfois maladroites, de renouer avec le sacré dans un monde dominé par la froideur technoscientifique.

L’ombre de René Guénon, ce Grand Architecte de la pensée traditionnelle, plane sur l’ouvrage comme un guide spirituel, dont les écrits sur la Tradition Primordiale et la crise du monde moderne résonnent avec une force intacte. René Guénon, tel un flambeau dans la nuit, éclaire les cercles ésotériques et maçonniques, ces temples où les symboles – l’équerre, le compas, le pavé mosaïque, le delta rayonnant – deviennent des clés pour transcender le voile du profane. La Franc-Maçonnerie, avec ses rituels empreints de mystère, apparaît ici comme un creuset alchimique où l’ésotérisme prend vie, un chemin initiatique vers une vérité supérieure que l’Occident, dans son aveuglement rationaliste, semble avoir oublié.
Stéphane François, tel un maître du rite, ne se contente pas d’analyser ces symboles. Il nous fait ressentir leur puissance, leur capacité à ouvrir des portes vers l’invisible, à transformer l’âme de celui qui s’y engage. Chaque phrase de l’ouvrage semble vibrer d’une intention rituelle, comme si la lecture elle-même devenait une cérémonie, un voyage vers les tréfonds de l’être. Mais le voyage ne s’arrête pas aux rives de l’ésotérisme.
Avec une finesse digne d’un tailleur de pierre, François nous conduit dans l’univers du complotisme, ces récits modernes qui, tels des mythes contemporains, peuplent l’imaginaire de cabales secrètes et de forces occultes. Loin de les rejeter comme irrationnels, il les envisage comme une réponse à l’aliénation d’un monde perçu comme chaotique, une tentative de redonner un sens à l’absurde.

Dans une méditation d’une rare subtilité, il relie ces récits aux traditions ésotériques, montrant comment ils partagent une même aspiration à percer les voiles de l’illusion. Les théories du complot, avec leurs figures d’élites manipulatrices – Illuminati, sociétés secrètes, ou extraterrestres énigmatiques –, deviennent des projections modernes de l’antique quête du divin, des reflets d’une humanité en mal de transcendance. François ne les glorifie pas ; il en souligne les dangers, notamment lorsqu’ils s’égarent dans les dérives de l’extrême droite, où les récits conspirationnistes peuvent nourrir des idéologies de haine.

Pourtant, il refuse de les réduire à de simples pathologies, les voyant comme l’expression d’un besoin fondamental : celui de croire en un ordre caché, en une vérité qui dépasse l’apparence. Dans ce refus de la surface, nous discernons l’écho d’un principe maçonnique : chercher la Lumière au-delà des ombres. L’analyse atteint son apogée dans l’exploration de l’ufologie, que Stéphane François qualifie de forme « hypermoderne » de complotisme. Dans un monde saturé de technologie, où la science semble avoir colonisé tous les mystères, l’idée d’une présence extraterrestre devient une nouvelle mythologie, un substitut à la divinité absente. Avec une acuité remarquable, l’auteur décrypte ce phénomène non comme une fantaisie, mais comme une tentative de réenchanter le cosmos.

L’ufologie, avec ses récits d’enlèvements et de contacts, devient une forme contemporaine de l’expérience mystique, où l’extraterrestre remplace l’ange ou le dieu des traditions anciennes. François nous guide à travers ce paradoxe : dans une société dominée par la rationalité, c’est dans l’irrationnel que l’homme cherche à retrouver une connexion avec l’invisible, une communion avec l’au-delà.

Cette réflexion, d’une profondeur saisissante, révèle comment l’ufologie s’inscrit dans une longue lignée de quêtes spirituelles, adaptées à l’ère de l’hypermodernité. Elle nous rappelle un enseignement maçonnique fondamental. Derrière chaque symbole, chaque mythe, se cache une vérité éternelle, accessible à celui qui sait voir. Ce qui rend cet ouvrage si singulier, c’est sa capacité à tisser une réflexion à la fois historique, philosophique et spirituelle, tout en restant ancré dans une dimension initiatique.
Stéphane François, tel un architecte du Temple, construit son analyse comme une œuvre sacrée, chaque idée étant une pierre soigneusement taillée, chaque phrase un pas vers une vérité plus haute. Sa prose, dense et poétique, évoque les cadences d’un rituel maçonnique, où chaque mot semble chargé d’une intention sacrée. Nous sommes transportés dans un espace liminal, entre le profane et le sacré, où l’analyse devient une méditation, une invitation à contempler les profondeurs de notre propre être. L’auteur assume une subjectivité éclairée, une posture d’Initié qui ne craint pas d’exprimer son propre émerveillement face aux mystères qu’il explore.

À travers son regard, nous percevons la pulsation d’une pensée vivante, qui ne se contente pas d’expliquer mais cherche à transformer. L’ouvrage nous confronte à une tension fondamentale, celle entre la raison et la foi, entre le visible et l’invisible. Tel un Frère sur le pavé mosaïque, Stéphane François nous invite à tenir ces opposés en équilibre, à reconnaître dans le rejet de l’Occident une quête complexe, à la fois destructrice et créatrice. Ce refus, nous dit-il, n’est pas un simple rejet ; il est une aspiration à reconstruire, à réenchanter, à rétablir une harmonie perdue. Nous sommes saisis par la nuance de son propos, par sa capacité à naviguer entre l’empathie pour ces mouvements et la lucidité face à leurs dérives. Car Stéphane François n’ignore pas les dangers du complotisme, notamment lorsqu’il s’acoquine avec les idéologies extrémistes, ni les ambiguïtés de l’ésotérisme, qui peut parfois se perdre dans des abstractions stériles.
Pourtant, il nous exhorte à ne pas juger trop vite, à voir dans ces phénomènes une expression de l’éternelle quête humaine pour le sens, pour la Lumière. En refermant Le rejet de l’Occident, nous ne sommes pas simplement plus savants, nous sommes aussi transformés. Stéphane François, avec son érudition et sa sensibilité d’initié, nous a conduits à travers les méandres d’une pensée qui refuse de se plier à l’aridité du monde moderne. Nous avons contemplé les symboles maçonniques, les récits complotistes, les visions ufologiques, non comme des curiosités, mais comme des reflets de notre propre quête intérieure.

L’ouvrage, par sa richesse et sa profondeur, nous laisse avec une question lancinante : et si le rejet de l’Occident était, au fond, une invitation à nous réconcilier avec nous-mêmes, à retrouver, dans les replis de l’irrationnel, la lumière d’une vérité oubliée ? Dans cette méditation, Stéphane François ne nous donne pas de réponses définitives ; il nous offre quelque chose de bien plus précieux : une clé pour ouvrir les portes de notre propre temple intérieur, un appel à poursuivre, dans le silence de notre cœur, la quête de l’Absolu.

Le rejet de l’Occident – Réflexions sur l’ésotérisme , le complotisme et le refus de la société libérale
Stéphane François – Éditions Dervy, 2020, 240 pages, 18 €