lun 04 août 2025 - 16:08

L’influence maçonnique dans la chute d’Alfonz XIII

De notre confrère hongrois mult-kor.hu

La chute de XIII Alfonz de Bourbon, dernier roi d’Espagne avant l’établissement de la Seconde République espagnole en 1931, reste un sujet fascinant, mêlant histoire politique, tensions sociales et spéculations sur des forces occultes. Parmi ces dernières, l’influence présumée de la Franc-Maçonnerie occupe une place centrale dans les récits, notamment dans l’article publié le 15 juin 2025 sur le site Múlt-kor, intitulé « XIII.

Alfonz bukása, mítoszok, és szabadkőművesek » (La chute de Alfonz XIII, mythes et francs-maçons). Cet article explore les causes historiques de cette transition, en s’appuyant sur les données disponibles, tout en enrichissant la perspective historique de l’influence maçonnique à travers un examen approfondi des contextes européens et espagnols. Écrit à 12:27 AM CEST le 16 juin 2025, ce texte vise à démêler les faits des légendes, tout en offrant une analyse nuancée de ce moment charnière.

Contexte Historique : La Chute de XIII Alfonz

La fin du règne de XIII Alfonz, marquée par son exil le 14 avril 1931, suit de près les élections municipales du 12 avril, où les forces républicaines l’emportent dans les grandes villes comme Madrid et Barcelone, malgré une majorité nationale pour les monarchistes. Dans une lettre ouverte publiée dans El ABC, le roi reconnaît avoir perdu l’amour de son peuple, déclarant : « Les élections de dimanche m’ont clairement montré que je ne jouis plus aujourd’hui de l’affection de mon peuple. » Cette abdication volontaire, bien que précipitée par la pression populaire, s’inscrit dans un contexte de crise économique post-1929, de polarisation politique et de montée des mouvements sociaux – étudiants, ouvriers et femmes – réclamant modernité et justice sociale.

L’article de Múlt-kor souligne que la Monarchie, perçue comme archaïque, était affaiblie par son alliance avec l’Église catholique, dont les privilèges irritaient une partie croissante de la société. La crise économique, aggravée par la stagnation agricole et l’industrialisation lente, a amplifié le mécontentement, rendant la promesse républicaine de progrès irrésistible. Cependant, l’historiographie traditionnelle ne suffit pas à expliquer pleinement cette chute soudaine, ouvrant la porte à des théories conspirationnistes, dont l’implication présumée des francs-maçons.

L’Influence Maçonnique : Une Perspective Historique Élargie

L’idée d’une influence maçonnique dans la chute de XIII Alfonz s’ancre dans une longue tradition de soupçons envers les loges, datant du XVIIIe siècle. La Franc-Maçonnerie, née en Angleterre en 1717 avec la fondation de la Grande Loge de Londres, s’est rapidement répandue en Europe, y compris en Espagne et en France, où elle a été associée aux idéaux des Lumières – liberté, égalité, fraternité – qui ont alimenté la Révolution française (1789). Augustin Barruel, ex-jésuite et auteur d’un essai en 1797, a été l’un des premiers à accuser les francs-maçons d’avoir orchestré ce bouleversement, une théorie reprise par les cercles conservateurs et catholiques pour discréditer les réformes progressistes.

Les Neuf Souverains à Windsor pour les funérailles du roi Édouard VII, photographié le 20 mai 1910. Debout, de gauche à droite : Haakon VII de Norvège, Ferdinand Ier de Bulgarie, Manuel II de Portugal, Guillaume II d’Allemagne, Georges Ier de Grèce et Albert Ier de Belgique. Assis, de gauche à droite : Alphonse XIII d’Espagne, George V du Royaume-Uni et Frédéric VIII de Danemark.

