lun 16 juin 2025 - 15:06

Le Suprême Conseil de France remet son Prix de Thèse : « De la lumière des archives à celle du Temple »

Il est des moments où la rigueur de la recherche universitaire rejoint la ferveur silencieuse des ateliers. Des instants rares, presque solsticiaux, où les savoirs profanes dialoguent avec les mystères du Temple. Le 11 juin 2025, en l’Hôtel de la Grande Loge de France (GLDF), au 8 rue Louis Puteaux, à Paris dans le 17e arrondissement, le Suprême Conseil de France (SCDF) et plusieurs organisations écossaises amies ont remis leur Prix de Thèse annuel, célébrant la lumière née de la réflexion, de l’étude et de la fidélité aux valeurs du Rite Écossais Ancien et Accepté.

Un prix pour relier les mondes

Thierry Zaveroni Grand Maître de la Grande Loge de France

Depuis 2017, cette cérémonie réunit les puissances maçonniques les plus engagées dans la transmission de la tradition écossaise : Grande Loge de France, Suprême Conseil Féminin de France, Institut Maçonnique de France, Suprême Conseil des Cultures et de la Spiritualité, Suprême Conseil de Belgique, Suprême Conseil du Bénin, mais aussi le Grand Collège des Rites du Grand Orient de France ou encore le Suprême Conseil de la Fédération française du Droit Humain.

Le Prix de Thèse n’a rien d’une simple récompense académique. Il est une reconnaissance initiatique, une manière d’honorer celles et ceux qui, par leurs recherches, réveillent les symboles endormis, ravivent les formes anciennes de la pensée, et questionnent la transmission des valeurs humanistes et spirituelles.

Dans un monde désuni par la perte de sens, ce prix est un fil d’or tendu entre la connaissance et l’engagement, entre la mémoire des rituels et les défis contemporains de la pensée.

Le lauréat 2025 : une rose entre les siècles

Piero Latino (Crédit Baglis TV)

Le Prix de Thèse 2025 a été attribué à Piero Latino, pour son étude magistrale en littérature comparée intitulée « La Rose initiatique. Des Fidèles d’Amour à la littérature européenne des XIXe et XXe siècles »(Sorbonne Université – University of Westminster, 2023).

La thèse de Piero Latino explore les liens subtils entre littérature européenne et courants ésotériques, à travers une étude approfondie du symbole de la rose, figure centrale de l’amour mystique et de la transformation initiatique. Son travail, d’une grande richesse interdisciplinaire, retrace la survivance d’un héritage poétique initiatique depuis le Moyen Âge jusqu’aux modernités littéraires.

Marcel Laurent Souverain Grand Commandeur de la GLCS

S’inspirant de Il Mistero dell’Amor Platonico nel Medioevo de Gabriele Rossetti, père du poète préraphaélite Dante Gabriele Rossetti, l’auteur révèle comment les Fidèles d’Amour – ces poètes médiévaux dont Dante fut le phare – véhiculaient une doctrine secrète de l’amour comme voie spirituelle. Cette tradition, portée par les troubadours, trouvères, scaldes et poètes mystiques, se prolonge jusqu’à Nerval, Balzac, Péladan, Yeats ou Ezra Pound.

La rose devient ainsi clef de voûte d’un imaginaire initiatique, à la croisée du mysticisme et des Ordres ésotériques. Ce symbole fragile et souverain ouvre un horizon dans lequel l’amour, loin d’être un simple thème littéraire, devient chemin d’éveil et miroir de l’âme.

Autour de ce lauréat central, neuf accessits ont été remis à des chercheurs dont les thèses, toutes remarquables, interrogent la spiritualité, les savoirs anciens, le rapport à l’écoute sacrée, à l’image, à l’adoubement, ou encore à la théologie d’Origène et à l’iconographie de la statuaire religieuse.

Un panorama érudit, tissé de langues mortes et de signes vivants, où l’architecture écologique dialogue avec la voie soufie iranienne, où les statuts médiévaux croisent le contemptus mundi, et où chaque travail semble appeler à une seule chose : la réconciliation de l’âme et de la science.

Les Accessits 2025 : un héritage vivant

Autour de Piero Latino, lauréat du Prix de Thèse 2025, neuf accessits ont été remis à des doctorants dont les travaux dessinent une véritable cartographie savante des voies initiatiques, spirituelles, esthétiques et sociales du monde occidental… et au-delà. Chaque thèse récompensée explore, avec précision et profondeur, une facette de la transmission humaine, entre verticalité du sens et ancrage dans la matière.

Voici les lauréats et leurs œuvres :

Marie Groult (Université de Rouen-Normandie, 2022)
« Et vous avons esleu d’estre au nombre de ladite Compagnie ». Les ordres de chevalerie au sein des cours françaises au XIVe siècle et l’édition de leurs statuts
➤ Une œuvre de transmission et de mémoire, distinguée par la Grande Loge de France, qui met en lumière l’éthique et les fondements structurels des ordres chevaleresques médiévaux, en résonance avec les loges d’aujourd’hui.

Marie Achet-Haushalter (Sorbonne Université, 2024)
DULCEDO MEA SANCTA. Penser, expérimenter, communiquer la douceur dans le christianisme antique
➤ Une étude sensible et philosophique de la douceur comme modalité spirituelle, entre langage, expérience intérieure et geste pastoral dans l’Antiquité chrétienne.

Marta Battisti (Université Grenoble-Alpes, 2022)
Peindre l’écoute. Figures et significations de l’audition sacrée en Italie du XIVe au XVIIe siècle
➤ Une enquête passionnante sur l’iconographie de l’audition dans l’art italien, à la croisée de la théologie, de l’histoire des sensibilités et de la mystique sonore.

