La culture communautariste est le gros frein à l’universalisme ; il faut promouvoir l’individualisme !
La Franc-maçonnerie affiche une belle pérennité tri-séculaire. Celle-ci doit probablement pas mal à l’idée, mise en avant dès les constitutions d’Anderson, qu’elle s’adresse aux humains de toutes origines. Bien sûr, les exclusions (femmes, borgnes et bossus, esclaves…) parlent beaucoup de l’état d’esprit à l’époque de la rédaction des règles. Mais l’attrait de l’universalisme était dans le Zeitgeist du siècle des Lumières, et continue à parler à tous ceux qui sont épris d’égalité en droits.

Il en résulte des textes comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Une mouture célèbre est celle de 1948. Elle se situait après la terrible seconde guerre mondiale, dans une Organisation des Nations Unies toute fraîche et animée de la volonté de pacifier le concert des peuples. Les 58 états membres d’alors étaient d’accord sur les termes. Vraiment ? Ben, comme disait Coluche, le problème avec l’égalité c’est que certains sont plus égaux que d’autres. En effet, les pays développés menaient la danse et tenaient la plume.
Dans le préambule du texte, les termes de peuples, nations, individus, organes sont présents, mais dans les articles suivants individu (ou personne ou être humain) est bien plus fréquent que les autres termes. Pas vraiment étonnant puisqu’il s’agit de droits de l’homme. Oui mais « famille » ou « communauté » apparaissent peu. Et des voix se sont élevées, indiquant que des sociétés moins individualistes, où famille ou communauté sont les niveaux essentiels, n’y trouvaient pas leur compte.
C’est là que l’on voit apparaître un clivage entre manières de penser.

La pensée occidentale reconnaît sans difficulté l’importance des groupes et organes : nation, gouvernement, communauté, association, famille… Mais, dans les pays qui ont évolué vers la démocratie, l’individu a obtenu un important noyau de droits. La vie dans les pays occidentaux démocratiques affiche des différences profondes avec celle dans les pays autres. Dans ces derniers pays, l’égalité en droits des individus est systématiquement moins poussée. Un test discriminant entre les deux cultures est celui de la dénonciation ou non d’un membre de sa famille qui aurait commis un crime : dans les pays démocratiques le taux de dénonciation serait notablement plus élevé que dans les autres.

Cet écart dans les mentalités peut être attribué au fait que les pays non occidentaux ont pris leur essor civilisationnel plus tardivement. Ils pourraient donc être encore imprégnés des réflexes de survie anciens, salutaires à l’époque, mais qui accordent systématiquement le primat au groupe, enfin, surtout à ses meneurs. (NB : cette explication « évolutionniste » reste néanmoins à confirmer par les scientifiques adéquats.)
Voilà donc l’Union Africaine qui adopte en 1986 une Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Ses articles insistent sur les droits et les devoirs des peuples, des nations, des familles, plus que ceux des individus.
Cherchons une explication de cet écart.
Cet écart est lourd de conséquences, entre l’occident et les autres pays.

Les civilisations ont développé des systèmes de régulation des comportements. Le plus répandu, jusque dans nos pays il n’y a pas si longtemps, est basé sur la réputation, aussi nommée l’honneur. Ce système est aux commandes dans la plupart des œuvres de littérature ou de cinéma dans lesquelles l’action se passe dans notre passé. Le succès de ces fictions semble indiquer qu’elles correspondent à nos archétypes, et sans doute aussi à notre génome. Des sociologues ont mesuré pays par pays ceux pour lesquels ce système, encore appelé culture de la honte, est toujours actuellement en vigueur. Eh bien, c’est le cas dans tous les pays du monde, sauf l’occident, c’est-à-dire l’Europe, l’Amérique du nord, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Les cultures de la honte ont pour caractéristique des liens communautaires forts et des structures de parenté étroites. L’individu n’est qu’un élément du groupe, son honneur personnel et l’honneur collectif du groupe se confondent quasiment. Le statut de l’individu est en prise directe sur sa réputation.
Les membres du groupe se surveillent mutuellement et sont solidaires pour défendre leur réputation (on trouve là la notion de crime d’honneur). Comme expliqué par David Graeber dans son livre sur la dette dans l’histoire, la honte est associée à la violence car il faut absolument défendre son honneur et celui de sa famille. L’individu dans ces cultures cherche à se faire respecter par les autres.
En occident, la culture dominante actuelle est celle de la culpabilité.

Elle se différencie des autres par l’importance de son individualisme. En franc-maçonnerie, c’est l’individu qui postule, qui est initié, qui taille sa propre pierre.
De cet individualisme découlent des traits particuliers : non-conformisme, esprit analytique, fidélité à des valeurs plus qu’à des relations. Ceci entraîne quelques conséquences négatives : besoin anxieux de se distinguer pour « exister », narcissisme, hubris, sentiment de solitude.
Nous le savons, notre environnement culturel influence nos comportements. Nos sociétés devenant de plus en plus multiculturelles, elles prennent plus ou moins le visage de communautés juxtaposées.
Le monde occidental est devenu celui de l’impermanence ; on dirait qu’Héraclite ou le Tao ont finalement gagné contre Platon et tous les philosophes de l’être. On change de boulot, de voisins, de collègues, d’amis, de ville, de conjoint, et même de genre. Ce qui est constant chez l’individu ce sont ses qualités singulières, sa personnalité, et non ses relations. Pour cette raison, il attache une grande importance à la cohérence et à l’intégrité morale.
Fidèle à rien, l’occidental doit au moins être fidèle à lui-même.
S’adapter à un monde social individualiste signifie perfectionner les attributs personnels qui persistent dans divers contextes, tailler sa pierre, quoi.

Bref, dans notre société actuelle, nous avons deux communautés face à face : l’une, issue d’une immigration récente, ne se reconnaît aucun défaut et accuse l’autre, et l’autre adore se flageller pour aller vers plus de perfection morale… un beau couple sado-maso qui peut s’étriper longtemps, avant qu’une des tendances philosophiques ne l’emporte. Bref, de longs et pénibles efforts seront encore nécessaires.
Mon opinion personnelle reste solidement en faveur de notre culture occidentale, qui me semble présenter le rapport points positifs / points négatifs le plus favorable. Notre culture occidentale est pour le moment encore majoritaire dans nos pays. Que faire afin d’apaiser les tensions ? Il me semble nécessaire d’assurer que chaque individu issu des cultures de l’honneur soit frotté sérieusement à notre culture. Cela doit se faire dès l’enfance, avant que les préjugés ne s’installent.
Texte rédigé sans utilisation d’IA !
Si je puis me permettre, la dénonciation me semble plus fréquente dans les régimes communautaristes, collectivistes ou totalitaires
Notre culture, qui favorise la dénonciation et l’individualisme actuel, me rappelle plutôt les livres d’histoire de la première moitié du XXe siècle. La voir opposée à la culture de la honte où, dans la majorité de ces pays, les habitants ne finissent pas leur vie abandonnés dans des maisons de retraite privées à la gestion uniquement orientée vers la rentabilité ne me semble pas la mettre en valeur.