dim 18 mai 2025 - 18:05

Dupond-Moretti et la Franc-maçonnerie : une critique acérée dans une vidéo

Après Philippe de Villiers mercredi et François Asselineau samedi, c’est au tour d’Éric Dupond-Moretti de se justifier à propos de la franc-maçonnerie. On pourrait croire que le discours du président Macron les a stimulés sur ce thème. Dans une vidéo publiée sur YouTube le 7 mai 2025, Éric Dupond-Moretti, ancien ministre de la Justice, s’exprime sans complaisance sur la Franc-maçonnerie.

Cette intervention, qui a rapidement attiré l’attention sur les réseaux sociaux, révèle une position critique vis-à-vis de l’Art Royal, mettant en lumière des tensions entre les valeurs républicaines et les pratiques perçues comme opaques de certaines Obédiences maçonniques. Cet article propose de décrypter les propos de l’ex ministre devenu comédien, d’analyser le contexte de cette prise de parole et d’explorer les réactions qu’elle a suscitées.

Les propos de Dupond-Moretti : une attaque frontale

Dans cette vidéo de plus d’une heure, Éric Dupond-Moretti, connu pour son franc-parler, ne mâche pas ses mots. Il commence par rappeler son attachement indéfectible à la laïcité, un pilier de la République française, avant d’aborder à la seizième minute le sujet de la Franc-maçonnerie. Selon lui, certaines loges maçonniques, sous couvert de principes philosophiques et humanistes, exerceraient une influence discrète mais problématique sur les sphères du pouvoir, notamment dans la justice et la politique.

L’ex ministre dénonce ce qu’il appelle des « réseaux d’influence souterrains des Frères La gratouille » qui, selon lui, nuisent à la transparence et à l’égalité devant la loi. Il cite des exemples où des magistrats ou des fonctionnaires, membres de loges maçonniques, auraient favorisé des « frères » dans des décisions judiciaires ou des nominations administratives, au détriment du mérite et de l’impartialité. « Je ne peux pas tolérer que des cercles privés, quels qu’ils soient, viennent interférer dans le fonctionnement de la justice« , assène-t-il, martelant que la République doit rester « aveugle aux appartenances et aux affiliations« .

Dupond-Moretti va plus loin en critiquant le secret qui entoure les activités maçonniques. Il évoque les serments d’allégeance prêtés par les membres, qu’il juge incompatibles avec les devoirs des fonctionnaires publics, notamment dans le cadre de la justice. « Quand on prête serment à la République, on ne peut pas prêter serment ailleurs« , déclare-t-il, suggérant que cette dualité d’engagement pourrait créer des conflits d’intérêts.

Contexte : une justice sous tension

Eric Dupond-Moretti

Cette sortie intervient dans un contexte où la justice française est sous le feu des critiques. Depuis son arrivée au ministère de la Justice en 2020, Dupond-Moretti a dû faire face à de nombreuses polémiques, notamment sur son propre passé d’avocat et sur des accusations de conflits d’intérêts dans certaines affaires. En 2025, alors que la France prépare des échéances électorales majeures, l’ex ministre semble vouloir réaffirmer son autorité et son engagement pour une justice indépendante.

La Franc-maçonnerie, présente en France depuis le XVIIIe siècle, a toujours été un sujet sensible. Avec environ 160 000 membres répartis dans diverses obédiences (comme la Grande Loge de France, le Grand Orient de France ou encore la Grande Loge Nationale Française), elle est souvent perçue comme un réseau d’influence, notamment dans les hautes sphères de l’État. Des affaires passées, comme les scandales impliquant des réseaux maçonniques dans les années 1980 et 1990, ont alimenté les soupçons d’une collusion entre certaines loges et des responsables publics. Les propos de Dupond-Moretti s’inscrivent donc dans une longue tradition de méfiance à l’égard de cette organisation.

Une critique à nuancer

Théâtre Marigny depuis le 1er février 2025.

Si les accusations de l’ex ministre devenu comédien sont graves, elles méritent d’être nuancées. D’une part, la Franc-maçonnerie n’est pas un monolithe : les différentes obédiences ont des orientations idéologiques variées, allant de la défense de la laïcité à des positions plus conservatrices. De nombreux francs-maçons revendiquent un engagement sincère pour des valeurs humanistes et républicaines, et rejettent toute idée d’influence indue.

D’autre part, les preuves concrètes d’une influence systématique de la Franc-maçonnerie sur la justice restent rares. Si des cas isolés de favoritisme ont été documentés par le passé, ils ne permettent pas de généraliser à l’ensemble de l’organisation. Dupond-Moretti lui-même n’apporte pas d’exemples précis dans cette vidéo, ce qui pourrait affaiblir la portée de ses accusations. Certains observateurs y voient une stratégie politique : en s’attaquant à une organisation souvent perçue comme mystérieuse, le ministre pourrait chercher à détourner l’attention de ses propres difficultés et à se poser en défenseur intransigeant de la République lorsqu’il était ministre.

Réactions et polémiques

Les réactions à cette vidéo n’ont pas tardé. Du côté des obédiences maçonniques, le ton est à l’indignation. Le Grand Orient de France a publié un communiqué dénonçant une « attaque injustifiée » et rappelant que la Franc-maçonnerie promeut des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, en parfaite adéquation avec les idéaux républicains. « Nous ne sommes pas un contre-pouvoir, mais un espace de réflexion« , affirme le communiqué, qui appelle Dupond-Moretti à « faire preuve de plus de discernement« .

Sur les réseaux sociaux, les avis sont partagés. Certains internautes saluent le courage du ministre pour avoir abordé un sujet tabou, estimant qu’il est temps de faire la lumière sur les réseaux d’influence dans les institutions. D’autres, en revanche, accusent Dupond-Moretti de populisme, voire de relayer des théories complotistes sur la Franc-maçonnerie. Des voix critiques soulignent également l’ironie de la situation : Dupond-Moretti, lui-même accusé par le passé de conflits d’intérêts, serait mal placé pour donner des leçons de transparence.

Vers une réforme ou une polémique stérile ?

Dans d’autres supports, Dupond-Moretti annonçait son intention lorsqu’il était aux affaires de renforcer les mécanismes de contrôle pour garantir l’indépendance des magistrats et des fonctionnaires. Il évoquait notamment la possibilité d’imposer une déclaration obligatoire d’appartenance à des organisations comme la Franc-maçonnerie pour certains postes sensibles, une mesure qui, si elle était mise en œuvre, risquerait de provoquer un tollé.

En 2025, alors que la France est confrontée à des défis majeurs – crise sociale, défiance envers les institutions, montée des extrêmes –, ces sorties de Dupond-Moretti pourraient n’être qu’une diversion. Si elles ont le mérite de poser la question de la transparence dans les institutions, elles risquent aussi de raviver des clichés sur la Franc-maçonnerie sans apporter de solutions concrètes.

En conclusion, les déclarations d’Éric Dupond-Moretti dans cette vidéo du 7 mai 2025 témoignent d’une volonté de s’attaquer aux zones d’ombre de la République, mais elles soulèvent autant de questions qu’elles n’apportent de réponses. Entre défense de la laïcité et risque de stigmatisation, le débat sur la Franc-maçonnerie reste plus que jamais d’actualité.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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