Vincent Cousquer (Université de Strasbourg, 2023)
Philippe Grass (1801–1876), statuaire spiritualiste du XIXe siècle. Sa vie, son œuvre, ses restaurations des statues de la cathédrale de Strasbourg et la fusion des principes opposés
➤ Une plongée dans l’univers d’un artiste mystique, où l’art devient médiation entre formes et forces, matière et spiritualité.

Sylvie Le Pelletier-Beaufond (Université Paris Sciences et Lettres / EPHE, 2023)
La Fotovvat, la Voie des « compagnons-chevaliers ». Mystique et solidarité dans le monde iranien. Avec la traduction et l’annotation de quarante-trois « Traités de Javanmardi » (Fotovvat Name) et autres textes
➤ Une œuvre magistrale d’anthropologie spirituelle et de traduction savante, dévoilant les arcanes d’une chevalerie mystique persane méconnue.

Georges El Hage (Sorbonne Université et Facultés jésuites de Paris, 2022)
De la Terre promise au règne de Dieu. La pensée politique d’Origène
➤ Une relecture essentielle du théologien Origène à travers le prisme de la promesse et du pouvoir, entre eschatologie, théologie politique et utopie chrétienne.

Clémentine Laborderie (Université de Toulouse-2 et ENSAT, 2023)
Faire une place aux savoir-faire artisanaux dans l’enseignement de l’architecture pour aller vers des pratiques constructives plus écologiques, enjeux techniques et mésologiques
➤ Un plaidoyer éclairé pour une architecture éthique, enracinée dans la matière, la main et le territoire, en dialogue avec les traditions constructives vernaculaires.

Alain-Cyril Barioz (Sorbonne Université, 2024)
Un arbre en ce monde. Théodore de Bèze, moraliste du contemptus mundi
➤ Une étude sur le renoncement comme acte moral, à travers la figure du réformateur Théodore de Bèze, et sur la tension entre l’ancrage terrestre et l’appel spirituel.

Arnaud Montreuil (Université d’Ottawa et Paris-1 Panthéon-Sorbonne, 2022)
Écrire, décrire, saisir l’adoubement chevaleresque : une histoire de l’hippotogenèse dans l’Europe du Nord-Ouest, le Midi de la France et l’Italie centro-septentrionale (v.1175 – v.1300)
➤ Une exploration fine et symbolique des rites de passage chevaleresques, où le corps du chevalier, l’animal et l’écrit s’entrelacent dans un geste de reconnaissance sociale et initiatique.

L’Accessit 2025 de la Grande Loge de France : Marie Groult, passeuse d’idéal

Thierry Zaveroni Grand Maître de la Grande Loge de France et la lauréate

Dans ce paysage savant, la Grande Loge de France a choisi d’honorer Madame Marie Groult, docteure en histoire médiévale, pour sa thèse : « Et vous avons esleu d’estre au nombre de ladite Compagnie ». Les ordres de chevalerie au sein des cours françaises au XIVe siècle et l’édition de leurs statuts (Université de Rouen-Normandie, 2022).

Devant l’assemblée réunie à l’Hôtel de la Grande Loge de France, le Très Respectable Frère Thierry Zaveroni, Grand Maître, a prononcé un discours d’une haute tenue symbolique, saluant avec ferveur l’érudition et la portée initiatique de ce travail.

« En éditant les statuts de ces ordres de chevalerie, vous révélez ce que nous pourrions appeler leurs constitutions spirituelles. Vous faites œuvre de passeuse entre le silence des archives et la lumière du savoir. »

Par cette parole forte, le Grand Maître a souligné la fonction presque sacerdotale de la chercheuse : non seulement restituer une époque, mais en traduire l’esprit. Son étude éclaire les analogies profondes entre les compagnies chevaleresques du XIVe siècle et les ordres initiatiques contemporains. Serment, reconnaissance, règles, transmission – autant de thèmes qui résonnent puissamment en loge comme dans les manuscrits médiévaux.

Le discours du Grand Maître, d’une beauté sobre, a insisté sur la noblesse intérieure que portaient ces compagnies : un idéal d’engagement avant le privilège, de fidélité avant l’ostentation.

« À la Grande Loge de France, nous cultivons la mémoire des chevaleries de l’esprit. Non pas pour rêver à des gloires passées, mais pour mieux comprendre ce que veut dire s’engager dans un ordre de pensée et de dépassement de soi. »

Madame Groult, par cette thèse, offre ainsi un miroir tendu à la démarche maçonnique : comprendre l’histoire des ordres, c’est aussi mieux saisir ce qui, en nous, aspire encore à une éthique du service, à une souveraineté de l’âme.

Un prix entre ombre et lumière

Dans le silence des bibliothèques, les doctorants fouillent les textes oubliés. Mais lorsqu’un Prix comme celui-ci les met à l’honneur, ce n’est pas seulement la reconnaissance académique qui parle, c’est une forme de lumière partagée, une fidélité au travail intérieur, à la transformation de soi par la connaissance.

Le Prix de Thèse du Suprême Conseil de France rappelle que la recherche, quand elle est nourrie par une quête de sens, participe pleinement à l’œuvre maçonnique : réunir ce qui est épars, éclairer ce qui est voilé, honorer ce qui est noble.

Que ce prix dure longtemps. Et qu’il continue d’éveiller, en chacun, l’appel à la recherche du vrai, du juste, et du spirituellement fécond.

1 COMMENTAIRE

  1. Derrière la rose à épines les initiés y avaient caché la Rose des vents, celle des 32 dents du bonheur. Godefroy y avait bu le bouillon d’amertume de onze heures, 23 pour les cherchants.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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