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Le 28 mai 2025, la ville de Chapecó, située dans l’État de Santa Catarina au Brésil, a été le théâtre d’un événement radiophonique marquant : l’édition la plus écoutée de l’année du programme Sala de Debates sur Condá FM. Ce jour-là, le thème abordé était l’organisation maçonnique à Chapecó, une discussion qui a suscité un engouement exceptionnel auprès des auditeurs, comme l’a souligné le journaliste André de Lazzari, animateur de l’émission. « Honnêtement, je ne m’attendais pas à un si bon accueil de la part du public de Condá FM, et je suis très satisfait des taux d’audience élevés », a-t-il déclaré dans sa chronique, avant d’ajouter que les réactions variées des auditeurs méritaient d’être analysées en détail.
Un sujet qui divise et intrigue

La Franc-Maçonnerie, institution séculaire souvent entourée de mystère, a récemment entrepris une démarche d’ouverture envers les médias, cherchant à démystifier son fonctionnement et ses valeurs. Cependant, à Chapecó, une ville où la ferveur religieuse, notamment chrétienne, est profondément ancrée, cette ouverture a généré des débats animés, révélant des divergences d’opinions marquées. Les auditeurs de Condá FM, après avoir entendu les représentants de l’organisation maçonnique locale, ont exprimé des points de vue variés, oscillant entre curiosité, méfiance et critique.
L’un des premiers auditeurs à réagir a posé une question qui reflète un scepticisme partagé : « Si la Franc-Maçonnerie est une bonne chose, pourquoi n’est-elle pas ouverte au public tous les jours ? À mon avis, elle devrait être ouverte à tous, car, comme le dit la Bible, le bien ne doit pas être caché, mais montré. » Ce même auditeur a également critiqué la séparation entre hommes et femmes dans les réunions maçonniques, une pratique qui, bien qu’historique dans certaines obédiences, est souvent mal comprise par le grand public. Cette séparation, qui existe encore dans certaines loges traditionnelles, contraste avec l’évolution de la Franc-Maçonnerie dans d’autres parties du monde, où des obédiences mixtes comme Le Droit Humain (fondée en 1893) prônent l’égalité des genres.
Des interrogations spirituelles et des malentendus

Un autre point de débat a porté sur la terminologie utilisée par les francs-maçons, notamment leur référence à Dieu sous le nom de « Grand Architecte de l’Univers ». Un auditeur s’est interrogé : « Pourquoi ne pas appeler Dieu par des noms spécifiques comme Jéhovah ou Jésus ? » À cette question, le colonel Flávio Pansera, représentant de l’organisation maçonnique invitée à l’émission, a répondu que l’usage de cette expression vise à éviter les conflits religieux au sein de la Franc-Maçonnerie. En effet, l’organisation se veut un espace de tolérance où des personnes de différentes croyances peuvent se réunir sans que leurs divergences spirituelles ne deviennent des sources de division. Cette approche, bien que louable dans son intention, semble avoir du mal à convaincre certains auditeurs, notamment ceux issus de milieux chrétiens conservateurs.
Un leader évangélique a également pris la parole pour exprimer une vision radicalement opposée. Dans un message envoyé à l’émission, il a déclaré : « Les personnes handicapées, les esclaves et les femmes n’étaient pas rejetées par Jésus, contrairement à certaines règles de la Franc-Maçonnerie. Tous les êtres humains sont esclaves d’eux-mêmes et du péché, seul Jésus peut résoudre cela, sans Lui c’est comme faire un saut dans le noir. » Ce commentaire met en lumière une tension fondamentale entre la vision universaliste de la Franc-Maçonnerie et les convictions exclusivistes de certains courants religieux. Historiquement, la Franc-Maçonnerie a été accusée de sécularisme ou de syncrétisme par des groupes religieux, une critique qui semble persister à Chapecó en 2025.
La Franc-Maçonnerie face aux accusations et aux idées reçues