En Espagne, la Maçonnerie s’implante au XVIIIe siècle, malgré les persécutions de l’Inquisition. Sous le règne de Charles III (1759-1788), des loges influencent des réformes administratives, mais elles restent marginales jusqu’au XIXe siècle, où elles gagnent en visibilité sous la pression des idées libérales. À l’époque de XIII Alfonz, les loges espagnoles, souvent affiliées à des réseaux internationaux (notamment français et britanniques), attirent des intellectuels, des militaires et des politiciens républicains. L’article de Múlt-kor évoque des théories selon lesquelles ces réseaux auraient joué un rôle dans la déstabilisation de la Monarchie, une idée renforcée par l’hostilité de l’Église catholique, qui voyait dans la Maçonnerie une menace contre son autorité.

Historiquement, les preuves directes d’une conspiration maçonnique restent fragiles. Cependant, les loges espagnoles, comme la Gran Oriente Español, fondée en 1889, ont soutenu des mouvements anticléricaux et républicains, notamment à travers des figures comme Manuel Azaña, futur président de la République. L’article note que la victoire républicaine à Madrid et Barcelone pourrait avoir été amplifiée par des réseaux maçonniques locaux, qui auraient mobilisé des élites urbaines contre la Monarchie. Cette influence, bien que probablement exagérée par les rumeurs, s’inscrit dans un contexte où la Maçonnerie était perçue comme un « pouvoir occulte », alimentant les récits conspirationnistes.

Mythes et Réalités : Le Rôle des Francs-Maçons

L’article de Múlt-kor met en lumière les ambiguïtés entourant ce rôle. D’un côté, les conservateurs espagnols ont accusé les francs-maçons de manipuler les élections de 1931, suggérant une coordination avec des loges étrangères pour renverser XIII Alfonz. Ces allégations s’appuient sur l’idée d’une Maçonnerie internationale, un thème récurrent dans les théories du complot, notamment après la Révolution française. De l’autre côté, les historiens modernes, comme ceux cités dans Múlt-kor, soulignent que la chute du roi est avant tout le résultat de facteurs internes : crise économique, mécontentement social et échec politique.

Photographie prise quelques instants après la tentative d’assassinat d’Alfonso et Victoria Eugénie le jour de leur mariage

Pour enrichir cette perspective, examinons l’histoire européenne. En France, la Maçonnerie a joué un rôle dans la Révolution de 1789, bien que son influence ait été surestimée par Barruel. En Italie, les loges carbonari ont contribué aux mouvements unificateurs du XIXe siècle. En Espagne, bien que moins documentée, la Maçonnerie a soutenu la Première République (1873-1874) et les réformes libérales, ce qui en fait une cible naturelle pour les monarchistes sous XIII Alfonz. L’article suggère que les mouvements étudiants et ouvriers, actifs dans les années 1930, pourraient avoir été influencés par des idéaux maçonniques, mais sans preuves concrètes, cela reste spéculatif.

Implications Symboliques et Maçonniques

Au-delà de l’histoire factuelle, la chute de XIII Alfonz offre une réflexion symbolique pour les francs-maçons. Dans les loges, le sacrifice et la transformation – thèmes centraux du mythe d’Hiram – peuvent être lus comme une métaphore de la transition d’une ère monarchique à une ère républicaine. La Maçonnerie, avec son idéal d’égalité, aurait pu voir dans cette chute une victoire de ses principes, même si son rôle réel reste débattu. L’article de Múlt-kor invite à se demander si les mythes autour des francs-maçons ne reflètent pas une peur collective face au changement, un thème que la Maçonnerie elle-même explore dans ses rituels.

Entre Histoire et Légende

Alphonse XIII en visite Verdun en 1919

La chute de XIII Alfonz reste un sujet où l’histoire se mêle aux mythes. L’influence maçonnique, bien que plausible dans un contexte de réseaux progressistes, manque de preuves solides pour être confirmée comme un facteur décisif. L’article de Múlt-kor offre une base précieuse, soulignant les tensions sociales et les spéculations autour des loges. En enrichissant cette analyse avec l’historique européen, on comprend mieux comment la Maçonnerie, perçue comme un agent de transformation, a pu être scapegoatisée. Pour les maçons d’aujourd’hui, cette période invite à une vigilance : préserver l’esprit critique face aux légendes, tout en honorant l’héritage d’une quête de lumière et d’harmonie.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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