Au cours de l’émission, d’autres préoccupations ont émergé, notamment autour de la légitimité et de l’authenticité des invitations à rejoindre l’organisation. Un auditeur a mentionné avoir reçu une invitation via Facebook, une pratique que les représentants maçonniques ont qualifiée d’escroquerie. En effet, la Franc-Maçonnerie, qui recrute traditionnellement par cooptation et avec une grande discrétion, est parfois victime de fraudes qui exploitent son image pour tromper le public. Cet incident illustre les défis auxquels l’organisation est confrontée dans un monde numérique où la désinformation peut rapidement se propager.
Un autre auditeur a rappelé un principe fondamental de la Franc-Maçonnerie : la liberté religieuse. « Chacun a le droit d’exprimer ses croyances, à condition de ne pas interférer dans la vie des autres », a-t-il affirmé, soulignant que cette valeur a contribué à façonner les sociétés modernes. En effet, la Franc-Maçonnerie a joué un rôle historique dans la promotion de la laïcité et de la liberté de conscience, notamment en Europe et en Amérique latine. Cependant, cette liberté est parfois perçue comme une menace par ceux qui craignent une dilution des valeurs religieuses traditionnelles.
Religion, politique et malentendus persistants

La discussion a également abordé des questions plus spécifiques, comme la croyance des francs-maçons au retour de Jésus, une interrogation qui reflète une tentative de rapprocher les principes maçonniques du cadre théologique chrétien. Les invités n’ont pas répondu directement à cette question, mais ont réaffirmé la neutralité spirituelle de l’organisation, qui ne s’aligne sur aucune doctrine religieuse particulière.
Un auditeur a ensuite fait référence à un verset biblique, Jean 8:32 – « Et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » –, popularisé au Brésil par l’ancien président Jair Bolsonaro. Ce commentaire a conduit les représentants maçonniques à rappeler une règle essentielle de l’organisation : l’interdiction de discuter de politique ou d’idéologies lors des réunions. Cette règle, instaurée pour préserver l’harmonie au sein des loges, contraste avec l’engagement historique de la Franc-Maçonnerie dans des causes sociétales, comme le droit de vote des femmes ou la création de la sécurité sociale, des combats souvent menés par des maçons progressistes.
Enfin, un auditeur a averti que « n’importe quel élément important de la Bible sorti de son contexte suffit à créer une église ou une religion douteuse », une réflexion qui souligne la méfiance d’une partie de la population envers les institutions perçues comme opaques ou ésotériques. Cette méfiance est renforcée par le fait que, pour beaucoup, la Franc-Maçonnerie et le christianisme semblent incompatibles, une perception que l’animateur André de Lazzari résume ainsi : « La Franc-Maçonnerie et la religion la plus forte du monde [le christianisme] sont comme de l’eau et de l’huile. »
Une organisation influente mais incomprise

Malgré ces critiques, André de Lazzari conclut sa chronique sur une note nuancée : « Nous devons reconnaître que la Franc-Maçonnerie est une organisation très importante. » En effet, à Chapecó comme ailleurs, la Franc-Maçonnerie continue d’exercer une influence discrète mais significative, notamment à travers ses valeurs de tolérance, de réflexion philosophique et d’engagement civique. Cependant, cet événement radiophonique montre que l’organisation doit encore relever le défi de clarifier son image auprès du public, en particulier dans des contextes où les sensibilités religieuses sont fortes.
Le succès de cette édition de Sala de Debates témoigne de l’intérêt et de la curiosité que suscite la Franc-Maçonnerie dans une ville comme Chapecó. Alors que l’organisation cherche à s’ouvrir davantage, elle devra continuer à naviguer entre son héritage de discrétion et les attentes d’une société moderne avide de transparence. Ce débat, riche et passionné, est une étape dans ce dialogue complexe entre tradition et modernité.
« Ouvrir la maçonnerie à tout public » . Certes; mais entrer en maçonnerie et participer ses débats ne se fait pas comme on entre « au bistrot du coin ». Cela demande une démarche volontariste et un véritable travail. Viennent donc ceux qui cherchent réellement cette voie de réflexion.